Thierry CROUZET

Croisade biographique

Je vais un peu parler de moi. Je ne veux pas rendre mon blog plus intimiste, j’espère juste que vous allez mieux comprendre mes projets et que vous pourrez un peu m’aider.

Je commence par une longue chronologie. Depuis 1985, j’écris des romans, plutôt des pseudo-romans, que je n’ai jamais publiés. C’est en fait mon activité principale ! J’en ai une dizaine en stock. Une fois qu’ils sont terminés, je les trouve bons. Puis, avec le temps, ils deviennent de plus en plus mauvais. Aujourd’hui, ils sont si loin de mes préoccupations que je n’ai guère envie de les retoucher, ne serait-ce que pour les diffuser gratuitement.

En 2000, j’ai créé une maison d’édition en ligne qui depuis a capoté. J’ai rencontré à cette occasion François Bourin, mon actuel éditeur. Il m’a conseillé d’écrire un roman classique, avec une histoire et tout le reste, et de renoncer pour un temps aux expérimentations littéraires.

En même temps, j’ai suivi Isabelle à Londres. À cette époque, je vivais de mes livres d’informatique. J’avais beaucoup de temps pour moi. Je décidais de suivre le conseil de François. J’allais écrire un roman historique, je voulais raconter la vie d’un savant. Mon but, réunir mes passions pour l’art et la science.

Comme j’étais à Londres, je me suis tout d’abord intéressé à Newton mais il m’a très vite ennuyé. C’est alors que je suis tombé sur Ératosthène. J’ai passé les années suivantes à écrire sa vie et à lire tout ce que je trouvais à son sujet, c’est-à-dire pas grand-chose. La British Library devint mon bureau.

C’est en écrivant cette vie d’Ératosthène que la plupart de mes idées actuelles se sont mises places. En me tournant vers le passé, j’ai mieux compris mon époque.

Début 2003, après trois ans de travail, j’avais enfin un premier jet de mon roman. François en a pensé beaucoup de bien. Il m’a fait retravailler puis a proposé le manuscrit au Seuil et à Gallimard qui l’ont refusé.

Entre temps, dans l’avion qui me ramenait de Londres à Montpellier, j’ai lu dans NewScientist une note sur l’origine du sida. J’ai eu une épiphanie. Il me fallait à tout prix écrire cette histoire aussi. En trois mois, durant l’été 2003, j’ai écrit un nouveau roman : HIV. Autant j’avais souffert avec Ératosthène, autant HIV fut un jeu.

Mes amis proches furent très critiques vis-à-vis de ce texte. Seul Alain-Gilles Minella, mon actuel directeur de collection, et un autre ami furent enthousiastes. J’ai envoyé deux ou trois manuscrits à tout hasard, les éditeurs n’ont pas donné suite.

Début 2004, Serge Martiano, le patron de First et mon éditeur de livres informatiques, me conseilla d’écrire un roman qui s’appellerait Croisade. Il raconterait la lutte éternelle entre les Chrétiens et les Musulmans, faisant l’hypothèse que les croisades n’ont jamais cessé.

Mon passé de joueur de jeu de rôle s’est tout de suite réveillé et j’ai commencé à écrire un scénario à la Da Vinci Code, tout en retravaillant tantôt Ératosthène, tantôt HIV.

Avec Isabelle, nous avons passé cet été 2004 à Seattle. Presque tous les jours, je partais marcher en montagne. C’est lors d’une de ces balades que j’ai pensé pour la première fois à écrire Le peuple des connecteurs. À ce moment, je songeais plutôt à la biographie de la cybergénération.

En rentrant à Paris, j’ai parlé de cette idée à François Bourin qui venait de créer une nouvelle maison d’édition. Il m’a dit de foncer. J’ai temporisé, poursuivant mes recherches pour Croisade. Il ne s’agissait déjà plus pour moi d’opposer les Chrétiens et les Musulmans, mais au contraire de les faire compagnons, leurs adversaires étant les hommes libres.

Mon idée était alors de jouer le livre avant de l’écrire, laissant les joueurs inventer l’essentiel de l’intrigue. Avec quelques amis, début 2005, nous avons entamé une campagne qui ne s’est jamais achevée, sans doute parce que j’ai commencé Le peuple des connecteurs.

Motivé par la rencontre avec Casabaldi et les freemen, je me suis remis à Croisade début 2006, écrivant 80 pages sous la forme d’un triller sans être convaincu, puis j’ai arrêté pour Le cinquième pouvoir.

Depuis le début 2007, j’ai profité de mes moments libres pour retravailler une nouvelle fois Ératosthène. J’aurais d’ici la fin du mois une nouvelle version et j’espère la publier l’année prochaine.

