Thierry CROUZET

Qu’est-ce qui est bon ?

Pour filtrer la multitude des contenus proposés sur le web, il faut être capable de répondre à cette question ou plutôt se demander ce qui est bon pour soi.

Pour Platon, le beau découle d’une proximité avec les idées abstraites, sorte de code génétique du monde. Pour Aristote, il découle d’un accord avec la vérité. Beaucoup de philosophes après eux ont essayé de définir le beau. Tout cela se termina par la mort du beau en soi, par le coup de maître du Marcel Duchamp qui montra que n’importe quel objet pouvait être beau pour peu que nous décidions de le voir beau.

Personnellement, j’ai une vision assez utilitariste du beau. Pour moi, c’est ce qui survit. Tant qu’une œuvre intéresse des hommes, nous pouvons lui prêter une certaine qualité. Plus elle dure, plus elle doit avoir en elle quelque chose de profond.

Harry Potter restera une œuvre intéressante tant qu’il y aura des hommes pour la lire. Il en va de même de La recherche du temps perdu. Quant aux œuvres éphémères, elles vivent par les enregistrements qui témoignent d’elles. Et si leurs auteurs refusent toute trace, ils refusent par là-même de se confronter au temps, donc aux regards des autres hommes, ils refusent de jouer collectif et, de ce fait, ils ne m’intéressent pas.

La vision utilitariste du beau nie le beau en soi, puisque une œuvre n’est jamais universellement admirée. Il n’existe plus que des beaux communautaristes. Nous disposons alors de plusieurs façons de mesurer le beau objectivement.

  • Nombre de personne qui connaissent l’œuvre (audimat ou taille de la communauté).
  • Temps cumulé par l’humanité au contact de cette œuvre (Harry Potter enterre La recherche du temps perdu pour les siècles à venir).
  • Nombre de gens qui ont parlé de cette œuvre (buzz).
  • Nombre de gens qui ont parlé de l’œuvre en tenant compte du nombre de gens qui ont parlé de ces gens et ainsi de suite (Google ranking – Proust devance alors peut-être Kathleen Rowling).
  • Temps écoulé depuis que l’œuvre existe et qu’elle continue à toucher des hommes (test de postérité ou de longévité).

Ce dernier critère retient toute ma faveur. Du moment qu’une œuvre me fait vibrer, même si je suis le seul à l’admirer, elle est de qualité. À un certain moment de ma vie, Salvador Dali me touchait, ses œuvres avaient de la qualité. Aujourd’hui, elles me répugnent, elles n’ont plus de qualité.

Si nous voulons donc filtrer le web, il faut construire des filtres personnalisables. Ils devront apprendre de notre histoire et réussir à pêcher dans la multitude des contenus disponibles ceux qui peuvent nous intéresser. Ainsi le web ne sera jamais médiocre pour nous.

Les critères quantitatifs, les seuls objectifs, les seuls aujourd’hui mis en œuvre sur le web, n’ont aucun autre intérêt que de nous dire ce qui est à la mode. Les critères qualitatifs, qui ne peuvent qu’être relatifs, ne dépendront que de nous-même.

