Thierry CROUZET

Bernard Stiegler au positif

J’ai commencé à écrire ce billet en répondant aux deux commentaires de Philippe Sarro et de Krysztoff, suite à mon passage au Téléphone sonne.

Je n’ai pas dit que Stiegler était à côté de la plaque, au contraire. Lors de l’émission, ses interventions ont été pertinentes, j’ai approuvé tout ce qu’il a dit, j’aurais pu le dire aussi, mais j’ai juste trouvé qu’il tirait à lui le sujet de l’émission… En tout cas, c’est ce que j’ai ressenti, peut-être parce que j’étais au téléphone. Impossible pour moi d’être objectif sur ce coup (je le suis rarement d’ailleurs) et c’est pour ça que j’ai écrit mon billet pour avoir vos réactions.

Plutôt que de parler de ce que les gens pouvaient faire pour entrer en politique aujourd’hui, Stiegler est allé vers le théorique… racontant des choses générales sur internet et la révolution technologique. J’avoue que ces grands discours me fatiguent un peu, même si j’ai souvent donné dans le genre.

En ce moment, j’ai les mains dans le cambouis du Web et c’est là que les choses se passent, qu’elles se font… Le discours n’arrive qu’après, trop tard, car la technologie avance trop vite. Grâce à l’informatique, les philosophes doivent devenir des expérimentateurs. C’est une thèse du peuple des connecteurs. Je parie que les générations à venir ne retiendront rien des philosophes qui ne mettront pas la main à la pâte.

Et mettre les mains à la pâte, c’est faire les choses soi-même, au niveau local… et ne pas déléguer à d’autres (genre agence de développement ou autre). Dans le domaine informatique, on ne comprend vraiment une chose qui si on la programme soi-même, explique Chaitin. Je suis d’accord avec lui.

Franchement, je n’ai pas encore lu Stiegler, je vais le faire. Je vais d’ailleurs essayer de le rencontrer. Il est évident que nous vivons sur la même planète et que nous avons des choses à échanger. Tout ce que j’ai écrit sur lui ce matin, je le répète, c’était mon ressenti après une émission radio où nous n’étions même pas face à face. Loin de moi l’idée de critiquer la pensée de Stiegler que je ne connais pas.

Et puis j’ai presque envie de reprendre ce qu’a dit Stiegler pour répondre à Krysztoff. Nous entrons dans l’époque des amateurs, des proams comme disent les Américains. Je ne crois plus aux experts. Le monde devient trop complexe pour que qui que ce soit ose se dire expert. Oui, je suis un amateur et je revendique ce titre. Et de ma position d’amateur, j’ai dorénavant le droit de dire ce que je pense autant qu’un soi-disant expert. Faudrait-il que j’ai un diplôme pour avoir le droit de m’exprimer ? Et qui donc aurait un diplôme pour accorder un diplôme à mes juges ? Et un diplôme aux juges de mes juges ?

Krysztoff @ 2007-02-07 13:31:32

Là encore, je crois qu’il y a quelque chose qui relève du complexe d’infériorité chez vous, ou d’un complexe du diplôme ...

Vous dites que vous revendiquez votre position d’amateur et que vous ne voulez surtout pas le titre d’expert. Mais vous êtes un expert, vous êtes un expert du web, de l’informatique! Vous êtes un praticien. C’est d’ailleurs un des arguments de vente de la quatrième de couverture de votre premier livre (je cite :"ll fut l’un des tout premiers spécialistes français d’Internet, auteur de près d’une trentaine d’ouvrages pratiques et de réflexion sur le fonctionnement du Web") et c’est exactement ce que vous expliquez juste au dessus: mettre la main à la pate, faire les choses soit même, c’est une façon d’acquérir de l’expertise. L’expertise, ce n’est pas forcément un diplôme. Et réciproquement, ce n’est pas parce que l’on est philosophe, comme l’est Stiegler, que l’on n’expérimente pas ce sur quoi l’on "philosophe".

Il me semble que les deux approches sont complémentaires et nécessaires toute les deux. Je ne vous referais pas le couplet de "science sans conscience..." mais pourtant tout est là. Avoir les mains dans le cambouis, ou le cambweb en l’occurence, constater que la technologie avance très vite c’est une chose. Mais il ne faut jamais oublier de relever la tête du guidon, sinon on peut facilement se prendre un mur. C’est ce à quoi nous invite des philosophes comme Stiegler. Comprendre les enjeux civilisationnels, structurels, qui sont à l’oeuvre, afin de nous donner une grille de lecture, une grille de compréhension pour que, quand on retourne les mains dans le cambouis, on sache à peu près quels outils utiliser.

Et quoi que vous en pensiez, j’en apprends encore mille fois plus (et j’essaie d’en comprendre aussi mille fois plus) sur la marche du monde en écoutant et en lisant Stiegler, ou d’autres "experts", qu’en écoutant Mme Michu le matin sur France Inter, M. Bidule le soir au téléphone sonne, ou qu’en lisant les trente ou quarante blogs que je parcours chaque matin, fussent-ils de citoyens amateurs éclairés (ici un avocat, là un économiste, ou là bas un spécialiste du peuple des connecteurs :-). Ici on discute, dans les livres (ou les podcast pour faire plus moderne) de Stiegler, je me nourris.

Tataiza @ 2007-02-07 15:38:23

J’ai écouté hier l’émission( une grosse partie). En direct. Et même si j’avais raté (mais j’écoute beaucoup Inter), une copine qui t’a vu à la conférence d’Ajaccio m’a tel pour dire que tu parlais dans le poste.

C’était drôle d’ailleurs parce que c’est vrai qu’hier j’ai passé quand même plein de moments ici dans la journée et quand j’entre dans ma voiture, paf, encore toi !

J’ai trouvé sans avoir lu les deux billets donc sans être influencée, que Stiegler était super. J’ai trouvé effectivement que ce qu’il disait était complémentaire de ton discours, j’ai trouvé qu’il était très convaincant et que son discours apportait vraiment de l’eau à notre moulin...

A-t-il tiré la couverture à lui ? il répondait certainement en utilisant sa propre grille d’analyse mais ça ne m’a pas génée. J’aime assez qu’on élargisse. Après tout, la politique n’est pas que la gueguerre entre les uns et les autres mais bien quelque chose de plus vaste et de plus fondamental.

