Avec Isabelle, nous avons vécu quatre ans à Londres et nous avons dans cette ville nos habitudes. Quand nous y sommes retournés la semaine dernière, c’était pour revivre nos habitudes, non pas pour courir voir la dernière exposition car nous n’avons jamais eu cette habitude.
Après avoir dîné dans notre restaurant favori de Soho, nous avons décidé d’aller au cinéma. Comme toujours nous n’achetons pas de programme et nous passons de salle en salle jusqu’à ce qu’un film nous arrête.
Nous n’avons pas cherché longtemps. Nous tombons sur Into the wild. Je ne savais pas que le livre de John Krakauer, pour moi un des grands livres de la fin du XXe siècle, venait d’être décliné en film.
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Nous achetons nos tickets, avec une légère appréhension. Le cinéma est si mièvre en ce moment que nous nous attendons toujours au pire. Nous n’avons pas été déçus. Dans son livre, Krakauer nous plonge dans la quête initiatique de Christopher McCandless. Il réveille en nous ce qui pousse bien des hommes à prendre la route, à se lancer dans des aventures folles, quitte à en périr comme McCandless en 1992.
La quête est exaltée, c’est une quête métaphysique. McCandless meurt à 23 ans mais il laisse plus d’expériences en partage que bien des vieillards. Sa vie brève n’a pas été vaine. McCandless est un héros au sens grec, mort sur le champ de bataille pour gagner la gloire immortelle.
Malheureusement le film en fait un paumé. En se privant de la voix de Krakauer, du point de vue d’un autre homme, il s’abandonne au pathos grandiloquent, sur un vague air d’Easy Rider sans jamais en retrouver la grâce. Lisez donc le livre et évitez le film. Il m’a semblé durer un siècle alors que j’ai lu le livre d’une traite sans voir le temps passer.
Le lendemain soir, un peu frustré par l’expérience de la veille, nous avons cherché un autre film. Nous choisissons presque au hasard Control, j’avais juste vu ce titre dans un classement des meilleurs films de 2007 réalisé par un blogueur dont j’ai oublié le nom.
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Control, sans que je le sache au préalable, est l’histoire de Ian Curtis, le chanteur de Joy Division, un des groupes de ma jeunesse, dont j’ai les versions originales des vinyles, classées collector depuis longtemps. Comme McCandless, Curtis meurt à 23 ans, comme lui il nous laisse une montagne d’expériences.
Control tient mieux qu’Into the Wild, même s’il passe sous silence le plus important à mes yeux, l’acte créateur, et se complait sur l’anecdotique, les amourettes que nous avons tous vécu. La bande son est superbe lors des concerts de Joy Division, plus pugnaces que les enregistrements en studio. Je me suis souvenu d’un autre film, vu aussi à Londres, qui mettait en scène Curtis, 24 hours Party People, bien plus joyeux et jubilatoire.
Deux jours de suite, par le plus grands des hasards, je me retrouvais en compagnie de deux de mes héros morts au même âge, mort volontairement d’une certaine façon. La vie nous réserve de temps à autre ce genre de coïncidences. Elles ont le don de me rendre heureux, de me rappeler qu’il peut se produire des rencontres sublimes de temps à autre.