Notes

  1. Comme les filtres ne seront jamais parfaits, toujours quelque peu perméables, ils nous laisseront toujours la chance de sortir de nos domaines de prédilection pour en découvrir d’autres.
  2. Par ailleurs, ces filtres reposeront essentiellement sur l’expériences des autres utilisateurs, donc sur leurs recommandations, ainsi nous ne seront jamais enfermés dans un univers étriqué car chacun de nous a un parcours unique.
  3. Les filtres par recommandation inaugurés par Amazon n’en sont qu’à leur balbutiement. En général, ils ne tiennent pas compte de notre expérience utilisateur…
  4. Le temps consacré à la création d’une œuvre peut-il entrer en compte dans la mesure de sa qualité ? Non, bien évidement. Un singe qui taperait à la machine pendant 20 ans ne surpasserait pas John Kerouac qui écrivit On the road en quelques jours.
  5. Mais Kerouac ne décida pas soudain d’écrire un livre culte. Il tourna autour du pot de longues années, années durant lesquelles il accumula la matière de son œuvre.
  6. Une œuvre a d’autant plus de chance de durer qu’elle enferme beaucoup d’expérience il me semble. Un jeune qui décide de devenir chanteur, qui trois jours plus tard diffuse un MP3 sur le net, ne fait que décider de devenir artiste. Il ne le deviendra que s’il accumule assez d’expérience pour créer une œuvre durable.
  7. Aujourd’hui y-a-t-il plus de talents dans le monde que par le passé ? Je crois que oui pour deux raisons. Nous sommes plus nombreux, donc la probabilité joue en faveur des talents. La culture est plus accessible, nous sommes mieux éduqués, donc nous avons plus de chances d’exprimer nos talents.
  8. Le bruit médiatique en revanche risque de décourager beaucoup de talents profonds, ceux qui justement cherchent à accumuler de l’expérience. À force de voir monter au pinacle des artistes qui n’ont d’artiste que le nom, on peut finir par se décourager.
  9. Au final, je ne suis pas sûr que notre époque produise plus de chefs-d’œuvre que les époques précédentes. Le nombre de chefs-d’œuvre n’est pas proportionnel à la taille de la population. Il suffit de regarder l’Athènes de Périclès ou la Florence des Médicis.
  10. Pour qu’un âge d’or survienne, il faut que les talents puissent s’exprimer, se stimuler et que les conditions extérieures les encouragent. Aujourd’hui, les deux premières conditions sont à coup sûr remplies grâce à internet. Je doute parfois pour la troisième, à cause de la prédominance des filtres universellement attachés au quantitatif.
Tataiza @ 2007-07-18 10:41:55

"Une œuvre a d’autant plus de chance de durer qu’elle enferme beaucoup d’expérience il me semble"

J’insiste là dessus. c’est ce que je voulais dire dans les coms précédents, en mieux. "travail" n’était peut être pas adéquat... mais voilà.

Sinon, je suis assez d ’accord avec l’idée du temps. Un vrai tube par exemple, c’est quand même celui qui vous fait grimper aux rideaux et qui n’a jamais l’air "daté".

OK pour tout les solutions proposées... bien entendu

Ax @ 2007-07-18 11:04:55

“Une œuvre a d’autant plus de chance de durer qu’elle enferme beaucoup d’expérience il me semble”

ça dépend surtout de la capacité à communiquer l’expérience intérieure, phénomène qui n’attend pas la longueur des années.

A 15 ans on a déjà tout vécu, amours, trahisons...

Rimbaud a su exprimer très tôt son univers intérieur, et l’expérience accumulée par la suite il n’a plus su, ou plus voulu, la rendre.

Le portrait de l’artiste en jeune homme (Dedalus), oeuvre de jeunesse de Joyce, continuera de nourrir plus d’hommes que Finnegans Wake, oeuvre de la maturité, trop conceptuelle pour communiquer des expériences aux hommes.

Citizen Kane est une oeuvre de jeunesse, Welles n’a que 25 ans à sa sortie...

Toute une vie de cinéma et d’expériences ensuite n’a pas permis à Welles de refaire un Kane qui traverse le temps.

Un rôle crucial est celui de l’inhibition. Pour créer une grande oeuvre, il faut sortir de ses pudeurs et mettre au jour ses secrets intérieurs. Chez certains, c’est dans la jeunesse que l’inhibition est la moins forte, donc le terrain le plus favorable à la création. Chez d’autres, le carcan est plus fort, et l’inhibition ne se lève qu’avec la maturité libérant les forces créatrices.

Henri Alberti @ 2007-07-18 11:14:23

Encore d’accord avec Tata. Je pense qu’à l’avenir Iza pourrait signer Tataiza & Henri, cela m’éviterait de me fatiguer à écrire.

Il faut insister sur un point: ce que Thierry appelle expérience qui englobe le terme entrainement, qui n’est pas obligatoirement seulement de la pratique de sa discipline, mais aussi s’imaginer pratiquant la discipline ; ce qui explique les talents précoces. Par exemple un oeuvre crée par un individu de 16 ans peut très bien avoir 10 ans de pratique imaginée et seulement 6 ans de pratique effective.

