Thierry CROUZET

Les libéraux ont un meilleur cerveau !

Je vois déjà les sociologues et les politologues français s’esclaffer. Dès que les sciences dures font une incursion dans leur univers, ils montent sur leur perchoir d’intellectuels. Les anglo-saxons, souvent adeptes de la sociobiologie de Wilson, sont moins sectaires. Pour preuve, NewsScientist vient de publier un article intitulé : Les penchants politiques sont-ils définis par les gênes ? (PDF). Point de départ de réflexion : les vrais jumeaux tendent à être plutôt du même bord politique que les faux jumeaux (donc impossible d’invoquer des causes sociologiques).

Pourquoi pas après tout ? Nous savons que la génétique ne définit qu’une partie de ce que nous sommes, mais une partie tout de même. Elle doit avoir tout autant que notre éducation ou notre milieu social une influence sur nos goûts politiques.

L’existentialiste qui sommeille en chacun de nous ne peut pas être d’accord mais nous devons parfois, même souvent, reconnaître que notre libre arbitre n’est pas tout puissant. Comme je le dis souvent, les gâteaux dans les vitrines des pâtisseries brisent ma volonté avec une facilité déconcertante et me démontrent sans cesse que je n’ai pas l’âme d’un Gandhi.

Nous sommes tous en partie conservateur, en partie progressiste. Ceux chez qui le côté progressiste serait le plus fort seraient plus à même de réagir dans des situations nouvelles. D’une certaine façon, leur cerveau serait plus apte à gérer le changement. Dans l’article de NewsScientist, les progressistes sont appelés libéraux, appellation mal comprise en France même si je la revendique.

Un libéral est quelqu’un qui avant tout se libère des habitudes et préfère le changement à la stagnation. Un libéral est anticonformiste. Un libéral veut que les gens qui l’entourent le surprennent et diffèrent de lui. Un libéral est pour le progrès, entendu au sens biologique d’évolution. Pour obtenir mieux que ce qu’il a déjà, Il accepte le risque d’avoir moins bien. Pour autant il n’est pas inconséquent, il peut très bien pratiquer un super principe de précaution, un tel principe étant libéral puisqu’il suppose que la prudence ultime revient à nous responsabiliser individuellement.

Si l’hypothèse génétique se confirme, il y aurait donc toujours deux grandes factions politiques. L’une à tendance conservatrice, l’autre à tendance libérale. Bug ! Qui sont les libéraux en France ? Qui représente les forces de progrès ? L’UMP qui nous voit tous en industriels plan-plan à la mode au XXe siècle ? Les socialistes qui eux agitent encore les idéologies du XIXe siècle ?

Je suis perdu. Plutôt, je crois que nos politiciens sont perdus. Ils continuent à nous faire des promesses intenables, les gens continuent à voter pour eux puis à les honnir. Et si après tout le camp de libéraux était celui de ceux qui ne votent pas. N’ont-ils pas compris que voter revenait systématiquement à choisir entre des conservateurs à tout crin ?

reivilo @ 2008-02-09 14:31:27

Point de départ pour le moins bancal que cette étude sur les jumeaux. Si le résultat le plus plus probant que cet auteur peut mettre en avant est que sur un item (taxation de la propriété privé) 80% des vrais jumeaux donnent la même réponse vs 66% pour les faux jumeaux (quelle est l’échelle de réponse ?), on imagine que les autres résultats le sont encore moins - probants.

J’ai en mémoire une étude (très connue) dont je n’aurais pas les références qui montrent que les vrais jumeaux ont tendance à se distinguer davantage du point de vue de leur personnalité que les faux jumeaux. Il est dit pourtant dans cet article que génétique et personnalité pourraient (quantité de "may", "probably", "tend to" ou "likely" dans ce texte) être liées, l’auteur ne mentionne pas cette étude qui foutrait toute sa démonstration en l’air.

Parce qu’il enchaîne ensuite sur le fait que la personnalité soit corrélée aux opinions politiques. Soit, ç’a été montré plusieurs fois effectivement. Mais une corrélation n’est pas très informative, quel est le sens du lien de cause à effet ? Rien là-dessus. Pratique. Genes -> Personnalité -> Opinions politiques. Ca tient pas debout une seconde.

