Thierry CROUZET

Qu’est-ce que je connais aux auteurs ?

Manuel Vila m’a posé cette question parce que j’essaie de défendre les auteurs en créant coZop. En gros, il me reproche de parler à la place des autres. Il a raison : personne n’a d’autorité pour parler au nom d’une communauté même s’il en fait partie.

Mais je ne parle pas au nom des auteurs, je ne parle qu’en mon nom, je dis ce qui me semble bien et j’essaie de faire avec coZop ce que certains auteurs attendent. Je ne prétends pas les satisfaire tous. Ce serait trop beau.

J’ai vu la bulle internet exploser en 2000, certes à cause de la spéculation, mais aussi parce que les auteurs en ont eu assez de créer des sites pour les seuls beaux yeux des providers et des moteurs de recherche. Soudainement, les gens ont arrêté de mettre des contenus en ligne. Ça leur coûtait et ils ne gagnaient rien.

Avec le web 2.0, un nouvel engouement est né, en grande partie provoqué par un mouvement gagnant-gagnant. Les auteurs ne gagnaient toujours pas de l’argent mais souvent de la notoriété, de nouveaux amis, des lecteurs… Ce mouvement, entretenu par la mode, commence à s’essouffler aujourd’hui. De nombreux auteurs se détournent des blogs, trop chronophages, vers des services comme Facebook plus ludiques et moins élitistes.

J’espère que ce mouvement ne s’intensifiera pas et que les auteurs du web ne disparaîtront pas. Je pense que nous devons les encourager, nous encourager à poursuivre l’œuvre collective que nous avons entreprise.

Pour produire, pour approfondir, il faut du temps... Sans contrat avec un éditeur ne j’aurais pas écrit Le peuple des connecteurs ou Le cinquième pouvoir. Ce n’est pas plus compliqué que ça. Le contrat, la promesse de lecteurs, m’a poussé à mener un travail approfondi et de le finaliser.

Si je regarde en arrière, aucun blog n’a révolutionné quoi que ce soit. Les textes marquant, en tous cas ceux qui m’ont marqué, ont été écris par des auteurs soutenu par l’ancien système. Leurs blogs, quand ils en avaient comme Chris Anderson par exemple, étaient des ateliers d’écriture comme le mien avec le cinquième pouvoir.

Le blog nous permet de surfer sur les idées mais pas de les rassembler dans un tout cohérent. J’aime le blog et sa forme journal mais, comme souvent en littérature, un journal ou une correspondance ne prend sens qu’en s’accrochant à une œuvre.

Avec les blogs, elle peut être individuelle comme par le passé ou collective, ce que rêve de permettre coZop. Mais pour émerger, elle demande du temps, de la patience, du soutien… qui parfois peut prendre la forme de revenus.

Si demain bonWeb cesse de me subventionner, si coZop ne marche pas, il me faudra trouver un moyen de gagner ma vie et ce blog en pâtira. C’est simple. Je ne connais peut-être rien aux auteurs mais je sais que, en tant qu’auteur, j’ai besoin de temps, de toujours plus de temps, pour me livrer à mon travail d’auteur.

Alors voilà aussi pourquoi je ne veux pas que des inconnus exploitent mes contenus dans mon dos. Voilà pourquoi je crée coZop pour mettre en place un système gagnant-gagnant avec les auteurs, en toute transparence. Voilà pourquoi je leur conseille d’adopter la même stratégie que moi : diffusez gratuitement vos contenus chez vous, monétisez-les ou pas, et ne laissez rediffuser qu’aux services qui vous offrent une totale maîtrise de vos créations.

À ce titre, les agrégateurs traditionnels me paraissent dangereux pour les auteurs. À ce jour, ils gagnent grâce aux auteurs, ils existent grâce à eux, mais ne leur renvoient rien. Ils prennent mais ne donnent pas et se faisant ils mettent en danger le web 2.0. À un moment, nous en aurons assez de travailler pour eux.

Paul de Montreal @ 2008-01-13 23:50:55

Mais je ne parle pas au nom des auteurs, je ne parle qu’en mon nom

...

Soudainement, les gens ont arrêté de mettre des contenus en ligne. Ça leur coûtait et ils ne gagnaient rien.

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Ce mouvement, entretenu par la mode, commence à s’essouffler aujourd’hui.

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Si je regarde en arrière, aucun blog n’a révolutionné quoi que ce soit.

...

Le blog nous permet de surfer sur les idées mais pas de les rassembler dans un tout cohérent.

Le romancier a besoin d’imaginer, de créer et je ne voudrais surtout pas lui couper l’élan vital nécessaire.

