Thierry CROUZET

Les aberrations du capitalisme

Qu’on puisse dire qu’un Picasso vaut un million de barils de brut, je trouve ça absurde. Un Picasso est unique, pas les barils. Au regard de l’histoire de l’humanité, un Picasso a une valeur infinie, comme la cathédrale de Chartre, comme n’importe quelle œuvre d’art... Paris n’est pas à vendre que je sache.

Le capitalisme devient encore plus absurde quand on dit qu’un Picasso vaut le travail de dix vies d’ouvrier. Je ne vois pas pourquoi on cherche à convertir ce qui n’est pas convertible. C’est comme si un physicien disait 1 kg = 1 année lumière. Cette équation n’est pas homogène. Et pour moi, c’est ça le capitalisme : un système qui simplifie à tout prix la complexité, qui la fait entrer dans un moule.

Jusqu’à la fin du XXe siècle, le capitalisme a été efficace. Il s’appuyait sur le système monétaire pour régler les échanges commerciaux. Toutes les monnaies étaient convertibles grâce aux bourses. On savait partout de quoi on parlait. Aujourd’hui, les bourses et les systèmes de conversion monétaires ne sont plus indispensables.

La meilleure preuve : c’est eBay. Comme à l’époque du troc, nous pouvons à nouveau échanger des produits et des services. Des marchés métalocaux peuvent se créer, reposant sur leurs propres règles. Les produits et services échangés sur ces marchés n’ont pas besoin d’être comparés à un étalon universel.

Si je rencontre sur le web un artiste, si j’aime une de ses œuvres, si j’aimerais l’avoir chez moi, je peux la négocier en direct avec lui, pas nécessairement en argent. En fait, je échangerai avec lui de la connexion. Je vais mettre mon réseau en contact avec le sien. Je vais peut-être lui trouver un galeriste, lui trouver un lieu d’exposition, lui trouver un maçon pour réparer son toit. Lui, inversement, il peut me renvoyer vers un de ses amis qui a un problème sur son site web. Plus rien n’empêche que la société fonctionne de cette façon à l’échelle planétaire.

Ça peut paraître compliqué mais je crois que, plus nous serons connectés, plus ces choses se feront naturellement. Je ne pense pas que ce soit une régression vers le système du troc. Des réseaux peuvent échanger des infrastructures immenses, des énergies, des informations. Une transaction ne s’arrête pas soudainement une fois le chèque fait. Chaque transaction est une rencontre, le début d’une connexion durable.

Bien sûr, les gouvernements tenteront d’empêcher ces évolutions. L’abandon de l’étalon universel rendra les taxations impossibles. La décentralisation des échanges implique la fin des gouvernements centralisés car ils ne pourront plus se financer.

PS1 : C’est parce que les valeurs sont subjectives qu’un étalon universel n’a aucun sens ; et, maintenant, de moins en moins d’utilité car nous pouvons mettre nos subjectivités en relation.PS2 : Certains capitalistes parlent du capitalisme comme les communistes parlent du communisme. Il se réfèrent à un idéal qui n’a jamais été mis en oeuvre et ne le sera jamais. J’ai tendance à parler du capitalisme tel que je le perçois. Je suis totalement dans la subjectivé ! Et totalement ignare en économie.PS3 : Je n’imagine pas une seconde que nous allons revenir au troc. Je pense juste que nous pouvons nous affranchir d’un étalon monétaire universel et inventer un capitaliste plus divers. Tout ce qui est universel, Dieu pour commencer, ne laisse pas beaucoup de place à la liberté.

Dilbert @ 2006-05-22 10:26:06

attention, théorie de la valeur...

La vraie valeur est subjective, même si elle se traduit par une valeur objective quand elle aboutit à un échange libre via le marché. C’est d’ailleurs ce que l’on constate quand on va sur eBay ("chouette ! il y a des gens prêts à acheter 100 € ce vieux machin pourri que je vends !).

