Thierry CROUZET
Pacco
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La croissance, c’est le problème

Comme toujours je ne suis pas l’actualité, j’entends juste des bruits qui me parviennent au sujet de la commission Attali. Cet homme est un vieux qui propose de vieilles idées à un Sarkozy encore jeune. Sans doute vaudrait-t-il mieux l’ignorer et s’occuper d’avancer mais je ne peux m’empêcher de relever l’anachronisme de ses propositions.

Est-ce que les arbres croissent indéfiniment ? Est-ce que les animaux grandissent indéfiniment ? Qu’arriverait-il si c’était le cas ? Ils crouleraient sous leur propre gravité. Ils auraient besoin de plus de nutriment qu’ils ne pourraient en trouver. Ils finiraient par être si grands qu’ils ne pourraient plus qu’être seuls.

L’évolution découvrit très vite qu’il existait des tailles optimales en fonction des différents métabolismes qu’elle inventait. Les feedbacks maintenaient les équilibres. Quand les nutriments manquaient, les populations déclinaient jusqu’à ce que des temps meilleurs surviennent ou que des innovations permettent d’explorer de nouvelles niches écologiques.

Nous devrions avoir la sagesse d’observer la nature et ses mécanismes. Si elle ne s’est pas lancée dans une croissance débridée, c’est pour de bonnes raisons. En revanche, elle n’a jamais cessé d’innover, d’essayer de nouvelles combinaisons et adaptations. Nous sommes le fruit de ces expériences.

La croissance quantitative n’est plus possible une fois la taille adulte atteinte. La population humaine approche sur Terre de sa maturité. Nous avons encore de la marge mais nous devons cesser de nous vouloir de plus en plus gros. Nous devons maintenant chercher à nous vouloir de plus en plus différents. Plutôt que de poursuivre le quantitatif, lançons-nous dans le qualitatif. Par exemple, plutôt que fabriquer du jetable fabriquons du durable.

L’analogie biologique me paraît féconde. Soit nous avons quelques arbres immenses et solitaires, soit des forêts épaisses avec une multitude d’arbres de maturités différentes. En voulant favoriser la grande distribution, Attali penche en faveur des super-séquoias. Il voudrait que la grenouille soit plus grosse que le bœuf… mais je me demande quel bœuf. Attali ignore que nous entrons dans des marchés de longues traînes.

Est-ce qu’un des membres de la commission Attali a lu le livre de Chris Anderson ? J’ai des doutes. Nos savants économistes ignorent qu’une révolution économique est en cours. Ils continuent à nous rabâcher leurs livres de cours écrits durant les années 1970.

Aujourd’hui la croissance n’est pas à chercher dans la grande distribution qui joue sur la rareté de l’offre mais dans la micro-distribution qui propose une offre infinie. À la quantité, un supermarché vend beaucoup de fois peu de produits, on oppose la qualité, un petit producteur vend quelques produits de qualité en petite quantité (sinon il ne pourrait prétendre à la qualité).

Nous sommes face à deux choix de société. D’un côté, l’hyper-capitalisme du XXe siècle ; de l’autre, la longue traîne du XXIe siècle naissant. D’un côté, le mythe de la croissance infinie ; de l’autre, le pragmatisme, la prise de conscience de la durée et la gestion des ressources disponibles.

Le développement d’internet favorisera les longues traînes que nos gouvernants le veuillent ou non. En favorisant la grande distribution, ils ont le choix d’aller contre, de ralentir l’avènement d’une nouvelle société. Mais ils devraient au contraire l’accompagner et nous faire gagner du temps, nous évitant au passage quelques déconvenues, y compris la guerre.

Le feront-ils ? J’ai des doutes. Ils appartiennent à l’ancien monde. Élus grâce à ses finances, ils ne peuvent le trahir. Ils ne sont même pas conscients de se fourvoyer tant leur modèles mentaux sont désuets.

Les médias eux-mêmes partagent les mêmes stéréotypes de pensée. Ils sont incapables de voir les choses qui changent tant ils n’ont appris qu’à voir toujours les mêmes choses. Voilà pourquoi je ne les consulte pas. Ils ont le don de me déprimer.

Dilbert @ 2007-10-18 12:48:11

Le XXe siècle, ce n’est pas l’hyper-capitalisme, c’est plutôt l’hyper-socialisme, et on n’en est pas encore sorti.