Quand je veux analyser sérieusement un phénomène je m’impose un minimum de rigueur. Je n’extrapole pas mon cas personnel ou mon environnement direct à moins de bien préciser la portée réduite de mes propos.

Même dans un contexte d’affaire, les motivations des blogueurs sont diverses comme le secteur économique.

http://zeroseconde.blogspot.com/2007/08/pourquoi-bloguer-dans-un-contexte-d.html

Il y a la presse et les médias de masse qui vivent grâce à la publicité et les abonnements et puis tous les autres acteurs économiques.

(Je n’apprécie pas vraiment le traitement superficiel et spectaculaire des documentaires d’un Michael MOORE mais je dois dire que le début de son dernier documentaire $ICKO, vu hier soir, m’a donné un coup au moral quand je vois des médecins recevoir des bonu$ des compagnie d’assurances pour avoir refuser des examens/traitements à des patients. Les erreur$ médicales induites avec leurs conséquences tragiques pour ces patients "assurés" m’ont dégouté. Voila une bien horrible manière de gagner de l’argent !)

Thierry Crouzet @ 2008-01-14 00:02:20

Tu es encore naïf de croire à l’objectivité... ce truc n’a jamais existé et n’existera jamais sauf pour un essentialiste qui croit que la vérité existe, que en conséquence l’expertise peut exister et tout ce qui s’en suit.

Je parle de ce que je vis, de ce que je ressens et je n’ai aucun moyen de parler d’autre chose.

Il est évident que ceux qui trouvent intérêt aujourd’hui dans leur blog continueront à le faire, je pense notamment à ceux qui font leur marketing... mais je suis sûr que cet intérêt va vite s’évanouir car le blog, vu comme ça, est déjà mort pour qui observe lucidement le phénomène.

Il ne restera que le blog d’auteur, le blog comme forme d’expression (artistique, journalistique, scientifique...). Je fais court. Mais ces blogs là refuseront de se faire exploiter et ces blogs là sont le gros des troupes actuelles.

Tant qu’on gagne, on blogue... Mais tu ne gagnes plus quand tu ne fais qu’engraisser quelques services qui se sucrent sur ton dos. Là je ne parle pas pour moi... car on peut me ranger dans la catégorie de ceux qui gagnent déjà... puisque je bénéficie du travail collectif des lecteurs.

Ax @ 2008-01-14 02:24:08

"Si je regarde en arrière, aucun blog n’a révolutionné quoi que ce soit. Les textes marquant, en tous cas ceux qui m’ont marqué, ont été écris par des auteurs soutenu par l’ancien système"

Les blogs ont seulement quelques années d’existence

Il faut déjà plusieurs années pour écrire une oeuvre importante.

Et quand un auteur découvre la forme blog, il lui faut plusieurs années avant de savoir en tirer le meilleur.

Il y a toujours un laps de temps entre l’invention d’une forme littéraire, et ses meilleures réalisations.

Je ne crois pas trop à l’avenir du livre. Déjà la plupart des livres ne sont pas lus, les gens zappent, ils n’ont plus le temps de lire un gros livre, sauf quelques pavés best sellers de temps en temps.

Pourquoi consacrer tant d’énergie à écrire des livres, dont la diffusion est très limitée du fait des coûts d’impression, stockage, distribution, etc. Et dont la forme n’est pas adaptée à la lecture sur écran, donc qui ne connaissent pas de vraie deuxième vie virtuelle...

Les auteurs vont peu à peu cesser de croire qu’il faut sortir un livre papier pour être un écrivain, et ils vont investir la forme blog, non plus comme simple cahier d’esquisses quotidiennes, mais comme forme en soi, ultime.

De même que les musiciens vont cesser de passer par l’étape "CD".

La meilleure période créatrice pour les blogs est devant nous, pas derrière.

Pour un écrivain, ce support qui ne nécessite aucun intermédiaire est un rêve. Il faut juste apprendre à maîtriser cette facilité pour qu’elle s’accorde avec la conception d’un projet créatif. Il faudra encore quelques années sans doute avant qu’apparaissent des blogs qui soient des oeuvres à part entière.

Ax @ 2008-01-14 02:44:45

(Le problème du blog, c’est que la mise en ligne est si rapide, qu’on se sert de cette forme pour de nombreux usages quotidiens. Et une oeuvre d’art ne peut pas cohabiter sur un même espace avec les usages quotidiens.

Si un auteur souhaite investir réellement la forme blog pour en faire une oeuvre, il a intérêt à avoir deux blogs :

  • un pour le tout venant : dialogue avec les amis, marketing, réactions à l’actualité etc

  • un pour être l’oeuvre

C’est faute de ne pas séparer les deux que la première composante prend le pas sur la deuxième, et la rend impossible à mesure que l’espace est pollué par le quotidien.

