Thierry CROUZET

Reformulation

Mes dernières explications ne semblent pas bien comprises, je vais essayer de m’expliquer autrement. Il est d’ailleurs logique que la plupart des gens rejetent les des connecteurs, car si ces idées étaient acceptées, notre société serait déjà radicalement différente. Heureusement, les promoteurs d’internet ont toujours vécu avec ces idées en tête et j’espère qu’ils continueront (que nous continuerons). Mais nous sommes peut-être des demeurés.

  1. La complexité ne se contrôle pas. Les états critiques dans lesquels nous sommes plongés sont aussi incontrôlables qu’imprévisibles. Ce point est capital. Tout le reste est presque anecdotique. Maintenant vous pouvez postuler que la complexité se contrôle, je vous laisse apporter cette démonstration, aller à l’encontre des dernières découvertes au sujet de la complexité.
  2. Notre société devient de plus en plus complexe, notamment parce que nous sommes de plus en plus interconnectés. Vous pouvez aussi nier ce fait, dire que la complexité de la société reste constante. Mais au vu des difficultés croissantes de tous les gouvernements à gouverner, notamment des gouvernements non libéraux qui cherchent justement à gouverner, vous aurez du mal à convaincre beaucoup de monde (j’espère).
  3. Complexité incontrôlable et société complexe font donc mauvais ménage avec les hiérarchies. Comprenez que je n’ai rien contre la hiérarchie a priori, je déduis simplement que ce système ne va pas pouvoir fonctionner longtemps dans la nouvelle société que nous construisons. Il importe peu que les hommes aient toujours fonctionné hiérarchiquement. Si nous voulons survivre tout en restant sur la route du progrès technologique et social, nous devons changer nos habitudes. L’autre solution serait la régression (prônée par les intégristes de tout bord).
  4. Il suffit d’avoir joué avec les algorithmes de John Holland pour avoir une conscience bouleversante de l’évolution. Au fait : notre cerveau ne peut pas être néandertalien, puisque l’homme de Neandertal appartenait à une autre lignée d’hominidés. Votre raisonnement, comme je l’ai compris, c’est : nous avons toujours fait ça et nous le ferons toujours. Le cannibalisme aussi ? La lapidation de femmes adultères aussi ? Pour ma part, je crois naïvement que nous pouvons nous améliorer.
  5. Du coup, je ne crois pas à la fatalité biologique, voir mon chapitre Ne pas mourir, pas plus à la fatalité culturelle. Ce n’est pas parce que les hommes ont fonctionné suivant des systèmes hiérarchiques jusqu’à aujourd’hui qu’ils continueront de le faire.
  6. Les systèmes hiérarchiques ne sont pas une invention humaine mais une invention des mammifères.
  7. Les insectes ont développé des sociétés bien plus complexes que celles des mammifères, en tout cas des hommes jusqu’à il n’y a pas si longtemps. C’est parce que leurs sociétés sont complexes que les insectes s’auto-organisent. Soit nous allons vers la complexité et changeons notre façon de nous organiser, soit nous stagnons, voire régressons.
  8. Vous nous promettez un futur horrible où nous seront poussés par la faim, forcés de revenir à l’état de nature. Si votre vision de l’avenir est juste, alors oui les hiérarchies seront de retour, car la société deviendra de plus en plus simple. Je ne dis pas le contraire, tout simplement je me place dans une perspective de complexification (je suis utopiste).
  9. Vous nous rappelez l’histoire des villes. Vous avez en gros raison mais je ne veux pas refaire l’histoire passée des villes mais essayer de deviner comment elles continueront à se développer. Encore une fois, vous me ramenez vers ce qui a existé et non vers l’avenir qui nous intéresse. Le monde est tel qu’il est, nous ne pouvons pas le changer tel qu’il est, mais tel qu’il deviendra.
  10. Une armée est un réseau en étoile. Il n’y pas plus hiérarchisé. US Army vs Al Qaïda. L’hyper-organisation cherche encore Ben Laden. Une structure centralisée n’a aucune chance contre une structure décentralisée, l’une a des points névralgiques, l’autre n’en a pas (ce qui ne veut pas dire qu’elle est invulnérable). Voilà pourquoi les organismes biologiques ne sont pas centralisés.
  11. Mais un réseau n’est pas fragmenté. C’est tout le contraire justement. C’est parce qu’il n’est pas fragmenté qu’il est plus performant qu’une structure hiérarchisée divisée en strates et sous-strates.