Je comprends en revanche ta frustration, puisque c’est parce que je connais bien tes arguments et ton travail que j’ai pu juger de cette complémentarité ... à partir de ce que j’ai entendu ... sans doute aurais-je manqué d’éléments.

En résumé, j’ai trouvé que Stiegler faisait remarquablement avancer le schmilblick, la cause, tout ce que tu voudras... et que c’est bien pour tout ce à quoi on croit.

As-tu bien vendu le bouquin ??? peut-être pas tant que ça. Ceci dit tes interventions étaient claires et bien argumentées.

Je retiens donc un bon point pour le 5ème pouvoir... même si la voix de Stiegler était plus présente que la tienne.

Patrick B. @ 2007-02-07 15:50:58

Les deux dernières phrase sont un rien bibliques... alors, après gourou, prophète?

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Sarro Philippe @ 2007-02-07 16:17:29

Il est vrai que Bernard Stiegler est un habitué de France Inter et de France Culture depuis des années, c’est certainement pour ça que les journalistes ont tendance à le faire parler lui.

Il est peut être plus engagé et dans l’action qu’on ne le croit, mais dans un registre différent. Ne serais ce qu’à travers son association internationale où il interpelle les politique et notamment sur la télécratie ou de la perte de l’esprit du capitalisme (au contraire du nouvel esprit de Boltansky et Chiapello). Mais aussi au centre de recherche sur l’innovation de Beaubourg (l’IRI qu’il préside après L’INA et l’IRCAM) dans lequel sont développés de nouveaux outils techniques et des logiciels d’annotation de textes d’images, de films, ou de création artistiques. Mais encore à son séminaire "Trouver de" nouvelles armes" pour tenter de créer un nouvel idiome à opposer à la misère symbolique actuelle.

Il y a une vingtaine d’année il développait déjà avec Philippe Aigrain (spécialiste des logiciel libres et des bien communs informationnels) un logiciel d’annotation pour la Bibliothèque Nationale.

Oui ce serait interessant une rencontre entre Thierry Crouzet et lui. Si je peux l’encourager, je n’y manquerais pas.

Sarro Philippe @ 2007-02-07 16:19:47

Un site où sont disponible d’anciens enregistrements de Stiegler.

http://www.christian-faure.net/bernard-stiegler/

Henri Alberti @ 2007-02-07 16:59:33

Je comprends les points de vue de Thierry, entre autre: « Dans le domaine informatique, on ne comprend vraiment une chose que si on la programme soi-même, explique Chaitin. ». Je rajouterai que si on a élaboré un algorithme, une structure de données, programmé en assembleur, etc…

« Loin de moi l’idée de critiquer la pensée de Stiegler que je ne connais pas. »

D’accord avec un peu d’humilité et d’honnêteté.

« Et de ma position d’amateur, j’ai dorénavant le droit de dire ce que je pense autant qu’un soi-disant expert. Faudrait-il que j’ai un diplôme pour avoir le droit de m’exprimer ? Et qui donc aurait un diplôme pour accorder un diplôme à mes juges ? Et un diplôme aux juges de mes juges ? ».

En effet, mais cette soif de diplôme est beaucoup plus flagrante, comme par hasard, dans le monde que l’on appelle « science humaines ».

Donc pour Krysztoff, ce n’est pas parce que l’on se proclame philosophe que c’est le cas. Le fait de sortir « de la prestigieuse EHESS » ( pour faire un clin d’œil à feu Reivelo ) n’est pas obligatoirement un passeport pour se nommer philosophe. Ce qui est important c’est-ce qui se dit, s’écrit ou/et se fait. Contrairement à vous la philosophie, la sociologie, la psychologie et la littérature ne m’ont pas appris grand-chose, à part une espèce de classement du style; tiens je pense comme cet auteur, ou plutôt cet auteur pense comme moi. Par contre je n’ai toujours pas compris de façon satisfaisante, malgré mes efforts ( et diplômes ), ne serait-ce que la physique newtonnesque.

Pour Philippe Sarro, il me semble que vous connaissez personnellement Bernard Stiegler que vous qualifié quelque part (ami de Jacques Derrida, inspiré de husserl, Foucault, Simondon et autres deleuze, spécialiste de la technique, et des supports de la mémoire: les hypomnématas et de son association Ars Industrialis ), quelque un vous a conseillé de lire Bouveresse, je ne peut qu’approuver. J’ai vu ça dans un blog, vous dites « je ne sais si je suis un homme sans qualités (Musil) », cette fois ce n’est pas moi qui en parle (-:.

Je préconise au psychologue Krystoff de lire « l’homme sans qualité » ( les deux volumes ) et de le lire de la seule façon que cela doit se lire: au premier degré ( contrairement à Heidegger qui doit se lire à je ne sais pas combien de degré pour trouver absolument et superficiellement un sens ).

Sarro Philippe @ 2007-02-07 17:28:31

Pour Henri Alberti

Dia ! je vois que vous faites de sacré recherche. Effectivement une personne m’a dit de lire Bouveresse, et cette personne et un ami d’adolescence et de de collège qui est artiste de cinéma avec un certain succès. Il se trouve que j’ai déjà lu Bouveresse et même assisté à des conférences. Il vient d’ailleurs de faire aussi une émission (la suite dans les idées) sur France Inter sur "Peut on ne pas croire".

Mais là on s’éloigne du sujet et du cinquième pouvoir.

Tataiza @ 2007-02-07 18:29:46

Henri, j’ai "l’homme sans qualités" I et II au pied de mon lit. Il ne reste plus KA !

Henri Alberti @ 2007-02-07 18:42:34

A Iza,

Je sais que mon blog est pénible, mais rien n’empêche de faire du copier-coller, imprimer.

Moi-même j’ai du mal à lire plus de dix lignes sur un écran.

Pour Philippe Sarro,

UNE minute ! C’est le temps que cela m’a pris. C’est pour dire, si se renseigner est la moindre des choses.

Krysztoff @ 2007-02-07 19:58:51

@ Henri Alberti

Mais qu’avez-vous contre les psychologues?