Et l’auteur reste alors persuadé que seul le livre papier sera son oeuvre véritable. Mais en publiant un livre papier il se coupe d’une grande quantité de lecteurs. C’est une forme archaïque et c’est aussi ridicule de faire un livre papier aujourd’hui que si Montaigne avait écrit sur papyrus. L’auteur cherche alors, après coup, à diffuser son livre autrement pour augmenter le lectorat, mais une fois qu’un livre a été conçu pour sortir en volume, il n’est plus lisible sur écran, ce n’est pas la même respiration.)

Paul de Montreal @ 2008-01-14 06:37:25

Thierry,

il y aurait beaucoup de choses à dire sur l’objectivité et ce qui entoure le débat actuel sur les médias de masse. Je ne suis pas nécessairement la bonne personne pour bien l’expliquer. Je vais essayer.

C’est pas parce qu’un but est inaccessible qu’il faut abandonner de s’y rapprocher le plus possible.

Que dirais tu si les chercheurs en médecine arrêtait prétextant que l’immortalité est impossible ?

  • "A quoi bon ! Tout le monde sait qu’on va mourir alors un peu plus tôt ou un peu plus tard, quelle différence cela fait il ?" :D

Quand un journaliste loin du but, me dit qu’il est impossible d’être complètement objectif j’ai presque envie de sourire. Oui c’est exact mais je l’encourage de mieux s’y rapprocher dans l’intérêt de ses lecteurs. En premier lieu, être précis et exact comme a pu le faire un Michel de Montaigne dans ses essais pour décrire sa personnalité, sa subjectivité. Ensuite viser la cohérence du raisonnement et propos, vérifier que les faits coïncident avec son analyse et avoir une description relativement objective des faits.

Ça prend du temps et l’actualité n’en laisse pas bcp aux journalistes des quotidiens.

Sinon je pense que le blog "révolutionne" déjà le rapport entre l’auteur et ses lecteurs.

Maintenant que j’ai ce contact ça devient difficile de le perdre avec des auteurs anciens ou qui n’utilisent pas l’internet. C’est presque devenu un réflex de leur écrire un couriel ou un commentaire sur leur blog. Sur un blog on peut échanger avec d’autres lecteurs, une communauté se crée autour d’un ouvrage ou un thème. Ça modernise et démocratise largement les salons littéraires de l’ancien temps.

Axel,

Le support est important pour la diffusion et le cout mais il ne change rien fondamentalement. Aujourd’hui je lis un roman papier demain je lirai plusieurs livres électroniques via mon nouveau lecteur E-book :) comme hier mon lecteur mp3 pour la musique.

Thierry Crouzet @ 2008-01-14 10:18:11

@Paul Ton exemple sur la médecine est très mauvais... Les transhumanistes partent du principe que l’immortalité est accessible. Il y a des organismes déjà quasi immortels. Pourquoi pas nous ? Certains buts sont accessibles, d’autres non.

Pour être objectif, il faut être hors du système observé ? C’est impossible pour nous dès que nous traitons des affaires humaines, surtout lorsque nous traitons de données qualitatives. C’est le problème central de la mécanique quantique qui d’une certaine manière pose l’impossible objectivité.

Vouloir être objectif ne nous rend pas objectif pour autant.

@Ax Je n’ai jamais dit le contraire... Que le livre papier soit mort ne signifie pas que les textes approfondis sur lesquels les auteurs consacrent du temps soient morts. Je ne vois pas le rapport. En revanche, je vois très bien que je n’écris pas la même chose quand je me bloque des mois sur un texte et juste quelques heures, même quand ces heures s’enchaînent de jour en jour.

Je ne cesse de revendiquer le blog comme forme nouvelle pour les auteurs... Ne me fais pas dire le contraire. Quand je dis qu’aucun blog ne m’a marqué ça ne veut pas dire qu’un tel blog n’existe pas. Je travaille le mien dans cette perspective. C’est pour ça que j’ai fais une version papier 2006 où j’ai écarté les textes que je considère sans importance (j’aurais pu l’appeler Version PDF 2006 sans que ça ne change rien). C’est juste une façon d’avoir 2 blogs en un.

Quand je relis mon blog avec un an de recul, je retravaille les textes, les coupe, les complète, écarte ce qui me paraît hors contexte… je donne de la cohérence au blog a posteriori. Je fais exactement comme les auteurs qui par le passé publiaient leurs journaux. Je pense à Gombrowicz notamment. Mon blog s’inscrit dans mon projet d’écrire l’histoire de la pensée d’un home, cet homme étant moi-même.