Ces libéraux sont très drôles à observer. Alors qu’ils refusent - bien que quantité d’études le démontrent sans "may" ni "probably" et dominés qu’ils sont par l’idéologie de l’individu libre et responsable - les déterminismes sociaux (sur les opinions politiques ou autres), ils sont capables de croire aux déterminismes génétiques. Tout ça n’est qu’un retour effectivement au socio(neuro)biologisme dont on connaît l’absurdité, avec toujours la même intention : ne pas remettre en cause les conditions matérielles (ou objectives) d’existence des individus dans nos sociétés occidentales dont les déterminations priment sur toutes les autres.

pas perdus @ 2008-02-09 15:34:20

Méfions-nous des thèses fumeuses qui s’appuient sur la génétique. On peut dériver jusqu’à l’antisémitisme. Les gènes expliquent tout...

Après sur le libéralisme... La notion est si vague et aussi (voire plus) ancienne que le socialisme que chacun la comprend comme il l’entend.

Partir du postulat qu’une idée est mauvaise parce qu’ancienne n’est guère convainquant... Parce que finalement, la démocratie, le libéralisme, et l’idée d’un destin commun qui réunit tous les individus d’un corps social donné et qui impose des droits et des devoirs datent de la Grèce antique...

Paul de Montreal @ 2008-02-09 15:46:53

Quel titre Thierry !

Les penchants politiques : innés ou acquis ?

Les deux et la proportion devrait varier d’un individu à l’autre.

Avec cette phrase je suis couvert et insubmersible comme le Titanic ...

euh non mauvais exemple. :D

Pour faire court, l’inné c’est notre "caractère" (au sens génétique) et l’acquis notre milieu social avec notre famille et notre parcours dans la société. Certains ont un parcours linéaire et d’autres auront des difficultés qui les feront réfléchir au delà de leur milieu social et condition/contexte initial. L’âge a aussi un impact. Je pense que nous sommes généralement plus progressiste jeune et plus conservateur vieux.

Au niveau politique (ou philosophique), il existe des libértaires plus centré sur l’économie et des libértaires plus orienté sociale.

En France de ce que je constate avec mon recul, ceux qui se disent libérale sont souvent autoritaire sorti de l’économie. Un drôle de mélange, induit probablement par le vote électoral national et l’opposition.

Au lieu de "gauche" et "droite" je préfère parler d’un soucis appuyé davantage pour le social ou l’économie.

Le RPR representait pour moi un parti orienté économie & Autoritaire (vieux patronat paternaliste ayant peur de l’Europe et de la compétition internationale) et l’UDF économie & plus Libertaire.

Social & Libertaire ?

En France, hum ... peut-être un peu le MoDem si le social reste un vrai enjeu de ce que j’avais entendu dans les propos de Bayrou durant sa campagne électorale des présidentielles 2007. J’aimais bien DSK mais il s’est expatrié aux USA.

Voilà pour le peau rouge italien ;)

jugurta @ 2008-02-09 15:54:54

Et si après tout le camp de libéraux était celui de ceux qui ne votent pas. N’ont-ils pas compris que voter revenait systématiquement à choisir entre des conservateurs à tout crin ?

Tout à fait Thierry!!! La précédente présidentielle était mon premier et dernier vote.

Henri A @ 2008-02-09 16:45:32

"Un libéral est quelqu’un qui avant tout se libère des habitudes et préfère le changement à la stagnation. Un libéral est anticonformiste. Un libéral veut que les gens qui l’entourent le surprennent et diffèrent de lui. Un libéral est pour le progrès, entendu au sens biologique d’évolution. Pour obtenir mieux que ce qu’il a déjà, Il accepte le risque d’avoir moins bien. Pour autant il n’est pas inconséquent, il peut très bien pratiquer un super principe de précaution, un tel principe étant libéral puisqu’il suppose que la prudence ultime revient à nous responsabiliser individuellement."

Tu aurais pu ajouter "et qui adore Joe Strummer". Ce n’est pas la définition de "libéral", mais la définition de "T. Crouzet".

Je préfère celle de Jugurta, mais en plus extrême :

"Et si après tout le camp de libéraux était celui de ceux qui ne votent pas." et je rajoute ; qui ne se présentent pas et ne font aucun lobbying pour qui que ce soit.

Thierry Crouzet @ 2008-02-09 18:42:01

Oui un libéral ne peut pas se présenter... je vois juste un cas où il n’a pas d’autre choix, quand il a un dictateur face à lui... le libéral et comme le pacifiste qui doit malgré tout parfois prendre les armes... juste le temps d’une bataille.

Et j’ai quand même le droit de définir ce que j’etends par libéral non ? C’est ça être libéral... libérer les mots (et les maux) de leur prison. :-)

Paul de Montreal @ 2008-02-09 19:00:00

Et j’ai quand même le droit de définir ce que j’entends par libéral non ?