Si un personne actuellement peut endurer 8h de "travail’ par jour ( dans le sens, faire un truc, parce qu’il faut le faire pour des raisons diverses ), un passionné pratiquera sa discipline 16h par jour les doigts dans le nez.

Henri Alberti @ 2007-07-18 11:16:52

Tiens ! Le troll normand !

Henri Alberti @ 2007-07-18 11:21:24

Tout à fait d’accord avec cette histoire d’inhibition, que j’avais appelé "culot" dans une discussion avec Leny.

Thierry Crouzet @ 2007-07-18 11:22:00

@Axel Bien sûr, je n’ai pas dit le contraire... remarque juste que les œuvres de jeunesse exceptionnelles ne sont pas nombreuses... et qu’elles surgissent chez des gens qui ont déjà, pour une raison ou une autre, une grande expérience.

Par ailleurs, les œuvres de jeunesse adoptent en général les formes canoniques... les créateurs de formes nouvelles sont généralement moins jeunes.

Ax @ 2007-07-18 11:23:44

"Un rôle crucial est celui de l’inhibition"

(d’où d’ailleurs l’importance qu’ont joué les drogues dans l’explosion de la pop music, en libérant l’expression d’expériences intérieures. Les Beatles, les Pink Floyd, David Bowie, Bad de U2, Cocaïne Blues de Johnny Cash, Bob Dylan, She’s a Rainbow des Stones, Henri tu vas finir dans le c.. d’une vache, d’AK72...)

Enfant Terrible @ 2007-07-18 13:15:30

La preuve par le temps fut effectivement le message essentiel que souhaitait apporter Kasparov sur sa vision de l’art échiquéen. Ce qui m’a particulièrement frappé vis à vis des artistes c’est cette incroyable correspondance qu’il y a eu entre leurs débuts, la manière par laquelle ils sont entrés dans leur médium, et la leçon qu’ils en ont retiré plus tard, au travers de la pierre qu’ils apportent à l’immense édifice culturel.

Ta réflexion sur le fait de "prendre le témoignage qui a survécu" est assez proche du Mandala. Le lien avec le passé y est très fortement ancré. Une fois que l’on a admis qu’une oeuvre n’est jamais universellement (objectivement) observée. On finira sans doute aussi par admettre que l’artiste ne veuille pas toujours suivre son projet initial.

(on notera au passage que certain pensent qu’il n’y a oeuvre que s’il y a unité de production.)

Ce qu’il est, par là, important de comprendre, c’est qu’il faut aussi s’intéresser à ce à quoi l’oeuvre à survécu. Et en général, c’est bien souvent... à l’artiste lui-même!

Beaucoup de raisons peuvent, en effet, provoquer un revirement:

  • un désaccord avec l’époque de production

  • une rupture avec la technique employée

  • la volonté même de ne pas faire oeuvre pour démontrer que ce qui semble être acquis aux qualités humaines peut tout à coup disparaître (environnement) même si cela avait toute les chances de perdurer (depuis l’arme atomique on a commencé à comprendre ce que cela voulait dire).

  • etc...

Pour finir j’ajouterai que certains chanteurs croient qu’un retour est toujours la clef de la survie et que je n’en suis pas aussi sur qu’eux (encore une fois ce à quoi ils survivent). A certaines époques où l’on ne conservait pas tout sous verre ou dans du formol pour continuer à révérer ses idoles, des tas de choses fascinantes ont disparu.

A toute production humaine, une seule unité: l’être humain.

Il sourit, il pleure, il aime, il vit...Il change aussi.

Et nous ne faisons qu’effleurer le sujet ( pas l’objet).

Enfant Terrible @ 2007-07-18 13:23:07

heu.. c’était à l’article de thierry que mon commentaire s’adressait. (on pouvait confondre)

Paul.de.Montreal @ 2007-07-18 13:23:41

il y a un autre facteur essentiel c’est le temps.

Ce qui est bon ou utile peut ne pas encore l’être compte tenu de son savoir actuel et ne plus l’être apres.

Prenons par ex. une comedie à message politique sous-jacent (critique).