J’ai commencé ce travail sur des carnets, le blog lui donne une nouvelle dimension, beaucoup moins intime sans doute... mais comme je continue d’écrire aussi sur les carnets, un jour il faudra faire la synthèse de tout ça.

Paul de Montreal @ 2008-01-14 14:51:14

@Thierry

Vouloir être objectif ne nous rend pas objectif pour autant.

Exact.

Je peux viser l’objectivité absolue mais j’espère juste atteindre une objectivité partielle ou relative qui permet de décrire des faits, développer une analyse. Ensuite identifier son opinion a l’image d’un critique qui se contenterait de raconter le début de l’histoire d’un film pour ensuite donner ses impressions. Et n’oublions l’exactitude et la cohérence de ses propos que ça soit des "objectivités" ou des "subjectivités".

Les transhumanistes partent du principe que l’immortalité est accessible.

Est ce une nouvelle secte d’illuminés ou une troupe de clowns que j’ignore ? :D

On en trouve à toutes les époques.

Ce qui semble paradisiaque devient vite un cauchemar si on réfléchit bien aux conséquences pour l’humanité. Déjà l’espérance de vie allongé pose des problèmes pour les retraites. Regarde SICKO sur les frais médicaux aux USA, certains jeunes retraités malades "à la rue" ou presque, des vieux qui travaillent pour se payer les soins ....

Imaginons qu’on reste en forme et en santé pour travailler et sans soins prohibitifs. Plus de naissance car à 6 milliards sur Terre, on est assez proche du maximum.

Les dictateurs, les tueurs en série, les fous, les crétins, (un S.zyzy) aussi deviennent immortels ...

A moins qu’ils perdent leur droit à l’immortalité avec d’autres. Seul une minorité de puissant y aurait droit. La secte des immortels et celle des mortels comme les castes en Inde avec les intouchables et le reste. J’arrête là ces digressions sans grand intérêt dans la réalité.

En tous cas, même si leur but est inaccessible, ils peuvent toujours découvrir des choses intéressantes dans la robotique et l’IA.

Ax @ 2008-01-14 15:17:41

@ Paul

l’homme naturel est clairement une espèce condamnée.

Quand on voit les progrès de l’informatique en moins de 50 ans, à l’échelle de l’évolution l’homme n’existera plus très bientôt. Son cerveau biologique naturel sera devenu sans intérêt, complètement dépassé par le mariage de la biologie et du code informatique. Et un tel alliage sera aussi immortel qu’un fichier informatique : il suffit de copier l’information à mesure que le support vieillit.

La grande interrogation reste la place qui sera faite aux sensations. Un système informatique n’a pas besoin de système nerveux sensitif (douleur et plaisir).

Est-ce qu’on assistera à une forme d’intelligence se développant sans système nerveux sensitif ? Ou bien le créateur de cette intelligence artificielle choisira-t-il d’introduire le système nerveux sensitif malgré tout, la vie n’étant pas vraiment la vie sans système sensitif ?

Est-ce que la douleur sera supprimée du programme de l’intelligence artificielle ? Mais le plaisir peut-il exister sans notion et expérience régulière de la douleur ?

Pour faire la jonction avec le sujet sur les auteurs, cette perspective modifie aussi la notion de postérité artistique. Stendhal écrivait pour les happy few des siècles à venir. On lit encore Héraclite car biologiquement nous sommes très proche de lui.

Je ne pense pas que l’homme des siècles à venir lira aucun livre des siècles précédents. Il sera tellement évolué, tellement "d’un autre monde" que nos livres seront aussi peu intéressants pour lui que peuvent l’être pour nous les échanges intellectuels des serpents entre eux.

Paul de Montreal @ 2008-01-14 16:41:49

@ Axel

En général, les gens ne raisonnent pas mieux (doux euphémisme) qu’il y a plus de 26 siècles avec un philosophe grecque de l’époque d’ Héraclite.

C’est malheureux mais c’est ainsi. Le progrès technologique ne change rien à l’affaire. Je suis surpris que des intellectuels raisonnent si moyennement avec autant de culture, de bons modèles à leur porté avec tous ses outils technologiques et supports modernes. Et puis tout le monde n’a pas la motivation pour bien raisonner, bien argumenter. Certains trouvent cela une tâche ingrate et préfère dire tout et n’importe quoi, paraitre et s’enrichir. Heureusement pour la connaissance qu’il existe d’autre tempérament qui veulent savoir plutôt que croire. Ils n’ont pas été toujours bien récompenser de leur effort par nos sociétés. Et le droit d’auteur (pour les scientifiques) avec ces modalités et le contexte économique ne doit arranger que partiellement les choses.