Et pourquoi veulent-ils tous de la croissance ? Non pas par avidité, mais tout simplement parce qu’ils sont tous hyper-endettés (à commencer par les états), ce qui les oblige à faire de la "cavalerie" par la course à la croissance. Au "toujours-plus" de privilèges étatiques et de dépenses publiques correspond le "toujours plus" de la croissance.

swimmer21 @ 2007-10-18 12:59:54

Bingo ! Pour ceux que le fonctionnement des écosystèmes intéressent, je ne peux que conseiller d’aller regarder les travaux de CS Holling et du réseau resalliance. Ils proposent une lecture simple et efficace de l’évolution des écosystèmes. ce cycle adaptatif comporte grosso modo 4 phases : la première consiste à la colonisation d’un milieu par des espèces pionnières qui progressivement deviennent de plus en plus efficace pour mobiliser les ressources présentes (température, sol...). La seconde phase correspond à l’établissement d’un climax, c’est à dire d’un ecosystème qui mobilise le plus efficacement possible les ressources. Le climax est rigide et n’évolue que peu en diversité. Un évènement (feu, ouragan, pluies, espèces invasives...) peut le mettre à bas. C’est la troisième phase. Les ressources sont alors relâchées dans l’environnement. Elles deviennent de nouveau disponibles pour qu’un autre écosystème se mette en place. C’est la phase de réorganisation de l’écosystème. Puis on retourne à la première phase.

Ces chercheurs ont aussi observé qu’il n’y avait pas d’écosystèmes isolés mais des écosystèmes qui s’emboitaient à la manière de poupées russes avec différentes échelles de temps et d’espace. L’arbre et son environnement immédiat (quelque mètres et 20 ans), une forêt (plusieurs kilomètres et plusieurs siècles), une écorégion (une portion de continent et plusieurs milliers d’années). Il n’y a pas de hiérarchies entre les écosystèmes. Holling et ses confrères parlent de panarchie pour désigner cet emboîtement d’écosystèmes. Là où cela devient particulièrement intéressant, c’est qu’ils montrent que les écosystèmes d’une panarchie sont reliés entre eux par deux boucles systémiques (feedback loop) : "se révolter" et "se rappeler". La première part d’écosystèmes de petite taille et à échelle de temps courte. Ils transmettent à un écosystème de taille plus importante et à durée de vie plus longue des éléments perturbateurs . Ainsi, une espèce invasive qui se développe progressivement, d’un lieu donné à l’ensemble d’une forêt. C’est la boucle "se révolter". "Se rappeler" agit dans le sens inverse, d’un écosystème de grande taille, long pas de temps, vers un de taille plus faible et a pas de temps court. C’est le cas de transmission d’un stock de graine d’un écosystème vers une zone brûlée. Le même écosystème se développera partout, y compris sur la zone brûlée pourtant propice à développer un autre écosystème.

Voilà très brièvement. Je vous laisse transposer dans ce que TC indique dans son post. Ce qui me vient à la lecture du post de Thierry, sont les éléments suivants.

jetable vs durable : le terme customisable à la place de durable est plus proche de mon envie et de ce que je sens qui se prépare.

La description de TC du système actuellement à l’oeuvre me semble juste et pertinente. Je pense qu’il identifie par la longue traine une partie de la boucle "se révolter". Elle est actuellement active et le web est un lieu priviligié pour observer, apprendre, expérimenter avant de l’exporter IRL, vite et partout.

Thierry Crouzet @ 2007-10-18 13:06:48

@Dilbert Pour moi, hyper-capitalisme=hyper-entreprise=hyper-structure. Le socialisme en fait parti... avec son hyper-état. Je ne fais pas de différence entre le socialisme et le capitalisme.

@Swimmer La panarchie... voilà bien où nous devons aller. Faut que je lise Holling. Tu conseilles quelque chose?

Paul de Montreal @ 2007-10-18 13:33:02

Je suis assez d’accord avec l’article de Thierry excepté son titre.

Nous devrions avoir la sagesse d’observer la nature et ses mécanismes.

Oui ca me rappelle un documentaire scientifique ou des astrologues occidentaux (de culture chrétienne) développent la théorie du Big Bang qui donne comme un début à l’univers tandis qu’un astrologue chinois pense que l’univers n’a ni début ni fin. C’est toujours difficile de faire complètement table rase de notre culture pour interpréter et comprendre la nature avec ses mécanismes.

Sinon la forte croissance démographique en Afrique et en Asie est un grave problème. La décroissance économique est un problème pour le pays qui la vit avec très souvent une croissance de la violence et de criminalité. La croissance en sagesse est la voie à prendre pour l’humanité si elle veut survivre plus longtemps.

L’évolution découvrit très vite qu’il existait des tailles optimales en fonction des différents métabolismes qu’elle inventait.

Très vite hum... c’est relatif. En tous cas beaucoup moinsi vite que dans nos sociétés modernes ou tout va souvent trop vite à l’echelle d’une ou deux générations humaines (25 ou 50 ans).

Henri A @ 2007-10-18 13:47:02

A Dilbert Blair :

Tu es rongé de l’intérieur ( qui rend sourd et aveugle ) par ton idéologie mortifère.