Ce qui fait que comparer le prix d’un Picasso avec celui du pétrole est aussi anecdotique que stérile ("apples vs oranges" comme ils disent aux US).

Le capitalisme est "wertfrei" : c’est un mode économique utilisable aussi bien dans un cadre libre (libéralisme classique) que dans un cadre contraint (capitalisme d’état que l’on connaît bien en France). Nous sommes tous des capitalistes dès lors que nous échangeons avec les autres. Un connecteur est un capitaliste : il échange avec les autres parce que c’est dans son intérêt (intérêt qui peut être purement intellectuel, social, etc.).

Je vous invite à lire notre article sur la subjectivité de la valeur : http://www.liberaux.org/wiki/index.php?title=Subjectivit%C3%A9_de_la_valeur

tcrouzet @ 2006-05-22 12:00:37

Capitalisme idéal

C’est parce que les valeurs sont subjectives qu’un étalon universel n’a aucun sens ; et, maintenant, de moins en moins d’utilité car nous pouvons mettre nos subjectivités en relation.

Selon votre approche du capitalisme, les connecteurs sont en effet des capitalistes. Mais dans les faits, le capitalisme est-il aussi idéal ? J’ai l’impression que vous parlez d’un capitalisme idéal comme d’autres parlent d’un communisme idéal. Ça n’a jamais existé un truc pareil. J’ai tendance à parler du capitalisme tel que je le perçois. Je suis totalement dans la subjectivé ! Et totalement ignare en économie.

José @ 2006-05-22 17:34:56

Le capitalisme, ce pelé, ce galeux...

Juste un mot : le capitalisme est méchant, cruel, affreux... Mais il ne faut pas l’accabler de tous les maux, même si on ne prête qu’aux riches.

Le capitalisme n’a pas plus inventé la monnaie que la valorisation des biens, dont l’origine remonte à plusieurs millénaires.

Pour faire court, j’ai cultivé l’équivalent de deux sacs de patates que je souhaite céder. J’en voudrais bien trois sacs de carottes. Mais le propriétaire des carottes a quatre acheteurs pour ses sacs de carottes, dont un qui lui propose trois sacs de patates. Qui tombe à l’eau ?

Pour faire court également, le vendeur de carottes fait la transaction, mais n’a pas réellement besoin de trois sacs de patates. Tu le vois, le mec, trimballer ses patates toute la journée, en essayant de les échanger contre du persil et des oignons ?

Alors, on a inventé un truc tout con, qui ne nécessite des brouettes pour être transporté que de manière exceptionnelle (en Allemagne, par exemple, pendant la crise de 29) et qui facilite l’échange multiple : la monnaie.

Le troc a des qualités, mais il ne peut se substituer à tout. T’imagines la taille de la grange à patates qu’il faudrait pour acheter un Picasso ? ;)

tcrouzet @ 2006-05-22 17:46:06

D’accord

J’imagine pas une seconde que nous allons revenir au troc. Je pense juste que nous pouvons nous affranchir d’un étalon monétaire universel, inventer un capitaliste plus divers. Tout ce qui est universel, Dieu pour commencer, ne laisse pas beaucoup de place à la liberté.

Dilbert @ 2006-05-22 17:56:03

D’accord avec toi

Assez d’accord. Notamment quand tu dis dans ton post : "La décentralisation des échanges implique la fin des gouvernements centralisés car ils ne pourront plus se financer" : un libertarien tel que moi ne peut que s’en réjouir !

Quant au capitalisme, dès lors qu’on a besoin d’échanger, il existera toujours. Et dès lors qu’on lance des projets, quels qu’ils soient, on a besoin de ressources (humaines ou financières), i.e. de capital. Et ça peut être des projets capitalistes purs et durs (cherchant un profit), ou des projets sans aucun but lucratif, totalement désintéressés. Dans ce contexte, l’étalon monétaire peut très bien être privé et virtuel (et ça existe déjà, bien longtemps après que Hayek ait préconisé les monnaies privées).

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