Thierry CROUZET

Hackulturation

Hier vendredi, j’ai un peu parlé de la hack culture à Marseille. Suite à la conférence de jeudi, où McEnzie Wark, Stephen Wright, Alain Giffard et Patrice Maniglier étaient intervenus et aux questions de la salle, j’avais esquissé un plan en dix points que je n’ai pas tenu car je demande comme toujours à la salle de m’interrompre.

Dans un prochain billet, je reprendrai mon propos car mon mobile a refusé de m’enregistrer, peut-être parce que, à cause de l’heure et du repas qui avait précédé, j’étais dans un état flottant. Il y avait d’ailleurs devant moi, avant même que je ne commence à parler, un monsieur qui dormait.

La conversation qui a suivi la présentation des autres intervenants, Paul Mathias et Arnaud Esquerre, a été comme souvent plus intéressante et amusante. Cette fois mon mobile ne m’a pas trahi.

[audio:200710marseille.mp3]

En tout cas, je remercie Jacques Serrano pour cette initiative de réunir des « intellos » qui se croisent peu et que la France ignore. Nous avons beaucoup parlé, échangé des idées et des rêves, j’ai rencontré des auditeurs remarquables… Je vous en reparlerai.

Notes

  1. Jacques Serrano était artiste et depuis quinze ans il a renoncé à l’art sous prétexte que l’art est mort. Pour lui, plutôt que faire de l’art, il vaut mieux réunir des gens qui en parlent. Ce faisant, Jacques redevient artiste, son œuvre c’est la rencontre et l’échange. Jacques est donc un superbe connecteur.
  2. J’ai d’ailleurs toujours pensé que l’artiste était un connecteur. Il connecte des choses du monde et nous les révèle sous un jour nouveau. Que l’art soit populaire ou élitiste, il procède de cette façon. Il ajoute à la surface du réel des connexions, parfois drôles, d’autres fois tragiques, souvent lumineuses, qui inventent la culture.
swimmer21 @ 2007-10-27 12:47:47

Ce qui est bien avec la possibilité de faire les liens, c’est que tout le monde en dispose et peut l’utiliser ou non. A y regarder de + près, bien peu ne l’utilisent pas. En tous cas, dans ceux que je connais, aucun reste sans mobiliser cette faculté.

Elle peut s’exercer entre les personnes, entre la matière et les personnes, entre les personnes et autre (l’autre, l’Autre, les autres, Dieu (il y en a déjà un parmi nous :), l’univers (idem) je ne sais pas trop comment le nommer). Je suis d’accord avec la correspondance entre artiste et connecteur (je n’y met pas de relation d’identité comme peut l’indiquer le verbe être que tu utilises). Dès lors, pour moi, se dessinent un tableau particulier de connexions oeuvre de chacun. Et cela n’est pour moi pas ajouté à la surface du réel, mais le constitue, sorte de réseau de connexions humaines et virtuelles dynamique et ouverts. Dans lequel chacun a sa place, son importance et exerce son intelligence (capacité à faire les liens entre) avec talent. Je le reconnais si je ne le comprends pas, si ce qui se passe ne correspond pas à ce que j’attendais.

utremager @ 2007-10-27 13:17:27

on tourne donc bien autour du pot, de la peau de l’humain et ce que je regrette ici et le mot hack, hacker etc le souligne c’est cette focalisation réduction des possibles et des avenirs sur l’outil in-forme attique comme autel du renouveau, solutionneur maximus - je suis un sceptique c vrai du virtuel mais l’extrêmisme inverse est tout aussi limité.

Paul de Montreal @ 2007-10-27 16:15:32

Tu as enregistré avec ton mobile ?

il y a un vide autour de 25’

C’est très vivant au début. Dommage qu’il y a pas les images on s’y perd un peu avec tout ces intervenants.

Comment s’appelle l’intervenante qui parlait du capitalisme cognitif ?