C’est quoi le socialisme ? L’hyper-socialisme ? Ou ? Quand ? En imaginant que le socialisme soit le fait des « bolcheviques », de 1900 à 1920 c’est l’hyper-socialime qui a régner ? Et de 1920 à 1929 ? En caricaturant ; par une espèce d’angoisse irrationnelle envers les bolcheviques , les chantres de l’hyper capitalisme ont crées une guerre mondiale et un effondrement de l’économie. Heu…même chose de 1930 à 1945.

Deuxième guerre mondiale économique. Bon, on en est à la moitié du siècle et je ne vois l’hyper-socialisme ( en admettant que ces mots ont un sens ) cantonnés en URSS.

Je m’ arrête là, pour la suite je risque de devenir très méchant pour les libertariens qui défendent, pour une raison qui m’échappe ou peut-être par idéologie, l’hyper-capitalisme.

swimmer21 @ 2007-10-18 14:17:51

@ Thierry

J’ai pas encore parcouru l’ensemble de la doc.

Je pense que le plus accessible d’après ce que j’ai vu est à :

practitioner workbook en télécharment libre. Il y aussi le vol1 et un workbook pour scientiques

Il y a aussi le livre de CS Holling et H Gunderson Panarchy que j’ai commandé. Il semble détailler avec beaucoup de précision chaque point de l’approche. Je t’en dirais plus quand je l’aurais lu.

Paul de Montreal @ 2007-10-18 14:43:05

Henri,

Te fatigues pas avec Dilbert, parle lui de l’empire du milieu et il devrait se calmer. Ni tout à fait capitaliste avec sa mentalité particuliere et déja plus communiste mais une sorte d’hybride. Un dragon capable de tout manger ce qui traine sur la table et avec l’hôte en guise de cerise. :D

Est que le passage de flambeau se fera en douceur ou qu’une 3e guerre mondiale éclatera pour marquer ce basculement de puissance et d’idéologie économique ?

Je fais du TC là. ;)

Garbun @ 2007-10-18 17:24:40

Henri, as-tu vu le récent documentaire Zeitgeist ? (à voir entièrement à l’adresse http://zeitgeistmovie.com/)

Henri A @ 2007-10-18 20:05:39

A Garbun:

Je viens de le voir ; un mélange de plusieurs trucs qui traînent sur le net, avec des violons et des grosses caisses en plus.

Cela décrédibilise les gens sérieux qui se posent des questions sur ces sujets.

« Il y a plu faux que faux, c’est le mélange du vrai et du faux. » Paul Valéry

Eric @ 2007-10-18 21:51:50

Bel article. Effectivement, la métaphore biologique est parlante. La croissance infinie est peut-être vraie en théorie (économique libérale) mais pas dans le réel.

Garbun @ 2007-10-19 10:10:59

"La croissance infinie est peut-être vraie en théorie (économique libérale) mais pas dans le réel."

Pourrais-tu me citer des passages d’auteurs libéraux qui se basent sur l’idée de croissance infinie pour expliquer leur théories?

Thierry Crouzet @ 2007-10-19 10:21:32

@Garbun Tu joues sur les mots. Tu sais bien que par libéraux les gens n’entendent pas les libéraux auxquels tu penses et auxquels je pense. Voilà pourquoi il faut utiliser d’autres mots.

Ceux qui croient à la croissance infinie... les Sarkozy et autres ne peuvent pas être libéraux... car leur désir de croissance va à l’encontre de notre liberté et de celle des générations à venir. Ils se font appeler libéraux pour nous tromper. Cessons de nous appeler libéraux et appelons-nous autrement sinon nous allons maintenir la confusion.

Nous sommes des connecteurs. Le connecteur est le véritable homme libre.

Paul de Montreal @ 2007-10-19 14:57:19

Thierry justifie ses 2 posts sur Cecilia par La croissance de son traffic blog.

"La croissance, c’est le problème"

Oui, tu avais bien raison dans ce cas pour la qualité du contenu. Ce genre de croissance nous pousse à faire des choix que sans doute nous ne ferions pas sinon. Misère.

Garbun @ 2007-10-19 15:12:48

"Tu sais bien que par libéraux les gens n’entendent pas les libéraux auxquels tu penses et auxquels je pense. Voilà pourquoi il faut utiliser d’autres mots."