Par ailleurs, je note une légère contradiction dans vos propos: vous me dites "Contrairement à vous la philosophie, la sociologie, la psychologie et la littérature ne m’ont pas appris grand-chose". Et quelques phrases plus bas, que faites vous? Vous me conseillez de lire Musil! Mais que voulez-vous donc que j’y apprenne alors? Vous n’y avez donc rien appris vous? Et ce que vous avez appris, ou compris, aucun écrit philosophique, sociologique ou littéraire, n’y a apporté sa pierre? Quelle chance! Tant mieux pour vous. Moi, je suis né avec un cerveau vierge et j’ai besoin de le nourrir, en expériences certes, en échanges aussi, mais également en réflexions d’autres qui ont pensé et réfléchi avant moi (ce qui ne veut pas dire à ma place, notez bien).

Enfin, je n’ai jamais écrit que sortir de l’EHESS ou d’ailleurs suffisait pour se proclamer philosophe, ou quoi que ce soit d’autre d’ailleurs. Mon allusion au CV de Stiegler illustrait plutôt, comme le rappelle Philippe Sarro, que son parcours professionnel, bien plus que ses diplômes, montre que les questions de la technique et du monde d’Internet sont loin de lui être étranger et qu’à ce titre, il a quelque légitimité à s’exprimer dessus.

Ceci dit, je suivrais votre conseil et lirais à l’occasion Musil. On sait jamais, des fois que j’y apprenne quelque chose... malgré tout!

Henri Alberti @ 2007-02-07 21:00:06

Pardon, j’ai fais une erreur ( coquille et mise en page ), il manquait les " : ".

"Donc pour Krysztoff:

Ce n’est pas parce que l’on se proclame philosophe que c’est le cas." Donc, c’est moi qui proclame.

Je n’ai rien contre les psychologues qui font correctement leur boulot. Mon dénigrement contre les sciences humaines est exagéré, mais c’est pour faire contre poids à leurs surestimations et prétentions. Quand je dis que je n’ai pas appris grand chose cela ne veut pas dire "rien". Mais entre les "philosophes" ( je ne parle pas de Stiegler ) les "sociologues" et "psychologues" qui espèrent faire de la littérature et les "littérateurs" qui espèrent faire de la philosophie, sociologie et psychologie on ne sait plus qui fait quoi. Musil l’un des plus grands écrivains du 20e siècle avec Joyce et Proust d’après la rumeur littéraire est d’abord docteur en philosophie et en logique mathématique, chercheur en psychologie et à la base est ingénieur en mécanique. Vous pourrez apprendre "philosophiquement" quelque chose sur les probabilités, la statistique, l’entropie et la logique. Mon dénigrement à avoir avec, une spécificité exclusivement bien française: la science et la philosophie de la science est présentée majoritairement par des non-scientifique.

Krysztoff @ 2007-02-07 22:33:49

@ Henri Alberti

ok, compris. Comme disais l’autre... Dieu reconnaitra les siens (ou de façon plus laïque, le temps décidera de la postérité).

Tataiza @ 2007-02-07 22:39:02

@Henri. Non c’est juste que c’est dense Musil et Kraus... je vais imprimer et mettre ça au pied du lit avec le reste (;-))... mais j’ai lu quelques trucs tout de même. ça m’a donné envie de poursuivre...

Enfant Terrible @ 2007-02-07 22:54:50

@Kristoff:

Henri alberti voulais dire, du moins je l’ai compris ainsi, que des sciences faites pour comprendre, lorsqu’elle se mettent à enseigner, courent le danger de devenir des idéologies. Et que les sciences faites pour apprendre perdront vraisemblablement leur temps si elle essayent de comprendre.

Bref, que ce n’est pas pour rien s’il y en a plusieurs, au lieu de cette "unique science" qui se teintait de croyance à l’age du scientisme -age de transition entre le monde du "savoir" et celui des connaisances.

@Thierry: j’attends avec impatience ta rencontre avec Stiegler. Je vois déjà de loin les étincelles :-) !

@ tous: Ne nous endormons pas. Je connaissais vaguement Stiegler, mais je remédie toujours très vite à mes impasses, voire mes ignorances.

Par contre, si thierry à eu l’impression que Stiegler "tirait à lui", mon impression est très différente. Ce n’est pas le temps de parole qui m’importe. Quand une idée est bonne, elle l’est pour tout le monde et ce, d’où qu’elle vienne.

Ce qui me chiffonne, c’est que malgré toutes ses interventions très justes, je n’ai pas réellement entendu de sa part un discours "ouvert" sur les "techniques de médiation".

Comme l’a remarqué très justement Tataiza, c’est une analyse. Rien de plus.

Peut être que la mise en situation de france inter, où l’on est souvent persuadé que les intervenants réunis sont soit pour soit contre, vous l’a fait oublier.

D’après ce que j’ai pu comprendre de ce qu’ont dit Kristoff et Saro Philippe, Stiegler est un institutionnel, donc très influencable par un gouvernement. Il en est encore au stade de l’analyse, il étudie, il jauge, il mesure, il expérimente.... mais tout cela dans quel but ?

Si thierry était assez clair à ce sujet, Stiegler était loin d’être cristallin...

Avec Sartre et Henri alberti, je ne saurais vous recommender trop de prudence à l’égard des "philosophes institutionalisés". Je rappelle qu’on en a déjà eu un au gouvernement.

Quand à moi, je préfère les gens comme thierry, motivants parce que justement non influencés par la force de l’habitude (vous savez, celle qui tue la conscience) que des gens qui peuvent avoir une juste analyse de la situation... et en tirer de mauvaises conclusions !

Comme celles, par exemple, de Bill Gates, exemple qui n’est pas anodin.

Vigilence, donc....Clarté, Rectitude, mais aussi vigilence...

Henri Alberti @ 2007-02-07 23:39:36

Qu’est-ce que je disais, l’Enfant Terrible me comprends et moi je le comprend à moitié.

Pour revenir à Stiegler dont je ne connais aucun ouvrage, je suis prêt à en discuter avec Kristoff, mais ailleurs pour ne pas monopoliser l’endroit, parce que je trouve son CV suspect.

Pour résumer je dirais que heureusement qu’il a connu Derrida très tot. ( pistons potentiels ).

jylem @ 2007-02-08 00:13:25

Stiegler a connu Derida alors qu’il était en prison pour braquage et qu’il étudait la philo

je crois que derida a été son directeur de thèse ou un truc comme ça.

peut être que Stiegler s’écoute un peu parler par moment mais ce qu’il dit et écrit est assez percutant. il est souvent assez intéressant de réfléchir à comment mettre réellement en pratique ses propos.

