Thierry CROUZET

Qu'est-ce que la complexité ?

Geneviève Morand, CEO de Rezonance, m’a demandé de définir la complexité. C’est le genre de concept qu’on utilise sans avoir nécessairement besoin de le définir, c’est un peu comme la conscience, nous savons à peu près de quoi il s’agit, il ne peut pas y avoir d’ailleurs de définition exacte.

J’ai tout de même une idée intuitive de ce qu’est la complexité : quelque chose que mon esprit n’est pas capable de saisir... Et comme mon esprit est loin d’être supérieur, j’ai tendance à généraliser en disant que la complexité est quelque chose que même Dieu n’arrive pas à saisir en un temps fini. Mais, comme je suis athée, cette seconde définition n’apporte peut-être pas grand-chose.

Autant alors prendre des exemples. Mon préféré est celui du tas de sable où on laisse tomber un nouveau grain. Le tas est complexe car il est impossible de prévoir ce qui va se passer quand le grain tombera. La seule façon de le savoir, c’est d’attendre. Toutes les situations où il n’y a pas moyen d’anticiper l’avenir sont complexes. Quand, pour connaître l’avenir, nous devons attendre que cet avenir survienne, nous sommes dans une situation complexe. La complexité, c’est quand nous n’avons pas de raccourcis vers l’avenir, c’est quand nous démontrons qu’il ne peut y en avoir.

Après, il y a d’autres approches, plus scientifiques, comme dire que la complexité apparaît au point de transition de phase entre l’ordre et le désordre, au point où les auto-organisations se produisent spontanément. Mais c’est sans doute une définition restrictive. Je préfère en rester à l’absence de raccourcis.

C’est parce que les politiques n’ont pas de raccourcis vers l’avenir qu’ils sont incapables de gouverner une société complexe.

PS : J’aurais pu définir la complexité en disant qu’elle existe quand les parties ne sont pas plus simples que le tout.

Geneviève Morand @ 2006-04-18 23:00:09

Définition de la complexité etc...

Cher Thierry,

Merci de ta rapidité de réaction, un mail à 20h00, un blog à 22h00 !

Je te posais la question de la défnition, parce que je viens d’en trouver une excellent dans le livre "Le Manager Agile" de Jérôme Barrand paru aux Editions Dunod, en collaboration avec la HEG Fribourg de mon ami Lucien Wuillemin. Il me semble qu’elle est en résonance avec la tienne !! La voici:

"Finalement, la principale différence entre un objet compliqué et un objet complexe, c’est la MAITRISE ! Un objet compliqué peut être maîtrisé, on peut en décoder le fonctionnement et en garantir la récurrence (J’ajoute la causalité linéaire), tandis qu’un projet complexe ne peut être totalement et définitivement maîtrisé et n’a aucune raison de se coporter demain comme aujourd’hui (notion d’imprévisibilité et/ou d’émergence)"

cf le programme du WKD- World Knowledge Dialogue qui traitera en septembre prochain de la complexité avec notamment le directeur du santa Fé Insitute, la référence en la matière (à part Edgard Morin bien sûr)

www.wkdialogue.org

cf le séminaire Singularity Summit, libre et gratuit à Stanford en mai prochain:

http://sss.stanford.edu/

cf le livre de Reda Benkirane "Complexité: vertiges et promesses" qui a interviewé pas mal de chercheurs sur ce thème

http://www.archipress.org/reda/index.php?option=com_content&task=view&id=15&Itemid=47

Si vous avez d’autres infos sur ce thème, merci de me les communiquer

Geneviève Morand

gmorand@rezonance.ch

tcrouzet @ 2006-04-19 08:19:48

Autre définition

Ce matin j’y vois plus clair... J’aurais pu définir la complexité en disant qu’elle existe quand les parties ne sont pas plus simples que le tout.

Sylvain @ 2006-04-19 10:06:08

Une autre approche

La notion de problème complexe m’a été enseignée en comparaison avec la notion de problème compliqué (un peu comme la définition que cite Geneviève).

Voilà :

Un problème compliqué est un problème que l’on peut diviser en petites parties, chacunes étant plus simple à traiter que le problème dans son ensemble. En divisant un problème compliqué, on peut alors le résoudre plus facilement.

Les composantes d’un problème complexe et leurs relations sont telles qu’il est impossible de diviser ce problème en sous parties (et donc de faciliter son traitement par ce biais).

Damien HOFFSCHIR (aka Filimindji) @ 2010-07-29 11:43:29

Selon Arthur C. Clarke, la complexité, c’est le sens de la vie (rien que ça :). C’est la conclusion à laquelle il parviens dans "Rama révélé" : Tout ce qui vie, ce qui ne vie pas, l’univers entier, tout tend à être toujours plus complexe : c’est l’essence de la vie.

On le voit bien dans nos efforts constant pour rendre les choses plus facile : la réflexion et le travail mené sont beaucoup plus important que pour obtenir quelque chose de compliqué. Curieux paradoxe, non ?

Thierry Crouzet @ 2010-07-29 12:31:02

Le compliqué vient d’une accumulation de faits simples... c’est ça le paradoxe non?

PS : j’ai lu rdv avec rama il y a 30 ans, plus très présent à l’esprit

Henri A @ 2010-07-29 13:58:10

Je ne vois pas de paradoxe. Je dissocie ce qui est compliqué à ce qui est difficile. Un fait simple, voir atomique peut être extrêmement difficile à appréhender.

Par contre il se peut qu’une suite monumentale de faits simples engendre quelque chose de très compliquer et de relativement facile à appréhender.

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