C’est ce qui met en place avec les droits d’auteurs renforcés sous l’initiative US.

Avec ces multinationales qui veulent mettre un copyright par ex. sur une plante ancestrale dans des pays comme l’inde pour en faire un produit « médicament ».

il y a comme souvent au moins deux courants antagonistes.

Quand les spécialistes parlent de leur domaine c’est intéressant. Quand les gens philosophent ou extrapole c’est souvent moins intéressant et exact car ca nécessite une rigueur et cohérence assez peu diffuse.

Concernant les discussions sur l’Art, je ne commente plus car je suis passé à autre chose. Posez vous les bonnes questions, lisez les bons penseurs et fuyez les pédants lettrés et esthètes qui raisonnent très mal mais s’expriment très bien.

Sinon un interlocuteur a parlé d’une comédie italienne avec un Totò faussaire et De Funes, critique de Goya.

Il s’agit de « Totò, Eva e il pennello proibito » 1959.

http://french.imdb.com/title/tt0053370/

En passant, j’ai vu la VO et la VF « Le coup fumant » est un massacre pour le doublage de Totò avec 20 min en moins.

Henri A @ 2007-10-27 19:02:06

Ce texte de Wittgenstein datant de 1930 me parait intéressant comme façon de voir:

« Engelmann me disait, un jour qu’il fouillait dans un tiroir plein de ses manuscrits, que ceux-ci lui semblaient si merveilleux, qu’il pensait qu’ils mériteraient d’être offerts au public. ( Il ajoutait que c’était également le cas lorsqu’il parcourait les lettres de ceux de ses parents qui étaient morts.) Mais, disait-il, il suffit que je pense à en publier des extraits pour que la chose perde tout attrait et toute valeur, et devienne impossible. Nous avons ici, lui répondis-je, un cas semblable à celui-ci : Il ne saurait y avoir rien de plus merveilleux que de voir un homme dans l’une quelconque de ses activités quotidiennes les plus simples, lorsqu’il croit ne pas être observé. Imaginons un théâtre : le rideau se lèverait et nous verrions un homme seul dans sa chambre, allant et venant, allumant une cigarette, s’asseyant, etc., de telle sorte que nous verrions soudainement un homme du dehors, comme nous ne pouvons jamais nous voir nous-mêmes. C’est à peu près comme si nous voyions de nos propres yeux un chapitre d’une biographie — cela devrait être à la fois effrayant et magnifique. Plus magnifique que tout ce qu’un poète peut faire jouer ou faire dire sur la scène : c’est la vie même que nous verrions. — Mais c’est là ce que nous voyons tous les jours, et cela ne nous fait pas la moindre impression ! — Soit ! Mais nous ne le voyons pas dans cette perspective. — Ainsi, lorsque E. regarde ses écrits et les trouve merveilleux ( des écrits que pourtant il ne voudrait pas publier séparément ), alors il regarde sa vie comme une oeuvre d’art due à Dieu, et contemplée, comme toute vie, comme tout et n’importe quoi. Mais c’est l’artiste seul qui peut nous représenter le détail singulier de telle sorte qu’il nous apparaisse comme une oeuvre d’art. Ces manuscrits perdent à bon droit leur valeur si on les considère un à un, et d’une façon générale sans parti pris, c’est-à-dire sans en être d’avance enthousiasmé. L’oeuvre d’art nous contraint pour ainsi dire à la bonne perspective, mais sans l’art l’objet n’est qu’un morceau de nature comme n’importe quel autre, et le fait que nous puissions le relever par notre propre exaltation n’autorise personne à nous en imposer le spectacle. ( Je ne puis m’empêcher de penser toujours à ces insipides tranches de vie que celui qui les a prélevées trouve intéressantes, parce qu’il était lui-même là et qu’il a vécu quelque chose ; mais un tiers les considère avec une froideur justifiée, si tant est qu’il soit juste, d’une façon générale, de considérer quelque chose avec froideur.)