La douleur est une alerte comme la sirène dans un automatisme.

C’est presque incontournable ou sinon on a les inconvénients de cette lacune.

l’homme naturel est clairement une espèce condamnée.

Oui l’homme naturel est une espèce condamnée mais moins qu’un programme d’échecs doué d’une IA qui le bat mais qui n’a pas sa capacité d’évoluer et de s’adapter au monde qui l’entoure. Au Japon, on automatise tout et en Inde on préfère parfois utiliser un humain qu’une machine qui revient plus cher et peux tomber en panne.

Henri A @ 2008-01-14 17:11:01

« l’homme naturel est clairement une espèce condamnée. »

Un homme, je vois plus ou moins ce que c’est. Un homme naturel, je ne vois pas.

A moins que l’on considère un homme possédant un pacemaker comme un homme non naturel ? « Naturel » est un mot dangereux.

« Quand on voit les progrès de l’informatique en moins de 50 ans, à l’échelle de l’évolution l’homme n’existera plus très bientôt. »

Il me semblait que l’on ne pouvait pas prédire. Si le courant se mettait à manquer, plus d’informatique !

« Son cerveau biologique naturel sera devenu sans intérêt, complètement dépassé par le mariage de la biologie et du code informatique. Et un tel alliage sera aussi immortel qu’un fichier informatique : il suffit de copier l’information à mesure que le support vieillit. »

Ceci est extrêmement faux. La raison se trouve dessous.

« La grande interrogation reste la place qui sera faite aux sensations. Un système informatique n’a pas besoin de système nerveux sensitif (douleur et plaisir).

Est-ce qu’on assistera à une forme d’intelligence se développant sans système nerveux sensitif ? Ou bien le créateur de cette intelligence artificielle choisira-t-il d’introduire le système nerveux sensitif malgré tout, la vie n’étant pas vraiment la vie sans système sensitif ? »

Sans commentaires.

« Est-ce que la douleur sera supprimée du programme de l’intelligence artificielle ?

Mais le plaisir peut-il exister sans notion et expérience régulière de la douleur ? »

Il y a un peu de vrai dans la réponse de Paul, mais ce n’est pas le problème.

Vous confondez les « sensations », choses vécues, avec des mots qui les désignent plus ou moins.

Le mot « douleur » est du même niveau pour moi que le mot « armoire » et le mot « plaisir » dans la même optique correspondrait à « étagère ». Ce sont des constructions humaines.

Des choses extrêmement complexes et évidentes ( parce que vécues ), des particules aux molécules jusqu’au vivant font émergés ce que l’on appelle des « sensations »; choses que l’on peut nommer, plus ou moins décrire et impossible à expliquer exactement même en utilisant des causes ou des raisons.

Je ne parle même pas du mot « intelligence » qui a un sens différent suivant d’où on le regarde. A la limite, on pourrait remplacer le mot « intelligence » par « correctement auto régulé », ou « correctement auto organisé » ; ce qui est important la dedans c’est le « auto ».

Ax @ 2008-01-14 17:12:00

"Le progrès technologique ne change rien à l’affaire"

Tu parles ici du progrès de l’outil, externe.

Avoir un Ipod dans la poche ne rend pas plus intelligent que d’avoir des osselets, comme Héraclite, on est d’accord.

Mais d’ici quelques siècles, l’homme n’aura pas seulement des outils technologiques externes de plus en plus évolués : son cerveau sera en partie artificiel. Et là cela change l’intelligence du tout au tout. Les capacités de mémorisation, d’analyse et de synthèse seront différentes. Il y a fort à parier que le système même du langage sera complètement différent.

Enfin, si l’intelligence artificielle atteint un stade encore plus développé, c’est toute l’organisation sociale qui est modifiée : A mesure que le désir et sa réalisation se virtualisent, c’est la notion même de concurrence entre les hommes qui est modifiée.

C’est encore une inconnue, de savoir si la virtualisation du désir sera complète, ou si l’homme artificiel cherchera toujours à réaliser "dans la réalité" ses désirs. (Qu’est-ce que la réalité pour un système informatique ? Que signifie la possession de biens pour une intelligence de moins en moins incarnée physiquement ?

Avec la console Wii, on voit déjà apparaître le sport virtuel : les gens peuvent jouer au tennis dans leur salon, donc plus besoin de cours de tennis coûteux... En poussant encore davantage les habitudes de virtualisation, le monde change complètement.