C’est bien pour ça que je faisais la remarque. :)

utresmager @ 2007-10-20 10:35:44

Nous sommes donc bien en présence d’un climax qui refuse de constater l’épuisement des ressources capables de le maintenir. Sans nécessairement évoquer une décroissance mais des alternatives de fonctionnement, produire et consommer autrement; alternatives de fonctionnement et non simplement de ressources. En effet les débats cantonnés sur des solutions énergétiques alternatives (exemple biocarburants) trouvent rapidement leurs limites quand il s’agit de perpétuer l’idée de croissance. Le hic étant qu’il n’y qu’une infinitésimale portion de la population prête à envisager une quelconque décroissance. Le politique d’où qu’il vienne promeut cette croissance comme la seule solution. Le spectre d’une "hypercrise" est brandi dans le cas où cette croissance ne serait pas assurée, tout autre alternative serait une insanité d’équivalence bolchévique sur l’échelle de Richter de la paranoïa collective.

Nous récoltons la désertification environnementale mais aussi mentale d’une mondialisation vieille de plus d’un siècle, nous arrivons à la fin totale de la colonisation, de cet empire qui résiste à son propre éffondrement. Il se consume, tourne sur lui-même et semble s’imaginer une renaissance empyrrhique du type Phénix.

Le noyautage à l’échelle mondiale laisse qu’une faible perspective que quelque chose d’ "externe" puisse naître quand l’idée d’extérieur n’est plus possible. Ce système à l’image des autres civilisations ne supporte pas l’autre - la peur d’être concurrencé voire supplanté; et encore ceci est accordé à un système une conscience alors que le réflexe, le mode est purement machinique, et/ou naturel de l’ordre du comblement du vide. Le petit twist sud américain qui dure en fait depuis des siècles en est l’illustration la plus nette par son importance subcontinentale; le monroeisme américain a veillé à réduire à néant au ridicule même des tentatives d’alternatives (castriste, sandiniste et tous les bolivarismes d’antan et d’aujourd’hui - Vénézuela et consorts). Car les critiques ont beau jeu de démontrer ces échecs répétés lorsque tout a été mis en oeuvre pour les orchestrer - combien de temps un pays comme la France supporterait-il un embargo?

Quand aux connecteurs, en être ça ne mange pas de pain, que là se niche la solution permettez moi d’en douter. Les gestes et les actes de l’alternance sont ailleurs, ce sont des actes au quotidien qui pèseront et non nos pérorations internautiques. Pour être freeman il faut cocher deux cases. Pour infléchir un tant soit peu les choses, il faut se battre chaque jour à contre courant, sacrifier tous ses capitaux (vitaux, matériels, sociaux) et sans garantie de résultat. Pour un occidental au final cela n’est encore qu’une posture de bonne conscience, du luxe à se démarquer, à se croire plus valeureux peut-être, pour un homme en survie perpétuelle ces questions ne se posent même pas, ne pas se mettre au diapason du système en place revient simplement à se tirer une balle dans la tête. Areligieux que je suis, j’aime le maintien des religions dans leur aspect contreproductif qui contrarie le capitalisme car toute solidarité, toute restriction consumériste, tout cadrage qui ne laisse pas l’individu lâché dans la nature où il est le plus exposé à se laisser aller à toutes les consommations sont malvenus dans la logique capitaliste.

Je m’exprime à ma manière, j’ose espèrer que vous saurez accepter ma différence. Merci.

Thierry Crouzet @ 2007-10-20 10:54:35

Attention : je ne suis pas pour la décroissance mais une autre croissance. Je ne pense pas que les approches socialistes et étatiques aient la moindre chance de nous tirer d’affaire. Quant à être connecteur, c’est une attitude qui n’a que peut de rapport avec internet sinon qu’on y pratique communément la connexion.

utresmager @ 2007-10-20 11:12:43

je suis disposé à ce qu’on m’apprenne en quoi consiste cette disposition

Thierry Crouzet @ 2007-10-20 13:21:21

Lisez ce blog, lisez mes livres, discutez avec les gens et vous commencerez à comprendre. On essaie de pas tout recommencer à zéro chaque fois qu’un nouveau visiteur débarque.

Henri A @ 2007-10-20 13:37:04

A utresmager:

"Je m’exprime à ma manière, j’ose espèrer que vous saurez accepter ma différence. Merci."

évidement que oui ! Des effort colossaux ont été fait sur la forme, en ce qui me concerne, je vous remercie.

Sur le fond, je suis plus ou moins d’accord, mais en plus radical et violent. Mais nous ( individus à opinions très différentes ) avons eu des multitudes de discussions la dessus sur ce blog. Il suffit d’y jeter un oeil.

Jean Vincent @ 2011-11-06 17:33:56

Merci pour votre article particulièrement juste. Aujourd’hui de plus en plus de gens se rendent compte qu’il y a en effet un problème de ressources et de croissance.

Le scénario actuel de sortie de crise table sur une croissance qui ne peut pas être à cause de ces ressources non-renouvelables dont les réservent baissent inexorablement:

http://comprendre.posterous.com/l-hyper-crise-ses-vraies-causes-et-les-soluti

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