Me voilà presque libre. Je vais enfin me remettre à Croisade. Pour décrire la lutte des hommes libres contre toutes les formes d’intégrisme, je veux imiter Tolstoï dans La Guerre et la Paix, c’est-à-dire raconter des histoires sans véritables héros.

Maintenant j’ai besoin de vous. Il me faut des anecdotes. J’essaierai de donner des exemples dans les jours qui viennent. Je veux dessiner, à partir d’une multitude de petites scènes, une grande fresque. Les hommes libres ne se connaissent pas vraiment, ils n’ont pas forcément les mêmes idées, mais ils ont un ennemi commun. C’est en juxtaposant leurs actions qu’on peut découvrir qu’effectivement il se passe aujourd’hui quelque chose d’historique.

Dilbert @ 2007-06-07 17:50:52

Je n’ai pas d’anecdotes, mais si tu as besoin d’un lecteur attentif (et critique), je suis disponible...

Henri Alberti @ 2007-06-07 18:13:57

A Thierry:

Tu me fais penser à un bouquin que j’ai lu de Van Vogt ou à l’époque je m’étais dit: "à partir de là, il ne peut pas aller plus loin, il a dépassé la limite des gigantesques choses, la limite de l’embrassement, la limite du mesurables."

J’ai fais une petite recherche et je l’ai trouvé:

http://www.vanvogt.net/romans/silkie.htm

Swimmer21 @ 2007-06-07 18:43:54

Perso, je me suis lancé dans l’aventure de l’écriture aussi. Je pense comprendre ton envie de partage. En revanche, je suis plus sceptique sur l’idée d’hommes libres qui auraient un ennemi commun. Je ne me reconnais pas dans cette assertion. Je trouve que c’est "has been" que de penser le monde de cette manière. Et si en chacun de nous, il y avait du positif et du négatif ? La question devient comment produire du positif ensemble ? Et là, ça me parle. L’important étant dans "ça".

Thierry Crouzet @ 2007-06-07 20:13:13

Oui du positif... mais il y a des gens qui ont une conception du positif inconciliable avec celle des gens qui ne leur ressemble pas ou qui ne se soumettent pas à leur volonté. Pour moi, tout le monde n’est pas beau et gentil. J’aimerais pourtant. Le positif dans mon livre de tous ces gens libres qui sont en train de résister. C’est entre eux que le positif se crée.

Fran @ 2007-06-07 21:34:35

J’ai aussi ma carte au club des chercheurs d’éditeurs. Les grosses maisons ne se risquent pratiquement jamais sur de nouveaux auteurs ou sur des anonymes. La publication sur Internet ne m’interresse pas des masses et à compte d’auteur ou simili, pas davantage.

Si tu as des adresses de petites maisons d’édition pas saturées, je suis preneur.

Bon courage à toi.

matthieu @ 2007-06-07 21:42:21

Des anecdotes, y’en a plein là :

http://20des.blogspot.com/

mais elles sont sous copyright ;)

bonne chance !

Hugues2 @ 2007-06-07 22:28:51

Après la lecture de ton billet d’aujourd’hui et de ton com ci-dessus, que puis-je rajouter de plus ? Pas grand chose, tu as tout dit !

"Maintenant j’ai besoin de vous. Il me faut des anecdotes. J’essaierai de donner des exemples dans les jours qui viennent. Je veux dessiner, à partir d’une multitude de petites scènes, une grande fresque. Les hommes libres ne se connaissent pas vraiment, ils n’ont pas forcément les mêmes idées, mais ils ont un ennemi commun. C’est en juxtaposant leurs actions qu’on peut découvrir qu’effectivement il se passe aujourd’hui quelque chose d’historique."

Donc : Résistons et avançons ensemble, dans les deux sens... ;-)

Amitiés à tous :-)

Tillerman @ 2007-06-08 06:30:43

Les résistants sont-ils des terroristes?

Thierry Crouzet @ 2007-06-08 06:39:18

La plupart ne le sont pas... Mais n’oublions pas que le terroristes sont appelés ainsi par les gens de l’autre camp... Exon pour moi est une compagnie terroriste.

Tillerman @ 2007-06-08 07:54:40

Les américains vont-ils revenir nous libérer?

(exemple les missionaires de World Vision en t-shirts bleus qui voulaient hier me libérer dans la rue de mon argent et de ma mauvaise conscience)

Tillerman @ 2007-06-08 08:02:38

"mais ils ont un ennemi commun". Je ne pense pas, car, une fois tu es l’ami, une fois tu es l’ennemi. C’est avant tout un problème de contexte et de vision, c’est pour cela que la liberté est beaucoup plus inaccessible que le bonheur.