Jusqu’à présent, les hommes ont toujours cherché à se réaliser hors d’eux-mêmes, dans la "réalité". Pourtant, on sait que tout se passe dans le cerveau, y compris le plaisir sexuel. Les organes ne ressentent rien, ils sont juste des connecteurs, les sensations sont toutes virtuelles, cérébrales. Une main n’a pas d’existence propre. Si l’homme pousse davantage cette logique et cesse de se réaliser matériellement à l’extérieur de lui-même, le monde change.)

Ax @ 2008-01-14 17:20:21

"La douleur est une alerte comme la sirène dans un automatisme.

C’est presque incontournable ou sinon on a les inconvénients de cette lacune"

Dans la douleur humaine il y a une notion de souffrance, en plus de l’alerte.

En mentalisant cette douleur, en la réduisant à son rôle d’alerte, certains parviennent effectivement à sublimer la souffrance, et à ne plus la ressentir aussi douloureusement : "cette rage de dents est simplement un messager chimique que j’interprète négativement, en soi la souffrance n’existe pas, cessons de croire que j’ai mal et de tirer la gueule puisque de toute façon le rdv de dentiste ne peut pas être avancé : alerte classée".

Mais c’est assez complexe malgré tout.

Dans les faits il y a bien une différence entre la douleur humaine, et l’alerte que reçoit un Antivirus face à une attaque de virus.

Si demain la douleur humaine évolue vers un simple rôle d’alerte sans sensation pénible, l’humanité change.

Ax @ 2008-01-14 17:27:46

(Ce qui caractérise l’alerte de type sirène, c’est qu’on peut couper le signal une fois qu’on a interprété sa fonction ;

avec la douleur c’est beaucoup plus difficile.

Pour le cancéreux, une fois que la douleur a été interprétée en tant qu’alerte, et qu’il a pris son traitement contre les cellules cancéreuses, la douleur continue malgré tout, alors qu’elle ne sert plus en tant qu’alerte, qu’elle a déjà joué son rôle).

Thierry Crouzet @ 2008-01-14 17:36:16

Pour les machines, le bug sera sans doute perçu comme une souffrance… quand les machines seront conscientes, elles se poseront les mêmes questions que nous… certaines des questions qui nous turlupinent le plus ne nécessitent pas plus d’intelligence… car elles ne peuvent pas avoir de réponse.

Ax @ 2008-01-14 17:39:40

"Un homme naturel, je ne vois pas.

A moins que l’on considère un homme possédant un pacemaker comme un homme non naturel ? "

D’un point de vue métaphysique, l’homme aura changé du tout au tout, le jour où il sera copiable sans perte majeure d’informations, comme un CD-Rom.

C’est la différence avec le pacemaker.

Une fois qu’on aura codé sous forme de 0 et de 1 l’ensemble des informations chimiques qui font les souvenirs cérébraux et le caractère, tout ce qui caractérise l’identité d’un homme, sa sensation d’être lui ; une fois qu’on sera capable de transférer ou copier cette somme d’informations dans une autre enveloppe corporelle. Le cerveau d’un Henri A pourra ainsi être transféré dans le corps d’une Paris Hilton, et "elle" sera toi.

Paul de Montreal @ 2008-01-14 17:40:47

@Axel

Il existe des drogues puissantes comme la morphine pour atténuer fortement la douleur.

C’est souvent des choix de société qui l’empêchent comme l’euthanasie dans un cas désespéré.

Les mentalités n’évoluent pas aussi vite que le progrès technologique.

J’ai lu récemment que des médecins au QC n’étaient plus contre l’usage du cannabis (en comprimés) sur plusieurs années pour soulager la douleur.

@Henri

Je suis d’accord avec ta réserve sur l’expression "homme naturel" mais j’ai compris le sens qu’Axel voulait y donner et j’ai réutilisé son expression.

Nous parlons bien de poulets "biologique" nourri aux grains. :D

Ax @ 2008-01-14 17:42:40

"Pour les machines, le bug sera sans doute perçu comme une souffrance… quand les machines seront conscientes, elles se poseront les mêmes questions que nous…"

Oui. Le tout quand même c’est de pouvoir couper le signal douloureux une fois qu’on l’a interprété et qu’on a fait le maximum pour lutter contre le problème.

Ax @ 2008-01-14 17:46:33

Pour la morphine, ses effets secondaires sont importants. C’est la grande raison du tabou qui touchent les drogues : les effets secondaires, notamment pour les drogues qui menacent nos conduites sociales et peuvent rendre dangereux (y compris de façon "innocente" : le cannabis qui endort et cause un accident de la route).

Thierry Crouzet @ 2008-01-14 17:48:38

@Paul Lis The singulaty is near you de Kurzweil pour approfondir ce dont parle Ax...