Jeune on vas pas tout apprecier et on passera a côté, adulte on va apprecier cette satire politique en connaissant mieux le contexte et plus tard encore le considerer comme un divertissement populaire avec une pensée somme toute moyenne.

J’aurrai pu en dire autant de Platon ou Aristote.

On voit bien que chez une même personne son évaluation d’une oeuvre va évoluer au fil du temps puisque nous sommes le referentiel et que nous évoluons avec le temps.

Pour en revenir au filtre, j’apprecie les forums qui l’implemente. Ca permet a chacun de filter "ses trolls". C’est pratique pour les membres qui ont souvent un comportement de troll.

Le meilleur filtre que j’ai trouvé c’est le mien quand je scanne rapidement l’oeuvre.

C’est le plus fiable mais aussi celui qui prend souvent le plus de temps.

Enfant Terrible @ 2007-07-18 13:50:33

Une autre chose très importante vis à vis de l’art et des artistes:

En pratiquant et en enseignant un art et son histoire à mes élèves, lorsque je travaillais mes cours, je me suis aperçu qu’une constante inviolable animait tous les véritables artites, il y a une chose qu’ils détestent le plus au monde:

Faire de nous des collectionneurs...

Tataiza @ 2007-07-18 14:02:15

Par "expérience"... j’entendais assez "expérience d’être" si vous voyez ce que je veux dire.

ce qui est transmis et qui vaut le coup c’est la rencontre avec la "merveille"... je ne sais pas si je suis bien claire mais c’est effectivement qualitatif dans mon esprit, et pas forcément fonction du nombre des années.

Pour l’inhibition : bien entendu....

Swimmer21 @ 2007-07-18 21:49:57

Pour une fois, vos commentaires ne me font pas rire. Sourire ! J’aime bien la manière dont Thierry invite à nous extraire du "beau", notion typiquement occidentale. Comme si cela était extérieur au fonctionnement du monde. Or, il s’y dissout dès lors que l’on tente de ne pas projeter quoi que soit. Le monde n’est ni beau, ni laid. Présent et invitation à vivre pour ce qui me concerne. Ici réside pour moi l’expérience. Ou peut être ailleurs, qui sait ?

Enfant Terrible @ 2007-07-18 23:58:47

@Swimmer21: C’est suite à ce qui c’est produit en commentaire de " Un univers de Trolls" (82 coms!! à l’heure où je parle).

Le titre n’est pas "qu’est-ce qui est beau ?" mais bien "qu’est-ce qui est bon ?" faisant référence non pas a la production, mais au jugement porté sur cette production. Une petite contribution de Thierry à la manière dont un blog peut devenir artistique. c’était une question âprement débattue entre Leny et Axel (ax pour les intimes...enfin je crois). Axel, faisant l’éloge de Woozmoon nous a présenté son blog à elle comme exemple de ce qu’une personne qu’on considère "troll" peut faire selon sa vision à lui de l’art en général. Leny à répondu que l’on trouvait aujourd’hui trop d’artistes poseurs comme elle dont la pose semble être pour eux plus importante que la production elle-même. L’attitude (ou la latitude) rock quoi...

Henri et Iza disaient qu’il fallait attendre pour voir ce qu’il en serait de cette production (Henri respectant son "toujours aussi pareil", bien sûr, en ce qui concerne les choses qui ne sont pas dénombrées). Et moi j’ai montré un exemple de blog utilisé par orange pour dégeler les inhibitions de futurs bloggeurs et qui selon moi aboutissait au même effet (avait la même ambition) que celui présenté par Axel, avec encore moins de moyens et moins de prétentions quand à la même idée émise (le constat d’une société déshumanisée).

Chacun des deux blogs en montrait les conséquences, mais avec deux politiques différentes. Thierry la-dessus, bon vivant, a tranché en faveur des gouts d’Axel et nous avait promis de se souvenir de ce que l’art en général lui avait apporté sous la forme de 3 ou 4 articles à venir (dis moi si je me trompe Thierry).