Enfant Terrible @ 2007-02-08 01:21:40

@jilem:

oui, c’est intéressant...à condition qu’on ne monopolise pas à terme le "ministère"de la réflexion, qu’on ne décourage pas tous les esprits curieux en posant de nouveaux verrous !

Thierry Crouzet @ 2007-02-08 08:47:31

Lisez Musil plutôt que de tapper sur Stiegler... :-)

Personnellement, Musil ne m’a rien appris d’objectif mais il m’a changé. Et c’est ce que je recherche par dessus tout quand je lis.

Le Hibou philosophe @ 2007-02-08 15:15:47

Billet bien paradoxal.

À côté de choses très intéressantes, certaines remarques qui me laissent perplexe.

Si, comme vous l’écrivez :

« Nous entrons dans l’époque des amateurs, des proams comme disent les Américains. Je ne crois plus aux experts. Le monde devient trop complexe pour que qui que ce soit ose se dire expert. Oui, je suis un amateur et je revendique ce titre. Et de ma position d’amateur, j’ai dorénavant le droit de dire ce que je pense autant qu’un soi-disant expert. Faudrait-il que j’ai un diplôme pour avoir le droit de m’exprimer ? Et qui donc aurait un diplôme pour accorder un diplôme à mes juges ? Et un diplôme aux juges de mes juges ? »

De qui tenez vous le droit de [prétendre] dire « aux philosophes » ce qu’ils doivent faire ? :

« Le discours n’arrive qu’après, trop tard, car la technologie avance trop vite. Grâce à l’informatique, les philosophes doivent devenir des expérimentateurs. C’est une thèse du peuple des connecteurs. Je parie que les générations à venir ne retiendront rien des philosophes qui ne mettront pas la main à la pâte. »

Les philosophes, ce sont les philosophes qui les définissent le mieux. Je ne pense pas qu’aucun « champ » puisse tenir sa définition du dehors. Ni certes les « juges » (car qui peut être juge de la légitimité des juges ?, comme vous le dites) ni les « amateurs » (dont vous êtes, donc) ne lisent l’avenir avec certitude.

Aussi, quant à savoir ce que les générations à venir retiendront des "philosophes", ne nous hasardons pas en pronostics — savez-vous qu’on lit encore du Aristote, même à l’heure de l’internet…! Peut-être même que moins il y aura de "générations à venir" à s’intéresser aux philosophes, moins ceux-ci s’exposeront à des mécompréhensions.

zaireetvoltaire

Le Hibou philosophe @ 2007-02-08 15:18:12

Viens de me rendre compte (j’ai laissé passé du temps entre la lecture du billet et mon message) que je répète beaucoup de choses. Pardon aux intéressés, au premier rang desquels Krysztoff.

Henri Alberti @ 2007-02-08 16:08:41

"Quand on voit ce que l’on voit et qu’on entends ce que l’on entends, on a raison de penser ce que l’on pense" Coluche: un vrai philosophe.

Thierry Crouzet @ 2007-02-08 17:28:49

Je suis un amateur, donc un philosophe amateur et, de ce fait, j’ai le droit de dire ce que je veux sur les philosophes. Par ailleurs, j’ai aussi droit de parier en disant ce qui me paraît important à notre époque. L’avenir jugera si je suis naïf ou pas trop con. En attendant, mes paris, dans certains domaines internet, me montrent que je ne suis pas totalement aux fraises.

Le Hibou philosophe @ 2007-02-08 18:57:05

Oui, oui… Bien-sûr, vous « avez le droit » de dire ce que vous voulez sur « les philosophes ».

D’ailleurs, s’il n’y a pas de "juge", tout le monde peut dire ce qu’il veut à propos de tout. Il n’y a pas de raison, parce qu’il n’y a pas non plus de prétention à la validité (à moins de recourir subrepticement à la notion d’expertise, tout de même, comme le signalait Krysztoff et comme vous le faites à nouveau avec cette réponse) .

Et puis, la censure n’est pas le genre de la maison.

Donc, oui, absolument, vous "avez le droit".

Reste que ce droit n’implique à aucun moment la pertinence des propos (« mes paris dans certains domaines internet, me montrent que je ne suis pas totalement aux fraises », pour ma part, j’avais parié que l’hiver serait doux, ce qui ne fait pas de moi le roi de la physique quantique ou du milkshake banane).

Surtout que, réciproquement, les « philosophes » ont le droit de se tamponner gentiment le coquillard de ce que vous pensez d’eux.

Tout baigne quoi.

zaireetvoltaire

Thierry Crouzet @ 2007-02-08 19:06:19

Je n’ai jamais fait de prévision de météo ou autre. Ce n’est pas de ça qu’il s’agit. Mais de dire ce qui est, ce qui marche et ce qui ne marche pas et le prouver par la pratique. Si tu dis que l’hiver sera doux et que du coup tu en profites pour lancer une nouvelle mode vestimentaire pour l’occasion, c’est un peu plus que simplement joué à madame soleil, tu dis quelque chose et tu agis. C’est ce que je demande aux philosophes. Ils ne sont pas obligés de m’écouter. :-)

Le Hibou philosophe @ 2007-02-08 19:21:07

Trop fort ! J’adore les gens qui me répondent calmement quand je m’énerve, ça me désarme complètement !

Écoutez, je ne vous connais pas, ne lis le blog que par intermittence – et grandes intervalles, désolé – et n’ai jamais lu Stiegler.

Les trucs qui me chatouillent le bulbe c’est que :

1°) les non-philosophes s’entendent en permanence à vouloir dire aux philosophes ce qu’ils sont et ce qu’ils doivent faire (chaque fois que je vais chez un médecin à Paris, c’est typique, il ne peut pas s’empêcher de me dire ce qu’est la philosophie, qui est un vrai philosophe, etc. Est-ce que moi je lui dit ce qu’est la médecine ?) ;

2°) la question de l’expertise est, à mon sens, réglée depuis longtemps par « L’Éthique de la discussion » de Apel et Habermas (ou, s’il faut la reprendre, que ce soit sur ces bases, et avec de bonnes raison parce qu’on ne part pas de rien — ce genre d’imprécations dans le vide « moi, il me semble que » discrédite non seulement ceux qui les émettent, mais, par répercussion, la philosophie elle-même.