PS : L’argent doit jouer dans notre société le même rôle que les boulettes de terre pour les termites : produire une incitation au travail. Et comme les termines s’auto-organisent en communiquant avec les boulettes, nous faisons pareil avec l’argent. Car notre société est déjà auto-organisée en grande partie, c’est grâce à cette auto-organisation qu’elle est relativement stable, pas grâce aux structures hiérarchiques contrairement à ce que beaucoup de gens croient.Je pense que dans une société hautement interconnectée l’argent se diversifiera, que même beaucoup d’échanges ne quantifieront pas en termes de valeur. On le voit déjà avec l’open source. On échangera des services plus qu’autre chose. À priori, les systèmes centraux comme les banques et les bourses n’auront plus leur place dans cette nouvelle société. Je mets les pieds dans une zone mouvante pour moi. Je ne connais rien à tout cela.Je perçois juste que l’argent nous aide à nous auto-organiser mais je crois qu’il n’offre pas un canal de communication assez large nous arracher au management hiérarchique. Pour cela, il nous faut échanger de l’information.

Thierry Crouzet @ 2006-03-22 10:01:55

Seconde réponse à Ralala sur le Billautshow.

F. Lémann @ 2006-03-22 23:27:32

Et l’Argent ?

Depuis toujours l’Argent a été le régulateur insidueux des organisations humaines.

En examinant les flux monétaires, on comprend parfois mieux les évènements du passé.

On pourrait dire que c’est LE moyen de communication universel du passé. Celui qui a permis de réguler les organisations humaines.

Peut-on remplacer ce régulateur des activités humaines ?

Les flux monétaires sont-ils le pendant d’Internet appliqué à la matière ?

Ma question est-elle idiote ?

Ralala @ 2006-03-23 07:40:29

Re-réponse :)

On continue... :)

"Demeurés"?!J’ai été peut-être trop ironique?

Je n’estime pas que qq’un qui développe sur la complexité soit un demeuré:par contre,je rapproche le développement de réseaux indépendants de l’utopie autarcique hippie.(Encore une fois,désolé pour le côté brut(e) terre-à-terre. ;)

1)?!

Non non,je n’ai pas parlé de contrôle de la complexité:je voulais dire que les individus composant les réseaux auto-organisés dépendront encore (ou entreront en compétition) avec la société organisée pour leurs ressources matérielles (alimentation,énergie,produits technologiques entre autres).

Donc il faut une nécessaire "interface" entre les 2 sortes de société.

2)Non,je suis entièrement d’accord:l’ouverture des frontières,le développement des moyens de communication matériels et virtuels augmentent les relations,donc la possiblité de création de réseaux,la circulation des idées,des concepts,des habitudes...donc,une complexification de la société,oui.

3)Mhmh...Vous allez peut-être dire que je manque d’imagination ou d’hardiesse,mais j’ai vraiment du mal à conceptualiser une société non hiérarchisée:les rapports de force ont toujours été à la base des macrorelations,disons (dans le temps,l’espace,ou dans le nombre),entre groupes humains.Encore une fois,un consensus peut exister pour des groupes plus ou moins grands,mais dès qu’il s’agit de gestion des ressources...

Et une société fragmentée est toujours plus fragile face à une société organisée (enfin,jusqu’à ce que les faits prouvent le contraire ;);et IL Y A compétition au niveau le plus macroscopique (nations) pour les ressources.