Et moi, dans ce com, tout comme le "cap’tain ô mon capt’ain" Keating du cercle des poètes disparus, j’arrachais les pages du manuel des "plusieurs façons de mesurer le beau objectivement" tout en disant qu’on ne peut pas se prononcer sur la manière de "blogger artiste" tant que les artistes ne développent ou ne s’approprient pas les moyens mis à leur disposition par internet pour les arts autrement que pour une com.

En disant que "Les critères quantitatifs, les seuls objectifs, les seuls aujourd’hui mis en œuvre sur le web, n’ont aucun autre intérêt que de nous dire ce qui est à la mode." Thierry me rejoint dans ce constat pur:

Les artistes ne se sont pas encore exprimé, même si certains pensent le contraire.

Moi j’expliquais ensuite que lorsqu’ils le feront, une autre manière de s’exprimer sur le net pourra enrichir les modèles de blogs que nous avons actuellement.

Même si, comme Axel, certains pensent que ce qui existe le permet déjà.

ps: Pour moi l’antiquité grecque qui nourrissait la première des réflexions sur le beau en dehors de toute contrainte religieuse (dans certaines religions les créations divines ne doivent pas être recopiées) n’était pas située en occident. Les hommes qui y avaient un tant soi peu de volonté de penser (de se prendre la tête comme disent certains) étaient tournés vers l’est et le sud, ils n’envisageaient même pas de ne pas faire de voyage initiatique vers des nations plus anciennes (comme l’Egypte, par exemple). Aussi je pense que c’est un contre-sens que de dire que le beau est une conception occidentale.

La conception occidentale par excellence est plutôt le Permanent ou la Permanence.

Enfant Terrible @ 2007-07-19 00:42:59

Les véritables artistes seront ceux qui "mettent la main dans le cambouis" (pour reprendre une expression chère à Thierry) pour trouver de nouveaux modes et de nouveaux protocoles FTP qui puissent leur permettre de maîtriser leur expression. tout comme c’est à la base un artiste qui a développé la palette graphique, anticipant le changement de résolution et les capacités graphiques de traitement par ordinateur.

C’est ce qui s’est produit pour toutes les autres techniques plus ou moins avancées aux autres époques.

J’aime croire que cette époque donnera le temps aux artistes de reprendre le dessus sur la rétivité de l’outil informatique. Mais une idéologie plus dangereuse, que j’essaye d’explorer dans un sujet posté sur le forum du Réseau Libre, est en train d’ajouter aux artistes et aux penseurs, par anticipation, de nouveaux obstacles que d’anciennes idéologies auraient bien voulu poser si elles en avaient eu les moyens en leur temps.

Car la manière qu’ont certains de stimuler l’orgueil politique d’une "civilisation" et d’une "culture" propre à une idéologie politique n’est pas neutre. Un postulat est à la base. Le fantôme que je suis devenu tente d’expliquer ici en quoi ce postulat cherche à étendre ses ramifications dans ces domaines aussi éloignés de la politique avant même que tout débat, toute explication n’ai été prononcée ou n’ait eu véritablement lieu.

Alors Swimmer21 si cela vous fait sourire, voire même rire...Tant mieux pour vous!

Enfant Terrible @ 2007-07-19 01:27:54

Après tout on ne va pas pleurer, même si la jeune génération a déjà été impreignée de l’idée que le P2P est dores et déjà illégal (j’ironise).

Ax @ 2007-07-19 03:56:01

"La conception occidentale par excellence est plutôt le Permanent ou la Permanence"

Là tu touches un vrai sujet.

On se trompe toujours quand on cherche UNE voie, une réponse, une explication, a fortiori universelle et permanente, ce qu’est le beau, le bon, (...la brute et le truand dirait Charlie qui, n’ayant plus la télé, a gardé les quelques références populaires de son enfance, seuls référents universels pour se faire comprendre de qui n’a pas encore pour livre de chevet "des externalités négatives aux brocolis en passant par la sociologie féministe, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les mondes alternatifs sans jamais oser vous faire avec un gant de boxe un savon de bain à base de jus d’ortie bio sans OGM")

C’est toujours frappant de voir la permanence de l’essentialisme. "Un troll", "une salope", "un connard", "un sale mec de droite", "une gauchiste", "de la merde"... Presque tout le monde reste à la recherche d’une étiquette pour enfermer et définir sous une seule couleur un être, une oeuvre, un comportement. On a du mal face à la complexité et aux conduites déviantes (qui dévient d’un modèle unique).