Même s’il est dénué d’intention malveillante, je retrouve chez vous ce fond regrettable, plus que la forme, certe distrayante, de vos propos.

zaireetvoltaire

Henri Alberti @ 2007-02-08 19:22:52

Bon qu’on en finissent, des nom ! Qui sont ,Hibou philosophe, ces philosophes qui sont censés nous éclairer ?

Le Hibou philosophe @ 2007-02-08 19:34:24

Des noms, je viens d’en donner, nos messages se sont peut-être croisés ?

Quant aux « philosophes qui sont censés nous éclairer », non, je ne crois pas avoir jamais écrit cela.

Des fois, je me demande si l’ignorance réciproque n’est pas préférable, en tout état de cause, elle génère moins de malentendus… ou est-ce l’effet d’un découragement aussi massif que momentané ?

Tataiza @ 2007-02-08 23:30:28

Oui je pense que vos messages se sont croisés. Oui qu’il y a des petites baisses de régime. ici comme ailleurs.

Mais je pense aussi qu’on devrait s’accrocher les uns les autres parce que je vois bien monsieur zaireetvolatairelehibou (ouf !), qu’on peut certainement discuter avec vous. Je ne crois pas que vous soyez un troll. (tiens au fait, en parlant de troll, pourquoi "feu Reivilo" ? Henri ???, il est mort???, il a fait son coming out????, j’ai raté un épisode ??)

Henri Alberti @ 2007-02-09 00:10:36

Ben on ne le lit plus trop ce Reivilo, il a du s’étouffer avec le veau aux olives. Par contre discuter avec l’hibou me semble difficile, je ne comprends pas ce qu’il dit:

"Des fois, je me demande si l’ignorance réciproque n’est pas préférable, en tout état de cause, elle génère moins de malentendus… ou est-ce l’effet d’un découragement aussi massif que momentané ?" . On peut interpréter cela d’une demie douzaine de façons.

Enfant Terrible @ 2007-02-09 00:28:09

Houla, Houla, je crois que je viens de manquer un wagon.

Si c’était de moi qu’il s’agissait,

1) non je ne tape pas sur Stiegler, je posais et j’encouragais à se poser des questions ceux qui, comme moi, connaissaient vaguement, voire pas du tout ce que faisait le bonhomme. Au pire je rappelais qu’on ne pouvais pas s’en faire une idée claire à l’écoute de l’émission france inter postée par thierry.

2)J’ai lu de Musil ce qu’avait posté Henri Alberti (voir "le collectivisme est inconciliable avec l’écologie")bien avant de répondre à jilem, cela tombait d’ailleurs pile avec le sujet de réflexion qui m’avait préoccupé dans la journée, à savoir l’idée de souverainisme, un sujet qui avait suscité une "réaction"antérieure de ma part (voir le forum). j’ai d’ailleurs appris dans la journée que, non la plupart des historiens n’étaient pas souverainistes par profession. Et en fouillant un peu je découvrais avec stupeur que je n’étais pas le seul à penser que Musil méritais une pièce de théâtre.

3) Ces derniers jours, j’ai donné quelques exemples dans mes commentaires qui peuvent paraître sortis de la tête d’un ignare voire même d’un sot... à première vue ! Laissons aux yeux le temps de s’adapter...

Si j’ai pris un tel pseudo, ce n’est pas parce qu’il cache mon identité, c’est parce que mon identité m’en était révélée. Aussi il est vrai que pour certaines situations que je trouve particulièrement artificielles je n’applique pas le manuel du parfait diplomate. Si cela a pu causer quelque tort ou fermer quelques portes que l’on était pas prêt à voir se fermer, mon coté Terrible s’en excuse auprès de ceux à qui c’est arrivé. Mais l’Enfant, lui, a vu ce qu’il a vu et il ne s’en excusera pas.

4)Lorsque je parlais des sciences forgées dans le but de comprendre j’entendais les Sciences Humaines bien sur. Celles fondées dans le but de connaitre étant les autres. Toutes sans exception expriment une des facettes de leur géniteur: l’être humain, lorsqu’il commence à s’adapter à son milieu.

C’est ce que m’ont fait comprendre les philosophies lorsque je les étudiais.

Musil parlait du désarroi du mathématicien lorsqu’il était confronté à ceux qui voulaient substituer leur définition des mathématiques à la place des définitions données par les mathématiciens eux-mêmes. Car en effet, en mathématiques rien n’est avancé sans avoir au préalable été défini.

Le mien est au moins aussi abyssal lorsque je vois certains (et je ne parle pas de Stiegler que je ne connais pas encore) se prétendre philosophes et néammoins calquer leur mépris de classe sur celui des élites. Ils savent, ils connaissent, mais ils ne cherchent toujours pas à comprendre, à refuser de savoir A LA PLACE des hommes politiques qu’ils défendent, à les engager sans relâche sur la voie de la compréhension.

Tout le monde semble croire qu’il est facile de comprendre, encore plus facile que de connaître. Mais c’est un effort de tous instants, épuisant, long et difficile, ingrat parce que subissant tous les jours un mépris hors du commun.

Depuis toujours, la doxa pense qu’un bon philosophe est un philosophe mort.

Si vraiment un philosophe est inactif, pourquoi est-il accusé de tous les maux et les pêchés capitaux au point de devoir boire l’amère cigûe qu’on lui tend tous les jours ?

Est-ce parce que les politiciens les voient comme une espèce de conscience éditoriale qui cherche à se substituer à celle de tout un peuple? Un réservoir d’idées dans lequel puiser pour argumenter, comme dans le second degré ?

Mais, bon sang, c’est un énorme malentendu !

Henri Alberti @ 2007-02-09 00:51:29

Au terrible enfant:

"Houla, Houla, je crois que je viens de manquer un wagon.

Si c’était de moi qu’il s’agissait,"

Mais qu’est-ce que tu racontes, je ne pense pas qu’il s’agissait de toi exclusivement, et à la limite il y a le bonhomme jaune qui sourit et qui cligne d’un oeil !

Pour le reste c’est la première fois que je comprends tout et il me semble que nous sommes sur la même longueur d’onde.

Le Hibou philosophe @ 2007-02-09 01:09:09

« Par contre discuter avec l’hibou me semble difficile, je ne comprends pas ce qu’il dit:

“Des fois, je me demande si l’ignorance réciproque n’est pas préférable, en tout état de cause, elle génère moins de malentendus… ou est-ce l’effet d’un découragement aussi massif que momentané ?”. On peut interpréter cela d’une demie douzaine de façons. »

Pardon de mon imprécision, et du nom compliqué (zaireetvoltaire est mon pseudo à moi, "Le Hibou philosophe" celui du blog — où je ne suis pas seul à y écrire, d’où la dissociation).