Il y a une troisième solution:la stagnation.Et si on a été capables d’envoyer des hommes sut la Lune et des sondes sur les autres planètes,on n’est pas fichus de planifier un développemnent équilibré pour la planète.Vous direz sans doute que c’est le mode de fonctionnement des sociétés qui fait cela;je penche encore pour le côté primal de l’humain (je m’approprie les ressources disponibles,et je les défends contre "les autres").

4)Non non:j’essayais juste de récapituler un ensemble de faits pour servir de base à la discussion.

"Votre raisonnement,comme je l’ai compris,c’est:nous avons toujours fait ça et nous le ferons toujours." Oui.

"Le cannibalisme aussi?la lapidation de femmes adultère aussi?"Même si cela n’existe pas CHEZ NOUS,cela existe ailleurs à travers le monde (tribus "primitives" et certains pays islamistes.)Donc cela fait partie de ...pardon,cela peut exister chez l’homme.

"Pour ma part,je crois naïveent que nous pouvons nous améliorer." Tiens,je crois qu’on repart sur le vieux débat.Bon,clarifions les choses pour éviter les malentendus:ce débat-ci repose seulement sur les améliorations sociales.

(Cependant,vu l’avancée constante des sciences de la vie,et la banalisation probable de leurs possibilités,il serait intéressant d’intégrer le problème eugéniste,qui ne manquera de toute façon pas de se poser (qui se pose déjà indirectement:plantes et animaux);mais comme dans un lieu ouvert,ça risque de glisser rapidement au n’importe quoi,laissons-le de côté.)

5)"Du coup,je ne crois pas à la fatalité biologique,voir mon chapitre Ne pas mourir,..."

Ah!Ben si,finalement,en avant pour le chapitre eugéniste! ;D

Le problème,par exemple avec la vie éternelle (il y a aussi plus fort,plus beau,plus intelligent,etc...),c’est:QUI va avoir droit à la piqûre magique?

L’éternité pour tous,cela signifie une guerre auto-destructrice à court terme,avec un petit nombre de survivants;l’éternité pour un petit nombre,cela signifie une société dictatoriale (la plus psante des hiérarchies).

Il ne reste plus qu’une stérilisation générale de la population:comme toujours,il y aura des pour et des contre,donc encore des conflits en perspective.Ou un essaimage général dans l’univers:mais il faudra que tout le monde soit d’accord pour partir (encore conflit) ... et surtout avoir les moyens de le faire!!On peut envisager que les progrès permettent de les inventer,mais encore une fois,cela arrivera-t-il avant des conflits importants?

8)Non,pas forcément d’apocalypse dans le futur:mais des tensions (qui sont toujours sous-jacentes du fait même que nous hommes des êtres biologiques ayant une histoire évolutive) peuvent déclencher des conflits,qui ont pour effet de détruire,donc de faire retourner à un niveau de développement antérieur.

9)D’accord pour s’occuper d’un avenir sur lequel nous pouvons avoir prise:mais comme il sera toujours (à priori,et au moins dans le premier temps) avec des sociétés humaines,le passé peut nous éclairer un peu sur celui-ci (même si "le passé est une lanterne accrochée dans le dos" (Confucius)).

10)"Une armée n’est pas un réseau!" ??

Oulà!il y a peut-être méprise sur les définitions,en fait! :D

Personnellement,je classe quand même une armée dans la catégorie des réseaux:le plus simplifié possible (une seule voie,une seule direction pour les informations,et pour les ordres),mais un réseau quand même:groupe d’individus reliés entre eux,avec des noeuds centraux.

11)(Non,j’ai survolé votre blog.)

Mhmh...Difficile de généraliser sur un cas particulier,surtout quand c’est une affaire de politique internationale...

"Une structure centralisée n’a aucune chance contre une structure décentralisée."

Mhmh...une guerre ne se gagne pas sur le style ou la décoration des uniformes.Il y a tellement de facteurs en jeu qu’il est difficile de généraliser.bon,je veux bien faire mon mea culpa sur mon post précédent,où je fais la même erreur de généralisation ("une armée est plus puissante que des tribus"):mais si on considère que la destruction de la société organisée se fait en éliminant (physiquement ou socialement) les noeuds de son réseau (les décideurs),MAIS que les membres restants de la société préfèrent la "recréer" en mettant de nouveaux chefs en place,à priori les réseaux auto-organisés finiront par être détruits.