Le truc qui m’a libéré de la pensée essentialiste et simpliste, c’est,

d’une part, l’étude de la biologie et de l’évolution, venant remplacer un goût que j’avais plus jeune pour les maths.

Trop de philosophes, à commencer par Platon, sont des mathématiciens, qui cherchent la définition universelle et permanente d’une chose. La pensée biologiste est meilleure, plus complexe et plus évolutive, intégrant mieux, (aimant mieux), un monde en mutations permanentes. (C’est un passage par la physique quantique puis Nietzsche qui m’ont fait passer de l’amour des maths à l’amour de la biologie, alors qu’auparavant je méprisais la biologie comme étant "une science inférieure" à la mathématique, s’occupant d’objets dégradés et vulgaires au lieu de chercher l’Essence pure)

d’autre part, la notion de l’Hermès quadrifrons (à 4 visages) lue chez Montherlant (dans "Va jouer avec cette poussière").

Au lieu de chercher UNE conduite de vie et UNE explication à tout, passer au mode "syncrétisme et alternance", être tour à tour ceci et cela, avoir plusieurs visages et plusieurs conduites, car rien n’est vrai et personne n’a raison, c’est le tout qui est vrai, et chacun a une part de raison.

En politique je n’ai jamais pu être d’un parti. J’ai connu et fréquenté alternativement la Génération Mitterrand, les cafés avec les trotskystes (aussi bien les JCR que LO), les royalistes (fréquentant en même temps les gens de l’AF et des légitimistes), les gaullistes, les sarkozystes, les bayroumaniaques.. Et franchement il y a du bon et des faiblesses un peu partout, mais on est tellement encore dans un monde essentialiste qu’il faut être ceci OU cela pour ne pas être considéré comme un traître ou un espion.

Au lieu de chercher à résoudre les contradictions, accepter de considérer qu’elles sont l’essentiel, et les cultiver. Un être qui n’est pas contradictoire passe toujours à côté de plusieurs pans importants de la vie.

On peut aimer Dallas et Mulholland Drive, Bach et Johnny Cash, une fille gothique qui tire la langue et se met un kilo de bleu sur les lèvres, et Grace Kelly, refaire le monde le matin avec une Verte et le soir avec une sarkozyste, ou l’inverse, faire un jour l’éloge de Quitterie et le lendemain lui fracasser la gueule (virtuellement), parce qu’elle a à la fois raison et tort et qu’il ne faut surtout pas qu’elle s’enferme dans une certitude, des automatismes et une voie unique...

Pourtant, en plein XXIe siècle, cela reste socialement difficile d’être autre chose que monolithique. Même si de plus en plus de gens ont adopté une vie composite, les référents culturels restent à la recherche de la permanence, et l’on continue de coller aux autres les étiquettes qu’on refuse pour soi-même.

Thierry Crouzet @ 2007-07-19 06:17:58

Je suis assez d’accord avec Enfant Terrible pour dire que peu de gens utilisent aujourd’hui le web pour créer du neuf... on s’en sert pour publier d’anciennes formes... quoi que certaines vidéos... seul l’art d’écrire est peut-être pour le moment profondément affecté, mais je suis vraiment mal placé pour le dire. Va me falloir encore un billet pour parler de ça :-)

Thierry Crouzet @ 2007-07-19 06:24:04

Je crois que ce qui nous réunis est ce refus de l’essentialisme... Rien ne dure, tout se transforme... et il faut espérer que nous aussi.

Paul.de.Montreal @ 2007-07-19 12:33:26

@Ax

Trop de philosophes, à commencer par Platon, sont des mathématiciens, qui cherchent la définition universelle et permanente d’une chose.

C’est preferable d’avoir la même définition d’une chose pour communiquer efficacement et mieux se comprendre. Je suis tjs géné par un philosophe qui sait tres bien rédiger mais moyennement raisonner et être suffisament coherent ce qui arrive plus facilement je trouve chez un philosophe ayant une formation litteraire.