Oui mais pour bien communiquer avec ses semblables, c’est préférable d’utiliser le sens commun. Sens commun qui évolue parfois dans le temps et/ou suivant le pays. Sinon il faut donner Sa définition pour éviter les malentendus.

Libertaire c’est peut-être un mot moins ambigu, moins chargé de sens différents que Libéral. En programmation objet, on appelle ça le surnommage qui s’identifie au final suivant le contexte (les paramètres).

swimmer21 @ 2008-02-09 21:13:20

Mince, en lisant Henri, je suis libéral. J’aurais jamais cru !

Thierry Crouzet @ 2008-02-09 22:03:36

Le monde appartient à ceux qui changent les définitions, pas à ceux qui se plient aux usages qui évoluent lentement.

Paul .ca @ 2008-02-09 23:47:22

Le monde appartient à ceux qui

Avant, il m’arrivait d’utiliser ce genre d’expression mais ça devient assez rare.

Je te laisse volontiers ce monde là.

Sinon je préfère inventer un mot qui n’a pas d’équivalent que de changer le sens des mots existants.

Krysztoff @ 2008-02-10 12:01:57

En toute amitié, relisez Orwell, 1984 et vous comprendrez pourquoi, suite à une phrase telle que "Le monde appartient à ceux qui changent les définitions, pas à ceux qui se plient aux usages qui évoluent lentement", nous ne sommes pas prêts de nous entendre... Et encore moins de nous comprendre si chacun donne aux mots le sens qu’il souhaite!

Autre suggestion de lecture, Christopher Lasch: "Le seul et vrai paradis" sous-titré "Une histoire de l’idéologie du progrès et de ses critiques".

Et une dernière pour la route, sur la définition du libéralisme et de ses implications contemporaines, "L’empire du moindre mal" de Jean-Claude Michéa, un voisin de Balaruc puisqu’il est prof de philo au lycée Joffre à Montpellier.

Vive le ministère de la Vérité, et pour en revenir à la définition du libéralisme, remettons-en nous à Big Brother, "La liberté c’est l’esclavage".

Thierry Crouzet @ 2008-02-10 14:15:51

Les mots n’ont pas de définition... seul les gens qui écrivent les dictionnaires cherchent à nous convaincre du contraire. Mais on a tant de fois discuté de ça ici que ce n’est sans doute pas la peine de rouvrir le débat… Je ne résiste pas toutefois.

Comme pour moi les mots n’ont pas de définition, le monde appartient à tous. Je trouve dangereux ceux qui croient aux définitions, à un ordre immuable, à une espèce de destin ou de fatalité... D’où « Le monde n’appartienne qu’à ceux qui changent les définitions » car je ne veux pas qu’il appartienne « À ceux qui ne les changent pas, à ceux qui croient aux monarchies divines. »

Donnez-moi l’exemple d’une chose dans le domaine humain, le domaine de la véritable politique, qui soit défini. Moi, je ne vois pas. Sans doute parce que Wittgenstein a trouvé une méthode pour mettre en défaut toutes les définitions.

Maintenant il est facile de critiqué le progrès... et plus difficile de renoncer à ce progrès. Tous les gens qui ont écrit contre le progrès, je pense à Jacques Ellul par exemple, se sont servis de lui... Téléphone, avions, imprimerie pour leurs livres... c’est comme les anti-ogm qui fument du tabac OGM sans scrupule.

Arrêtez de bloguer si vous ne croyez pas à la capacité du progrès de changer le monde... car en bloguant vous le changez.

Paul .ca @ 2008-02-10 15:29:20

@Krysztoff

C’est étrange cette coïncidence, un ami me parlait hier soir justement de "1984" et je lui parlais du film "Brazil".

Merci pour tes références de livres.

“La liberté c’est l’esclavage”

:D

J’essaye aussi d’éviter les oxymores qui sont une source potentielle de malentendu.

@Thierry

Les mots n’ont pas de définition ni de sens en soi, ce ne sont qu’une collection de signes représentant des lettres d’un alphabet donné. Ceci étant dit, ils sont utiles pour communiquer entre nous ou un dialogue intérieur. Une communauté a intérêt a donné un sens commun aux mots pour avoir plus de chance de bien se comprendre entre eux. Plus de chance, car notre expérience nous oriente vers une interprétation différente d’une même définition d’un mot donné. Autant limiter au maximum les occasions de malentendus.

Le progrès pour qui et dans quel domaine ?