Paul de Montreal @ 2008-01-14 18:08:12

@Axel

L’alcool aussi est responsable d’accident de la route. il est juste interdit d’en consommer en quantité avant de conduire. Reste le taxi et les transports en commun sinon.

A propos de Cancer, je viens finir le livre AntiCancer de David Servan-Schreiber.

Pour l’alimentation ça rejoint souvent les conseils d’un ouvrage de Peter Adamo "4 groupes sanguins 4 régimes" paru dans sa première édition en 1996.

Je me suis mis au curcuma et j’aime le gout de cet épice couramment utilisé dans la cuisine indienne.

Merci Thierry

"The singulaty is near : When Humans Transcend Biology" de Ray Kurzweil

http://en.wikipedia.org/wiki/The_Singularity_is_Near

Henri A @ 2008-01-14 18:15:10

Ax, tu n’as pas compris mon intervention, ou alors tu la considères comme totalement fausse.

Quand Paris Hilton cédéroménisée "henri" voudra à un moment donnée se gratter les c...lles et qu’elle n’y parviendra pas, son auto régulation se déréglera, ce que l’on peut traduire par une maladie mentale.

Un cdrom est incopiable exactement dans un temps raisonnable.

"sans perte majeure d’informations" est valable pour des données du type musique, image et textes, pas pour du vivant.

Thierry Crouzet @ 2008-01-14 18:48:55

@Henri Je suis pas d’accord avec toi... Qu’une chose soit vivante ou non ne change rien au problème de la copie. Soit la copie intégrale est possible, soit elle est impossible. La question du vivant n’entre pas en jeu.

Maintenant la copie 100% est-elle possible ? Non parce qu’il faudrait scanner la structure en un instant ce qui est impossible. Le temps de commencer et de finir le scan une partie des données aura changé. Donc une copie d’un système complexe en cours d’évolution, un système vivant par exemple, est impossible.

Mais est-ce que l’erreur aura des conséquences? Je pense que non... et je pourrais le justifier mais pas le courage ;-)

Ax @ 2008-01-14 18:49:01

Henri, quand tu chipotes sur les détails je ne considère pas que ça joue sur le fond.

Tu as déjà expliqué que la copie exacte n’existait pas en informatique. Il n’empêche que personne ne voit la différence entre une photo copiée ici ou là sur des sites, à résolution "égale", idem pour la musique et les films, ou pour l’oeuvre de Proust que j’ai en cédérom, sur lequel Albertine ne se comporte pas autrement que dans mon édition Quarto Gallimard.

Le sceptique s’intéresse aux différences ayant une incidence fonctionnelle non négligeable. C’est la différence entre le sceptique et "l’enculeur de mouches", si tu veux bien. ;-)

Ton exemple sur les couilles absentes de Paris Hilton Alberti, je ne vois pas en quoi cela produirait une maladie mentale. L’intelligence est capable d’analyser la cause, comme lorsqu’une femme est amputée des seins, elle est perturbée mais son identité n’est pas détruite. Idem pour ceux ayant subi une transformation du visage.

Le visage est lié à l’identité, et subir une transformation du visage provoque un problème d’identité, pour soi et pour les relations sociales ; mais ce problème n’est pas insurmontable, et s’affaiblit à mesure que ce fait devient moins singulier.

Dans le vivant, l’identité sociale et psychologique n’est pas dépendante de la totalité des composants ; un individu peut être amputé d’un certain nombre de composants, sans cesser d’être "lui".

Lorsqu’un criminel change de visage, il est toujours recherché par la police, il est toujours "lui", et il est toujours condamné s’il est pris.

Chez certains individus, l’identité sociale est plus dépendante de l’incarnation corporelle. Par exemple Grace Kelly dans le corps de Sim ce n’est plus Grace Kelly. Maria Callas sans ses cordes vocales, incarnée dans le mime Marceau, ce n’est plus Maria Callas. Mais Wagner dans le corps de Gustav Mahler, c’est toujours Wagner, il écrit toujours sa musique qui n’est pas liée à la forme de son nez. Elle peut changer un peu, mais sans que ce changement suffise à faire une identité perdue.

La notion d’identité humaine est majoritaire plus qu’absolutiste. Il suffit que les composants essentiels soient là. Selon les identités, la notion de composants essentiels diffère un peu. Tu peux te réveiller un matin avec une partie de tes neurones détruite par un accident vasculaire, et te sentir "toi", même si tu as perdu l’usage de ta jambe au passage.

Henri A @ 2008-01-14 19:27:22

A Thierry:

Ben nous ne sommes pas d’accord sur ce point, ce n’est pas grave. Cela tombe bien, le milieu de la philosophie de l’esprit est divisé en deux sur le sujet.