Reste que la cohérence du raisonnement n’est pas un critere suffisant mais nécessaire. ;)

Platon n’a pas été que mathematicien.

"Il s’initia à la peinture, écrivit des poèmes, des dithyrambes, des vers lyriques et des tragédies."

http://fr.wikipedia.org/wiki/Platon

Son art de l’écriture lui a été utile.

Ax @ 2007-07-19 13:18:43

@ Paul

Je parlais surtout de tournure d’esprit (car on compte très peu de vrais mathématiciens de formation chez les philosophes) : une tournure d’esprit visant à chercher l’essence permanente des choses, des lois éternelles, des normes. Mathématique s’opposait ici à biologie en dehors de toute référence à la formation professionnelle. C’était la différence entre l’essentialisme versus l’évolutionnisme chaotique.

Sur la définition des choses, je suis de l’école d’Héraclite : on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.

Les définitions ne sont jamais pertinentes car la vie évolue plus vite que les dictionnaires et la permanence n’existe pas. D’autant que chaque définition est faite de mots qui eux-mêmes évoluent, donc c’est non seulement la chose qui change, mais les termes définissant la chose et le contexte intellectuel et social permettant de faire le lien. Sans parler du contexte culturel/géographique : tu écris du Canada, où les mêmes mots n’ont pas le même sens qu’en France.

Il faut se comprendre avec l’intelligence, avec la réflexion et l’imagination, plus qu’en s’attachant au fil exact des mots qui sont toujours imprécis et flous.

Vouloir être trop précis c’est dangereux car l’on s’attache à une illusion de communication transparente alors que la communication n’est jamais transparente, cf la formule bien connue qui était notre devise à Gcom : "Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez comprendre, ce que vous voulez comprendre et ce que vous comprenez, il y a au moins 9 possibilités de ne pas s’entendre..."

Dans le domaine du langage aussi, on ne sort de l’ambiguité qu’à ses dépens. Il vaut mieux un flou assumé qui force l’intelligence à travailler, plutôt qu’une illusion d’exactitude.

Stendhal défendait ses ellipses de langage en disant qu’il souhaitait écrire pour les happy few qui le comprendraient intuitivement.

Henri Alberti @ 2007-07-19 14:14:22

A Ax:

J’ai apprécié le commentaire d’Enfant Terrible et le tien précédant le billet de Thierry sur l’artisan ( que j’ai apprécié aussi ) parce que c’est un sujet ou je suis particulièrement sensible.

Mais le commentaire de Paul qui nuance un peu certains préjugés me semble pertinent.

Je te conseille de lire « l’homme mathématique » de Musil chez moi, pour se faire une idée de ce que j’entends par précision en littérature entre autres.

Il ne faut pas confondre le fait d’étudier ou s’intéresser aux mathématiques et ce que pourrait penser un mathématicien chevronné, c’est la même différence que celui qui aime bien dessiner des croquis le week end et un peintre reconnue par ses pairs.

Je te signale qu’une partie des mathématiciens « pensent » en effet d’une façon que l’on peut qualifier de « essentialiste » ( ceux qui pensent par exemple, que la théorie des ensembles sont la fondation de quelque chose ), et d’autres que l’on peut qualifier d’ « intuitionniste » ( qui pensent en gros que cette théorie est la fondation de rien du tout, une branche des maths, point. D’ailleurs il n’y a pas de fondation logique de quoi que ce soit ).

Pour les sciences dites « dures » et la philosophie qui va avec, il ne faut pas confondre l’ « exactitude » qui est de la pure métaphysique, ce qui veut dire quelque chose qui se trouve dans notre tête et pas ailleurs, et la « précision » qui est un souhait de comparer au mieux ce qui nous semble comparable.

Proust dans son truc qui s’est perdue en 7 volumes parle de tout. Il parle de Poincaré ( le mathématicien ) en vulgarisant une des branches des maths de façon précise et pertinente. Je rappelle qu’ aujourd’hui encore je trouve des conneries innommables sur Poincaré dans la vulgarisation scientifique qui a pignon sur rue.