Mais il me semble cependant qu’outre le travail de l’artiste, il existe encore une autre façon de saisir le monde sub specie aeterni : c’est, à ce que je crois, la pensée, qui pour ainsi dire s’élève dans son vol au-dessus du monde et qui le laisse tel qu’il est — le considérant d’en haut, en vol. »

Thierry Crouzet @ 2007-10-27 19:37:26

@utremager Nous avons longuement discuté de la signification du mot hack. En anglais, même en vieux anglais, ça signifie donner un coup de hache, couper... hacher pourrait être une traduction. Donc aucun lien avec l’informatique, surtout dans l’esprit de McKenzie Wark.

swimmer21 @ 2007-10-28 13:00:34

Un article de Taleb sur les économistes dans le NYT repris dans le blog de resalliance.

Il tape fort et juste. Et ne fait en même temps seulement cela.

swimmer21 @ 2007-10-28 13:01:15

Oups, c’est le NYT, c’est le FT !

Paul de Montreal @ 2007-10-28 16:14:43

Interessant swimmer21 même si je vois pas le lien direct avec le sujet de TC.

"My major hobby is teasing people who take themselves & the quality of their knowledge too seriously & those who don’t have the guts to sometimes say: I don’t know...." (You may not be able to change the world but can at least get some entertainment & make a living out of the epistemic arrogance of the human race)"

http://www.fooledbyrandomness.com/

:D

J’aime assez l’approche de Nassim Taleb. Reste qu’il faut faire attention de pas tout décrédibiliser, science comprise, avec une interprétation +/- erronée du grand public et des littéraires. D’ou l’utilité de savoir communiquer en fonction de son auditoire et de faire les préambules nécessaires.

Note: I will be no longer accepting media interviews (until at least January 2009 or c. when the paperback is out). Everything is in the book.

http://www.fooledbyrandomness.com/

:D hahaha

il est trop fort ce gars !

swimmer21 @ 2007-10-28 18:59:52

C’est un pote à Thierry et là où Thierry va, les potes iront. De saison.

De la culture à la contre-culture à l’a-culture à la culture en plein champ tout est relié.

utremager @ 2007-10-29 12:00:12

bon si hack n’a aucune allusion ni confusion avec le seul domaine informatique évinçons artiste pour hacker. toute fois c’est qq peu négliger l’entendu commun du mot qui qualifie le "terroriste internautique". La pirouetre étymologique dont je suis un fan ne convainct que peu de gens, le sens commun est toujours prédominant. Heureusement ou malheureusement ce n’est pas l’esprit de MacKenzie Wark qui décide de la sémie d’un terme.

L’amalgame du mot artiste est certes vaste aussi - peintres du dimanche, autoproclamés du pif PAF pouf, acteurs de tous poils etc. Faisons nous tous Art Hack ire e et vivent les starhackers!

Je lis d’autre part l’égalité/identité des termes Hacker et connecteur. Une fois encore connecteur a certes une sphère plus large mais le mot est sacrément pondéré à celle de l’Internet.

Mais que nous parlions de hackers ou d’artistes, il serait bien pour l’entendement de donner des exemples et avec des outils différents et non exclusivement informatique. Pour ma part de dire qu’un penseur comme Montaigne est un hacker et ainsi de suite est tout à fait désastifaisant. Hacker=penseur=artiste etc. Et après ça ?

utremager @ 2007-10-29 12:06:31

En lisant à propos de Jacques Serrano je pense pouvoir dire en toute modestie que je suis aussi un hacker/connecteur. Mais bon cela ne m’avance guère. Analyser la résultante de mon travail et tous les vecteurs qui la déterminent est sans objet, certains surgissent parfois distinctement du magma, soulignés je m’y attarde parfois un temps et puis la résultante dans l’action reprend le dessus pour souligner un autre trait.

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