Tillerman @ 2007-06-08 08:04:14

La colonisation est-elle une libération?

Garbun @ 2007-06-08 09:36:00

Super sujet, casse gueule mais qui peut aussi donner un très bon bouquin.

Quand tu parles de fresque, tu comptes en fait faire un genre de patchwork de vraies anecdotes ou d’inventer une histoire (inspirée de fais réels ou non) avec une ligne directrice et un scénario classique ?

Si jamais t’es à court d’idées, regarde du côté du cinéma, il y a vraiment de quoi faire, le premier exemple qui me vient est le dernier film que j’ai vu, Apocalypto, qui - attention je vais spoiler - regroupe esclavagisme et sacrifice (religieux) à l’intérieur même de la civilisation Maya, et se termine sur l’arrivée des espagnols, laquelle provoque l’arrêt instantané de toute violence entre le héros et ses anciens bourreaux, et qui montre l’aberration de celle-ci : des hommes qui luttaient farouchement entre eux se retrouvent en paix en l’espace de quelque secondes par l’arrivée d’un ennemi (potentiel) commun. Fin qui rappelle aussi que la domination n’est pas une affaire de civilisation, mais d’hommes, et que si les risques de représailles sont faibles, il y en aura toujours pour essayer d’avoir le pouvoir sur les autres, d’où l’omniprésence de gouvernements dans les pays à travers l’histoire.

Thierry Crouzet @ 2007-06-08 09:58:47

Je pense que la fiction va entrer dans la réalité. En fait je vais utiliser des évènements réels où je me plongerai en tant qu’observateur. Rien n’est encore arrêté. Dès que j’ai bouclé Ératosthène, je m’essaie à une scénette et je la publierais sur le blog.

Hervé Torchet @ 2007-06-08 15:41:32

Définir les hommes libres pour les époques anciennes est délicat. Il est question des marins, des charbonniers, des sublimes.

Tillerman @ 2007-06-08 16:19:43

L’homme libre est celui qui s’organise pour résister à la croisade (qui veut mettre de l’ordre).

J’appelerai plutôt le livre "Résistances".

isabelle @ 2007-06-08 21:08:17

pas une anecdote mais une pensée qui m’est venue aujourd’hui, dans le métro.

Quelle liberté a-t-on sur notre nourriture ? l’agriculture est l’activité humaine à laquelle on est le plus lié, même si on n’a jamais mis les pied dans un champ. car on mange 365 jours sur 365. Prenons l’exemple des OGM . Nous ne voulons pas manger OGM ? Nous devrons payer le coût de la traçabbilté de nos aliments pour une certification non OGM. Et qui ne peut plus être certifiée à 100 %. car les pollens d’OGM contaminent les champs non OGM. Qu’on le veuille ou non, on bouffe de l’OGM. Liberté 0.

Nous voulons retrouver une diversité de légumes et de fruits ? Elle est dans les variétés anciennes. Leurs semences n’ont pas le droit d’être mises sur le marché, sauf à destination des jardiniers amateurs. Nous sommes donc obligés aujourd’hui de bouffer des légumes et des fruits issus de variétés intensives, inséparables de la culture avec pesticides et engrais.

Un agriculteur veut conduire sa propre agriculture ? il est concurrencé par les grandes exploitations d’Amérique du Sud, financées par les fonds d’investissement mondiaux, qui cassent les prix. Notre agriculteur n’a plus que deux choix : faire de la production pour toucher des subventions -s’il est dans un pays qui subventionne- ou s’organiser autrement en circuits parallèles, des AMAP par exemple, pour retrouver sa liberté.

Je pensais à tout cela dans le métro ce matin. Vous vous souvenez de la série du prisonnier ? Quand on est au coeur du village, mal informé, on se croit libre. Plus on est informé, plus on s’approche de l’enceinte et plus on se rend compte que l’on a été piégé par un système. le système s’est emballé. Pour l’agriculture, l’enceinte est complètement formée : la perte de liberté est quasi totale. Et on s’en est à peine rendu compte, tranquillement aveuglés par la nourriture à profusion, par la surconsommation, sinon quelques résistants (qui s’échangent les semences sous le manteau !!). On n’est plus là dans "ta liberté s’arrête où commence celle des autres", on est dans une privation de liberté sans raison morale, sans raison éthique. La seule raison est le profit. pas le profit économique, mais le profit financier qui ne sert qu’à quelques uns.

Dès le ventre de la mère, nos enfants sont contaminés par les pesticides. Liberté 0.