Ax @ 2007-07-19 15:10:30

"Il parle de Poincaré"

C’est intéressant que tu cites cet exemple. Car effectivement Proust parle de Poincaré justement pour rappeler que les mathématiques ne sont pas si exactes que cela. C’est lorsque Robert de Saint-Loup disserte sur l’art militaire et l’évolution de la tactique et de la stratégie, dans le Côté de Guermantes, il rappelle que rien n’est figé. Je vais essayer de retrouver le passage exact.

Henri Alberti @ 2007-07-19 16:34:33

A Ax:

Exact, j’ai vérifié.

"il n’est pas sur que les mathématiques soient rigoureusement exactes"

Je m’en rappelle à cause de l’annotation d’un certain Thierry Laget dans la version "folio-classique" qui "corrige" Proust en 4 lignes, sur ce que Poincaré aurait dit ou pas.

Proust avait raison et cet annoteur est un ane.

Poincaré était en gros, intuitionniste, pour lui, chercher des fondements aux mathématiques ne correspondait à rien, une perte de temps.

Dans le camp de la précision je mets Proust et Musil dans le même sac.

Ax @ 2007-07-19 17:02:36

"Proust avait raison et cet annoteur est un ane"

Figure-toi que j’ai même surpris René Girard en âne, lorsqu’il commente Proust.

Dans Mensonge romantique et vérité romanesque, il dit que c’est Albertine qui saute par-dessus la tête du vieux banquier, à Balbec, et il en tire des conclusions.

Je veux bien qu’on confonde entre Andrée et Gisèle à ce sujet, mais confondre avec Albertine...

Pendre René Girard ne supprimerait pas, hélas, la gravité de sa faute, quoiqu’il méritât cette pendaison, car tout l’être d’Albertine c’est justement de n’être pas celle qui a sauté par-dessus le banquier...

Paul.de.Montreal @ 2007-07-20 13:02:33

@Ax

“Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez comprendre, ce que vous voulez comprendre et ce que vous comprenez, il y a au moins 9 possibilités de ne pas s’entendre…”

Entre ce que je pense puis ce que j’exprime et ce que mon interlocuteur comprend de mes propos il y a effectivement 2 étapes délicates. On peut travailler la premiere étape en étant plus explicite et pour l’étape 2 adapter son message en fonction de son évaluation des connaissances/profil de son auditeur.

Pour la communication (2 sens), on peut ajouter les 2 etapes de son auditeur qui vous répond.

"Les définitions ne sont jamais pertinentes car la vie évolue plus vite que les dictionnaires et la permanence n’existe pas. D’autant que chaque définition est faite de mots qui eux-mêmes évoluent, donc c’est non seulement la chose qui change, mais les termes définissant la chose et le contexte intellectuel et social permettant de faire le lien. Sans parler du contexte culturel/géographique : tu écris du Canada, où les mêmes mots n’ont pas le même sens qu’en France."

Je pense avoir compris ce que tu pensais même si ce message manque un peu de precision entre la chose, le mot representant cette chose et la définition du mot.

La chose peut évoluer ou pas. Le mot representant cette chose peut varier (dans le temps ou d’une langue à l’autre). Le sens ou définition donné a un mot peut aussi changer effectivement suivant le pays voir l’interlocuteur d’une meme localité et constitue un argument dans ce que je dit : essayer d’avoir la même définition d’un mot donné pour avoir une communication efficace. (J’essaye d’ecrire un francais "internationnal" épuré des régionalismes qu’il soit parisien ou pas).

Le fait qu’il soit impossible d’atteindre un objectif dans l’absolu, ne discredite pas l’attitude de s’y rapprocher.

Tonvoisin @ 2007-07-20 14:17:51

aller je vais la faire simple pour remettre les compteurs de la discussion à zero sur d’autres quetes esthetiques, l’esthetisme de la connerie au bureau, et la croyez moi, il y a également du beau pas franchement platonicien

http://www.travailleravecdescons.com

amicalement

Tonvoisin Debureau

Iza @ 2007-07-20 20:57:34

tiens, en voilà un troll un vrai....

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