Tout ce qui ressemble de près ou de loin à une onde ( mathématiquement ) est codable binairement. Un objet peut être copié, un truc dynamique ou plus, vivant, doit être copié avec son environnement.

« Mais est-ce que l’erreur aura des conséquences? Je pense que non… et je pourrais le justifier mais pas le courage »

Pareil, sauf le non.

A Ax:

Je suis légèrement sceptique d’accord, sceptique par principe est une contradiction.

Mon exemple est vulgaire et simple, mais je ne chipote pas. A moins de considérer les dernières recherches en neuro sciences, psychologie comme du chipotage.

« L’intelligence est capable d’analyser la cause, comme lorsqu’une femme est amputée des seins, elle est perturbée mais son identité n’est pas détruite. Idem pour ceux ayant subi une transformation du visage. »

Cette exemple n’a rien à voir et ce n’est pas du chipotage. Le reste, spéculations.

« Tu peux te réveiller un matin avec une partie de tes neurones détruite par un accident vasculaire, et te sentir “toi”, même si tu as perdu l’usage de ta jambe au passage. »

Je ne vois toujours pas le rapport. Par contre, il existe une recherche très à la mode sur des accidents dans une partie du cerveau qui fait disparaître cette sensation de « soi ».

Paul de Montreal @ 2008-01-14 20:32:55

Henri

Vous confondez les « sensations », choses vécues, avec des mots qui les désignent plus ou moins.

C’est bien de différencier les deux mais je te rassure je ne le confonds pas même si mon expression est parfois lacunaire ou ambigüe au delà des limites propre au langage que tu exposes si justement.

Tout ce qui n’est pas brevetable (droits d’auteur) dans nos sociétés, n’a généralement pas grande valeur marchande pour leur découvreur/auteur. Alors l’intérêt financier est davantage mis sur le médicament, l’armement, la téchnologie et ses biens de consommation plutôt que sur l’alimentation bénéfique, le savoir vivre ensemble et le savoir communiquer.

il y a un secteur richement doté qui apporte qq bienfaits et un autre secteur largement sous-financé me semble-t’il qui peux apporter autant voir plus de bienfaits à la population.

Ce sont des choix de société et on a les maux et les bienfaits associés à ces choix.

Si j’avais un projet ambitieux ça serait dans ce sens que je travaillerai plutôt que la technologie ou les objectifs du transhumanisme. L’avantage c’est que de bons textes anciens existent. Il suffit de faire une synthèse, un rafraichissement et mise à jour pour offrir quelque chose d’alternatif et d’accessible à la masse qui recherche son bien-être avec un sens et une vie enthousiaste de l’esprit sans passer nécessairement par les religions et les utopies scientistes.

(Dans les librairies au Québec, je trouve une section "self-help" que je ne retrouve pas d’équivalent en France.)

Thierry Crouzet @ 2008-01-14 23:18:21

Vous voyez le trackback ci-dessus... Je le laisse pour ceux qui n’ont pas compris. Si je ne fais rien il y en a des tonnes comme ça. Remontez à la source pour découvrir l’imposture sous couvert propre sur soi. Il y a des centaines de sites comme ça qui à force de reproduire nos contenus en font baisser la pertinence sur les moteurs.

Pour ceux qui croient que je veux brider par soucis de contrôle...

Ax @ 2008-01-14 23:53:08

Je ne vois pas en quoi brider le flux a un impact sur les trackbacks.

Avant de libérer le flux pour Cozop, j’avais un flux bridé, et je recevais des dizaines de trackbacks dans le style.

J’en reçois aussi sur un autre site qui est en flux bridé.

Par ailleurs, ces trackbacks ne sont pas envoyés manuellement: par défaut, wordpress envoie tout seul des trackbacks quand on reprend une source. Ce n’est pas un spam volontaire.

En l’occurrence le site ici a un PR 3, et il reprend ton lien actif vers Cozop, donc Cozop gagne un lien à PR 3 sans rien faire. Si 200 sites font de même, ça te fait 200 liens vers Cozop.

Enfant Terrible @ 2008-01-15 06:41:17

Les gens qui créent des programmes pour automatiser les tracks backs les maîtrisent-ils ? ;-)

Thierry Crouzet @ 2008-01-15 08:39:03

Oui ils maitrisent car quand je bride ils envoient beaucoup moins de trackbacks car les textes résumés ont peu d’intérêt pour le référencement.

Par ailleurs Google a tendance de plus en plus à blacklister ces sites... les liens qui viennent d’eux ne sont pas du tout positif Ax. Mieux vaut ne pas trop en avoir des comme ça.

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