Tillerman @ 2007-06-08 22:22:07

"Quand on est au coeur du village, mal informé, on se croit libre" : je pense plutôt qu’on est heureux d’être prisonnier, comme quand on regarde tf1. La liberté nécessite de l’audace. (nb : il manque un logiciel pour développer une conversation dans un plan, en chainant les remarques).

Tillerman @ 2007-06-09 00:39:03

ça sera ma grand messe pour dimanche.

http://www.musee-resistance.com/officiel/visGuid/peuHist/g-Clandest/pres.asp

Thierry Crouzet @ 2007-06-09 08:30:02

@Isabelle Merci... c’est exactement le genre de nourriture dont j’ai besoin...

@Tillerman Oui Résistances est un autre titre possible. Mais il y a aussi l’idée de construire un autre monde. En fait c’est la résistance contre ceux qui résistent au changement dont je veux parler.

Swimmer21 @ 2007-06-09 09:28:57

@Thierry, il y a un jeu en analyse transactionnelle qui s’appelle le "oui mais". Une personne est convaincu de quelque chose et vient "demander" conseil à une autre. La seconde lui donne des options et la première répond "oui mais..." et repart convaincu qu’elle avait bien raison de penser ce qu’elle pense.

Je ne vais pas plus loin dans l’argumentation sur la résistance. En termes systémique, conférer à l’autre une image fixe autorise une cristallisation de la situation et aboutit à des prophéties auto-réalisatrices : j’ai bien raison de résister car les autres sont vraiment mauvais, la preuve !

Bof, bof. Ca ne fait pas avancer. Pour moi la question est de savoir comment donner à l’autre l’opportunité d’évoluer tel qu’il est maintenant. Et aussi d’accepter qu’il ne le fasse pas. C’est sa liberté. Alors peut être que je n’ai rien à faire avec lui maintenant. Mais peut être plus tard, peut être pas. C’est ouvert, à l’instar des logiciels libres qui laissent ouverte leur structure pour que des opportunités se développent.

Quand à la liberté, elle dépend de ce que l’on a envie d’en faire. Des options sont disponibles. A chacun de les voir, puis de les prendre ou pas. Les deux sont autorisés.

sylvie @ 2007-06-09 09:56:42

Pour ma part je dis que je suis mise en "vigilance active". Je pense que l’on va vivre une période historique où le systême démocratiquee telle qu’il est, a fait son temps.

Nous voyons sut les panneaux des législatives l’émergence de "mouvements" non partisans. J’ai lu sur un de ces sites "réseau libre" leur charte. Elle remet au centre les besoins de l’homme libre...en découle les actions.

Les ennemis sont donc les partis et leurs pouvoirs. J’ai écrit un article sur mon blog a propos du risque d’une majorité écrasante à l’assemblée. En suivant ce qui va se passer tu auras déjà une belle scène de ton livre.

Personnellement j’ai perdu ce sentiment de liberté depuis que m’on mari est mort de cette société: J’ai vu qu’il ne fallait pas dérailler d’un poil sinon tout s’écroule autour de nous. Avec cette expérience je sais que je n’est jamais été libre.

Christophe Ginisty @ 2007-06-10 06:54:12

Je suis en train de vivre une grosse anecdote moi. Il y a un mois, je ne savais pas que je me présenterais aux législatives et ce soir, c’est déjà le premier tour...

zoup @ 2007-06-10 16:37:15

L’ennemi commun à tous les hommes c’est la nature humaine elle-même car l’homme est fait de telle manière que dès qu’il a le moindre pouvoir il en abuse et en redemande.

On dit que dans ce domaine, les femmes diffèrent un peu, peut-être parce que porter un enfant rend forcément altruiste (pendant quelques temps du moins..)

Hugues2 @ 2007-06-11 03:15:35

C’est bien, je vois que les quelques commentaires ci-dessus commencent à devenir enfin CONSTRUCTIFS... Cool... Ca fait du bien... Ahhhhhhhhhhhhhhh... !

Donc : Voici un lien vers un doc, pour la forme... A voir en URGENCE !

http://lespacearcencielblog.free.fr/?p=360

Amitiés à toutes et à tous ;-)

marie(O) @ 2007-06-15 16:39:17

Juste pour mémoire et faire un echo à votre reflexion : rapport entre liberté et sécurité et revoir livre Michel Odoul sur le sujet : du nomade ou du propriétaire sédentaireil y a un choix à faire ! http://www.amazon.fr/corps-pour-soigner-une-gu%C3%A9rir/dp/2226175016/ref=pd_bowtega_3/403-4889787-4573261?ie=UTF8&s=books&qid=1181921786&sr=1-3

et peut-être suivre le fil de la "décroissance" économique // la croissance intèrieure (dvt conscience = accès liberté).

Bon courage !

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