« L’ignorance réciproque », c’est entre les « philosophes » et le « grand public » (ici : « les amateurs »), j’aurais effectivement pu être plus clair. De là à faire de moi un troll, quelle idée… !

Donc, « s’accrocher » dans quel sens cher Tataiza ? Faire bloc ou se « friter » ? ça m’embarrasse un peu. Je ne suis pas venu ici avec l’idée d’en découdre !

Mon intervention était peut-être abrupte, et partielle puisqu’elle ne concerne que l’emploi du vocable de « philosophe » et le sens plus général à donner à la philosophie, point que Thierry Crouzet aborde incidemment — via la question de la qualification, et de l’amateurisme, dans une réflexion un tantinet contradictoire ce que je m’empressai de lui signaler.

Disons, que j’ai fini, alors, et que je ne vais pas vous embêter plus longtemps si je dérange !

zaireetvoltaire

Henri Alberti @ 2007-02-09 01:34:34

Cher Hibou, Tataiza pensait, il me semble faire bloc ou plutôt discuter constructivement et pacifiquement. En ce qui me concerne je n’ai rien contre vous. Si c’est clair, je discute.

Sarro Philippe @ 2007-02-09 10:26:33

Etre philosophe c’est pas être sage mais être ami (la philia) de la sagesse, ou avoir l’amour de la sagesse. En un mot être amateur de la sagesse.

Pour un Deleuze philosopher c’est créer des concepts.

Sarro Philippe @ 2007-02-09 11:57:08

Siegler est peut être en train de créer le concept d’amatorat. Non je rigole.

Se dire philosophe amateur c’est presque tautologique. Tiens cela me fait penser au tautisme de Lucien Sfez, dont j’ai déjà évoqué ici à propos de la santé parfaite.

Prendre soin, on dit ça aussi du philosophe.

Henri Alberti @ 2007-02-09 13:05:07

"Le but de la philosophie est la clarification logique des pensées.

La philosophie n’est pas une théorie mais une activité.

Une oeuvre philosophique se compose essentiellement d’éclaircissements.

Le résultat de la philosophie n’est pas de produire des "propositions philosophiques", mais de rendre claires les propositions.

La philosophie doit rendre claires, et nettement délimitées, les propositions qui autrement sont, pour ainsi dire, troubles et confuses."

Wittgenstein un philosophe à la mode considéré tel depuis une quinzaine d’année en France.

Eldarion @ 2007-02-09 14:22:10

Je ne suis pasphilosophe, juste élève ingénieur en informatique, mais il y a dans ce billet trois choses qui me choquent :

"Dans le domaine informatique, on ne comprend vraiment une chose qui si on la programme soi-même, explique Chaitin."

Celà est vrai uniquement si l’on s’en tient au caractère uniquement technique de l’informatique, ce qui est une absurdité : c’est comme s’en tenir aux principes de la mécaniques pour expliquer l’impact sociétal de l’usage de l’automobile, ou vouloir expliquer l’écriture en s’en tenant aux techniques d’écriture, en écartant le social et les transformations de l’humain qu’il en a résulté.

"Le discours n’arrive qu’après, trop tard, car la technologie avance trop vite. Grâce à l’informatique, les philosophes doivent devenir des expérimentateurs."

Ce discours est pourtant nécessaire pour analyser ce qui s’est passé de manière lucide. Si le discours était à même de rendre le présent de manière aussi intelligible, ça serait affirmer que nous pourrions prédire l’avenir car la compréhension d’une chose n’est complète que par la compréhension de ses conséquences, non ?

"Stiegler est allé vers le théorique… racontant des choses générales sur internet et la révolution technologique. J’avoue que ces grands discours me fatiguent un peu, même si j’ai souvent donné dans le genre."

C’est un avis personnel que je respecte, mais que je souhaite compléter, car ayant fait beaucoup de technique, en expérimentant des trucs, en tâtonnant, et finalement en étant formé par une école, j’avoue avoir trouvé un recul dans le discours théorique qui permet de mieux orienter les choix à venir. Les savoirs techniques et théoriques sont complémentaires, et il est bon de ne pas s’éloigner ni de l’un ni de l’autre. Et les philosophes, qui peuvent aussi être des praticiens d’internet, n’ont pas pour objectif de retranscrire un vécu technique dont le sujet même limite la portée, du moins c’est ce que je crois, en tant que non philosophe ;-)

A part ça je suis en train de lire "Réenchanter le monde : la valeur esprit contre le populisme industriel" de B.Stiegler, que je recommande vivement, pour ce que vaut un avis d’étudiant en technologie bien entendu ;-)

http://www.arsindustrialis.org/Members/bstiegler/parutions/reenchanterlemonde

Sarro Philippe @ 2007-02-09 14:29:00

Musil, Wittgenstein et Valery, les philosophes favoris de Jacques Bouveresse.

Valery, celui qui a diagnostiqué la baisse de la valeur esprit. Technologies de l’esprit que Stiegler se propose d’en promouvoir l’industrialisation.

Henri Alberti @ 2007-02-09 15:53:52

Je me suis intéressé ( à Valéry et Kraus grâce à Bouveresse ), ( à Bouveresse grâce à Wittgentein ) ( à Musil grâce à Mulligan ). A la base j’étais fan de philosophie analytique en parallèle avec Nietzsche. Tout cela me semble cohérent.

Maintenant, avant ( ou en même temps ) de promouvoir l’industrialisation des technologies de l’esprit, il faudrait comprendre ou décrire correctement ce qu’est l’esprit en admettant que cela existe.

Sarro Philippe @ 2007-02-09 16:33:54

Esprit es tu là ?

Cet esprit que le capitalisme semble avoir perdu, celui qui le caractérisait selon Max Weber.

Esprit, qui selon Sarkozy n’est qu’une dimension de la spiritualité religieuse. L’ancien président du Medef lui aussi voulait réenchanter le monde, et c’est justement dans une préface d’un livre qui parlait de cela, que le président de TF1 à évoqué le temps de cerveau disponible pour vendre du Coca cola.

Tiens, le cinquième pouvoir peut aussi dénoncer cela.