Pour résumer:bon,je me place dans une perspective de conflit ouvert,dans le style gouvernement contre groupements activistes des années 70.Si on considère que l’auto-organisation agira de l’intérieur de la société et remplacera les formes classiques d’implication des individus dans la vie sociale et politique,alors effectivement mon raisonnement ne tient plus.Mais je n’arrive pas à visualiser cette organisation sociétale,et la considérant comme fragmentée en groupes d’opinions,je la vois mal adaptée pour l’éternelle lutte des ressources.

Il faudrait rajouter la nouvelle donne technologique apportée par les NBICs (Nano Bio Info Cogno):robots,"samrt dust",intelligences artificielles et biotechnologies.Je vais finir par acheter votre livre,je sens! (Ah!,ces chalands... ;P )

"Dire que je voulais faire bref..."

Et moi donc!! ;)

tcrouzet @ 2006-03-23 21:37:48

Boulette de terre = argent !

Vous avez sans doute raison pour l’argent, je n’y avais pas pensé. L’argent doit jouer dans notre société le même rôle que les boulettes de terre pour les termites: produire une incitation au travail. Et comme les termines s’auto-organisent en communiquant avec les boulettes, nous faisons pareil avec l’argent. Car notre société est déjà auto-organisée en grande partie, c’est grâce à cette auto-organisation qu’elle est relativement stable, pas grâce aux structures hiérarchiques contrairement à ce que beaucoup de gens croient.

Je pense que dans une société hautement interconnectée l’argent va se diversifier, que même beaucoup d’échanges ne seront pas quantifiés en termes de valeur. On le voit déjà avec l’open source. On échangera des services plus qu’autre chose. À priori, les systèmes centraux comme les banques et les bourses n’auront plus leur place dans cette nouvelle société. Là je mets les pieds dans une zone mouvante pour moi. Je ne connais rien à tout cela.

Je perçois juste que l’argent nous aide à nous auto-organiser mais je crois qu’il n’offre pas un canal de communication assez large nous arracher au management hiérarchique. Pour cela, il nous faut échanger de l’information.

tcrouzet @ 2006-03-23 21:50:39

Fragmenté

Mais un réseau n’est pas fragmenté. C’est tout le contraire justement. C’est parce qu’il n’est pas fragmenté qu’il est plus performant qu’une structure hiérarchisée divisée en strates et sous-strates.

Au fait, une armée est un réseau... oui, en étoile, y’a pas plus centralisé, pas plus fragile... voir les travaux de Paul Baran qui travaillait pour l’armée. Par réseau, je sous entend toujours réseau distribué, décentralisé...

Faut vraiment que vous achetiez mon livre :-)

Et qu’on reprenne la discussion après!

F. Lémann @ 2006-03-24 09:03:43

Argent = société hiérarchique ?

L’information se duplique facilement, l’Argent non.

Il a donc rapidement existé des individus riches et pauvres. On trouve là le germe d’une société hierarchisée.

Il serait interessant de programmer un automate cellulaire ayant les règles de élémentaires des échanges monétaires: on trouverait peut-être une structure hiérarchique semblable au monde actuel ?

Si on admet que le régulateur "Argent" a statibilisé l’organisation du monde actuel. L’internet modifie cet équilibre (La Finance a rapidement interconnecté ses ordinateurs, L’industrie de la Musique est en plein boulversement, L’industrie du logiciel ...)

Dès lors le monde futur est un nouvel équilibre qui s’appuie sur au moins deux règles élémentaires : chaque individu essaye de maximiser son patrimoine ; chaque individu est interconnecté

Quel monde obtient-on ?

tcrouzet @ 2006-03-24 15:28:30

Un nouveau livre

Vous avez une superbe hypothèse de départ, un superbe sujet de livre. Je crois que nous obtenons un monde d’hommes libres, un monde de connecteurs. Vaste programme!

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