Henri Alberti @ 2007-02-10 11:22:53

J’écoutais par hasard Europe 1, dans la nuit, et sur qui je tombe ? Bernard Stiegler dans l’émission de Taddei !

Pour ceux que cela interresse:

http://www.europe1.fr/antenne/references.jsp?rub=tt&id=1941&periode=0&goRef=8#

Si il y a réaction, je me ferai un plaisir de donner la mienne qui est loin d’être positive.

Tataiza @ 2007-02-10 23:06:35

@Zaire et Voltaire : oui, j’employais "s’accrocher" en référence à "découragement". Je pensais donc effectivement à faire l’effort de se comprendre malgré le fait que ce ne soit pas facile, parfois carrément laborieux.

Mais je vois que depuis mon message c’est ce qu’il s’est passé (j’suis complètement larguée sur le sujet donc je m’arrête là)

Krysztoff @ 2007-02-10 23:21:30

Je viens d’écouter l’émission d’Europe 1... je vous écoute Henri Alberti, tirez le premier!

Henri Alberti @ 2007-02-11 00:04:22

On ne peut pas donner une définition absolument objective de ce que peut être la philosophie, c’est presque une histoire de gout. Mon gout serait de dire que c’est une activité de clarification comme le disait Wittgenstein, mais bon...c’est tout.

Dans ce qui est dit par exemple dans cette émission, ce n’est pas à mon gout, cela ne m’interesse pas. Cela me fait penser un peu à Spengler et à ses rejetons post-modernistes et ses rejetons plus vieux du structuralisme. D’un autre coté c’est une interview à la radio qui est censé me donner envie de le lire, mais non, j’ai pas envie... Cela me fait penser à ça:

"ESPRIT ET EXPÉRIENCE

REMARQUES POUR DES LECTEURS RÉCHAPPES DU DÉCLIN DE L’OCCIDENT

Robert Musil ( 1921 )

Schiller dans l’essai Sur la mesure nécessaire dans l’emploi des belles formes : « L’arbitraire des Belles-Lettres dans la pensée est vraiment un grand mal. » Mais les chapitres mathématiques ont sur les autres l’avantage de faire tomber tout de suite le masque d’objectivité scientifique qu’arborent si volontiers, dans n’importe quel domaine des sciences, les littéraires. Spengler écrit : « [Telle ou telle chose] peut être moins apparente dans les parties populaires des mathématiques, mais les formations numériques supérieures auxquelles chacun d’eux [...] ne tarde pas à s’élever, comme le système décimal hindou, les groupes antiques des sections coniques, des nombres premiers et des polyèdres réguliers, ceux, en Occident, des corps numériques, les espaces multidimensionnels, les constructions hautement transcendantes de la théorie des transformations et de la théorie des ensembles, le groupe des géométries non euclidiennes... », etc. Cela fait si sérieux qu’un non-mathématicien se persuade aussitôt que seul un mathématicien peut parler ainsi. En réalité, cette énumération de Spengler évoque le zoologue qui classerait parmi les quadrupèdes les chiens, les tables, les chaises et les équations du 4e degré ! Spengler écrit également : «La conséquence de cette intuition grandiose des univers spatiaux symboliques est la conception dernière et définitive de la mathématique occidentale : celle qui élargit et spiritualise la théorie en la transformant en théorie des groupes. » Or, en fait, la théorie des groupes n’est nullement un élargissement de la théorie des fonctions. Et Spengler de définir encore : « les groupes sont... », seulement, ce qu’il définit, ce ne sont nullement des groupes, mais, sous certaines réserves, une « quantité », et sinon, rien de précis ! Définit-il une « quantité », à savoir « la teneur d’une quantité d’éléments de même nature », il se trompe, et croit tenir là la définition d’un corps numérique ! Il écrit encore : «Au contraire, dans la théorie des fonctions, le concept de transformation des groupes a une signification décisive, et le musicien confirmera qu’une partie essentielle de la composition moderne est faite de transformations analogues. » Mais la notion de transformation de groupes n’existe pas dans la théorie des fonctions ; seul existe l’objet intellectuel groupes-de-transformation, mais dans la théorie des groupes, et non dans celle des fonctions. Voilà un bon exemple à la fois de l’universalité et du style de la démonstration."

Krysztoff @ 2007-02-11 11:16:32

Sauf que d’une part, je ne vois pas le rapport avec le schmilblick comme aurait dit un autre grand philosophe au moins aussi populaire que votre maitre à penser, et que d’autre part, quand j’écoute ou que je lis Stiegler, je comprends ce qu’il dit et que cela résonne en moi (ou raisonne as you want), alors que là je n’y comprends rien (malgré ma prépa math spé, que j’ai certes doublée, ce qui doit être une preuve que je ne maitrisais pas totalement ni la théorie des groupes ni celle des fonctions).

Bref, que la définition que Stiegler donne de la philosophie ne soit pas à votre goût, après tout cela ne fait que démontrer ce qu’il exprime dans cette interview, que tout ce qui relève de la consistance est par essence non mesurable, donc non comparable.

Henri Alberti @ 2007-02-11 17:04:46

A Krystoff:

Raisonnons as you want: l’extrait de "mon maitre à penser" date de 1921 et est une critique avec citations de Spengler ; les objets mathématiques n’étaient pas formulés comme aujourd’hui et n’oublions pas que c’est une traduction ( excellente mais pas parfaite ) allemand-français. Le fait d’avoir des notions de mathématiques importe peu tout compte fait, ce qu’il faut retenir c’est:

"Mais les chapitres mathématiques ont sur les autres l’avantage de faire tomber tout de suite le masque d’objectivité scientifique qu’arborent si volontiers, dans n’importe quel domaine des sciences, les littéraires" d’une part et :

"Cela fait si sérieux qu’un non-mathématicien se persuade aussitôt que seul un mathématicien peut parler ainsi. En réalité, cette énumération de Spengler évoque le zoologue qui classerait parmi les quadrupèdes les chiens, les tables, les chaises et les équations du 4e degré !", d’autre part.

J’ai entendu l’émission sur europe 1 par hasard, mais plus tot dans la journée j’ai eu la curiosité et l’honnêteté d’écouter plusieurs fichiers son de conférence ou cours et de lire quelques extraits glanés sur le net de Stiegler, ce qui ne m’autorise absolument pas de le critiquer sérieusement. Donc je ne peux que parler d’histoire de gout, voilà.

Avez vous eu la même curiosité sur "mon maitre à penser" ?

Pour ce qui est de la démonstration valable de ce qu’il exprime, c’est vrai.

Mais autant je serai intéressé par la description de par exemple: " la pluie mouille ", encore plus,en admetant que la question ai vraiment un sens: pourquoi "la pluie mouille" ?

Par contre dire en tant que philosophe que "la pluie mouille", je dis bon et alors ?

Krysztoff @ 2007-02-12 15:36:05

@ Henri Alberti

Décidemment j’ai beaucoup de mal à vous comprendre. Vous avez une écriture, sinon une pensée, bien trop elliptique pour moi.

Vous dénoncez quoi? Le fait que "les littéraires", donc en quelque sorte les représentants des Sciences Humaines (dont la philosophie) comme dit Musil, masquent la vacuité de leurs discours derrière des concepts en l’occurence mathématiques qu’ils ne comprennent en fait pas? C’est ça? Un peu à la manière de Sokal et Bricmont il y a dix ans, avec leur fameuse "herméneutique transformative de la gravitation quantique"?

Pour avoir un peu lu Stiegler, honnêtement, je n’ai pas le sentiment qu’il verse dans ce travers certes présent dans certaines "écoles" de pensée.

Et pour en revenir à la pluie qui mouille, Stiegler ne se contente pas de dire que la pluie mouille, mais il propose bien une réponse au pourquoi. Par exemple dans son dernier livre, il expose une thèse, pour expliquer la crise de la démocratie et un certain désespoir qui anime nos concitoyens. Il fait à la fois le constat et livre une explication, non pas une démonstration. On peut y adhérer ou non. Et il va même jusqu’à proposer une nouvelle "politique" afin de réhabiliter le lien social et donc la Politique dans la Cité (ce qu’il nomme une nouvelle politique industrielle de l’esprit). Il a donc une approche à la fois spéculative et potentiellement opérative.

Enfin, ayant une vie professionnelle et extra professionnelle assez chargée, je n’ai pas encore eu le loisir de me pencher sur Musil. Mais je le ferai dès que j’aurai terminé la lecture d’un livre fort amusant de Jean-Marc Levy-Leblond "La vitesse de l’ombre" (un physicien et épistémologue, voilà qui devrait plus vous plaire que ces philosophes qui se prennent pour des scientifiques!).

Sarro Philippe @ 2007-02-12 17:35:34

Pour compléter, je signale que Stiegler et Marc Crépon vont sortir un ouvrage intitulée "De la démocratie participative". Nous y retrouverons peut être des réponses à nos interrogations ici.

Gageons qu’ils vont encore dénoncer l’abus populiste de la télévision fait par les politiques et les candidats à la Présidentielle qui s’en servent comme arme de séduction. Je rajouterais que à propos de cette nouvelle politique industrielle de l’esprit porté par une une nouvelle puissance publique, j’y vois personnelement des analogies à ce que Thierry Crouzet appelle "Le cinquième pouvoir", à la différence que pour celui-ci ce n’est pas une institution qui peut porter cela. C’est pour ça que je crois qu’une rencontre entre les 2 pour discuter de cela serait interessante.

Quand à Levy Leblond qui milite pour sa part pour une culture scientifique et technique, sa lecture ne me semble pas compatible avec celles dont on discute ici.

Sarro Philippe @ 2007-02-12 17:39:02

Je voulais dire incompatible.

Thierry Crouzet @ 2007-02-12 17:50:22

Pour info, j’ai envoyé ce matin un mail à Stiegler pour l’inviter à prendre un verre.

Krysztoff @ 2007-02-12 19:26:37

@ Philippe Sarro

Ouf, vous me rassurez, je me voyais déjà en schizophrène qui s’ignore, lisant tout à la fois Stiegler et Levy-Leblond! :-)

Henri Alberti @ 2007-02-12 19:42:50

A Krystoff:

Il me semblait avoir préconisé de discuter ailleurs, chez vous par exemple, pour ne pas casser les pieds de Thierry et de ses lecteurs, mais bon…

J’essai d’intervenir de façon clair et directe au premier degré. A la lecture de votre post, vous avez compris en partie ce que je voulais exprimer. En effet j’adhère à 100% à la plaisanterie et au bouquin « impostures intellectuelles » de Sokal et Bricmont.

« …travers certes présent dans certaines “écoles” de pensée. » Pas d’accord, ces gens là se sont fait massacrer par les auteurs critiqués dans ce livre de façon minable ( il n’y a pas d’autres mots ), massacrer par la - majorité - de l’élite intellectuelle. Même un certain Levy-Leblond n’a pas été tendre, donc nous n’avons pas la même perception des faits.

J’ai parlé d’histoire de goût ( impression ) pour mon manque d’information ( non lecture d’ouvrages de Stiegler ), je ne vois pas de pensée tordue là-dessous.

Par contre il y a un malentendu sur l’exemple de la pluie mouillante : C’est une interprétation de votre interprétion de ce qu’exprime Stiegler dans l’intervew, voir:

http://blog.tcrouzet.com/2007/02/07/bernard-stiegler-au-positif/#comment-10046

A Philippe Sarro:

En imaginant que mon avis est une certaine valeur, je trouve formidable que Mr Trouzet et Mr Stiegler se rencontrent, et collaborent pourquoi pas ?

A Thierry:

J’ai quelques questions qui me turlupinent depuis un moment et enfin j’ose:

-C’est quoi cette manie de vouloir prendre des verres ?

-Il me semble que tu es du coté de Montpellier, comment fais tu pour prendre des verres avec des gens logeant au quatre coins de la France ?

  • Comment se fait-il que ton blog avance d’une heure ?
Thierry Crouzet @ 2007-02-12 19:56:13

:-)

Je bouge beaucoup en ce moment... surtout en direction de paris où je suis demain par exemple.

Pour l’heure, j’avais pas remarqué. C’est corrigé...

Krysztoff @ 2007-02-12 21:08:50

@ Henri Alberti

Je vous invite à déposer un commentaire sur mon blog en postant votre adresse mail, nous pourrons ainsi continuer cette conversation privée sans encombrer les colonnes de notre hôte (je n’ai pas trouvé la votre sur votre blog)

Henri Alberti @ 2007-02-12 22:10:00

A Krystoff:

C’est fait.

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