La voiture à essence a été un progrès pour les gens capables de se l’offrir mais avec le RC et la fonte des glaces, l’ours polaire le perçoit un peu differement si je peux dire. :D

Le téléphone, parfois je rêve de plus en avoir avec tout les appels indésirables et non souhaités.

Thierry Crouzet @ 2008-02-10 16:44:10

Parce que tu crois que les gens se comprennent mieux grâce aux dictionnaires ? Tu as vu ça où que les gens avaient besoin de définitions commune pour mieux se comprendre ? Donne-moi une définition universellement admise dans le domaine qui nous préoccupe, la nature humaine ? Ne réponds pas à côté.

Tous les soirs quand je vais chercher mon fils de 9 mois à la crèche je me rends compte que les bébés se comprennent très bien entre eux ! Nous savons que la coopération fonctionne très bien même sans communication. Certains penseurs orientaux voient même dans les mots un mal terribles... alors les définitions...

Si tu veux comprendre ce que j’écris, tu me lis... et à force de me lire tu me comprends. Cette approche ne m’est pas particulière. C’est comme ça que j’ai finis par comprendre tous les auteurs qui comptent pour moi. Tu comprends quand ils ironisent, tu comprends le sens qu’ils donnent aux mots, tu comprends parce que tu sais qu’ils ont déjà dit la même chose d’une autre façon, qu’ils y reviennent sans cesse, précisent…

Pour toi Wittgenstein est limpide à chaque phrase ? Non, il ne le devient qu’à force de le pratiquer. C’est comme ça avec tous les hommes. Nous cous comprenons à force de vivre ensemble, à forcer de découvrir nos particularités, pas parce que nous avons des définitions communes.

À force de lire la presse et de se coltiner des messages infimes de la télé, nous sommes en train de perdre l’habitude de lire. Nous croyons que chaque phrase contient toute la pensée d’un auteur, qu’un texte de vingt lignes résume sa vision du monde. Rien n’est aussi simple et personne n’a jamais été aussi concis. Les dieux n’auraient pas eu besoin de bibles. Pour goûter la pensée de quelqu’un, il faut la fréquenter. Pour communiquer avec quelqu’un, il faut l’écouter. C’est bien plus important qu’avoir des définitions en communs.

Thierry Crouzet @ 2008-02-10 16:50:59

Je vais lire L’empire du moindre mal. Mais qu’on m’associe aux capitalistes, voire aux ultra-capitalistes, ça me conforte dans ce que je viens de dire à Paul.

Tu prends un phrase d’un mec, tu la places hors contexte, tu peux faire passer tout le monde pour Nazi. Tu prends un billet d’un mec, hors de son contexte, tu arrives à la même chose avec le capitalisme.

Ai-je laissé poindre le moindre lien entre ce que j’appelle libéralisme et capitalisme ? Je rappelle que je me présente souvent comme anticapitaliste, que j’ai toujours mené ma vie en anticapitaliste et que je prédis que la longue traîne sonne la fin de l’hyper-capitalisme.

Le cinquième pouvoir ce serait un truc capitaliste ?

Henri A @ 2008-02-10 17:45:00

J’avais l’intention d’intervenir pour serrer quelques boulons, mais tout compte fait le commentaire de Thierry ( http://blog.tcrouzet.com/2008/02/09/les-liberaux-ont-un-meilleur-cerveau/#comment-51230 ) dit plus ou moins le fond de ma pensée.

Dans le projet de Iza, nous buttons sur une scène qui a comme fil rouge : « comment mieux se comprendre ? »

Dans la vie de tout les jours de notre pré carré, cette question ne se pose pas ( plus ou moins même contexte, même langue, culture, etc…).

Quand le contexte n’est pas plus ou moins le même, la question peut se poser.

Quand on veut comprendre ou décrire le «comment mieux se comprendre ? » dans des contextes différents, c’est à ce moment là que la précision, des consensus et quelques définitions arbitraires sont nécessaires.

Paul .ca @ 2008-02-10 17:45:19

@Thierry

Dans la communication, il y a la communication verbale et celle du corps. Ça me manque dans les échanges textuelles. Rien que l’intonation de la voix, apporte des informations précieuses. Et sans parler de l’expression du visage, des mains. Maintenant comme tu le dis justement avec le temps et juste les écrits on arrive petit à petit à cerner une personnalité, une pensée. Ça me prend moins de temps en face à face mais c’est plus pratique avec nos emplois du temps et les distances qui nous séparent physiquement.

J’ai donné des éléments pour essayer d’améliorer (à mon avis) notre communication, j’ai pas dit que c’était suffisant. Dans nos sociétés pressées, les gens ne prennent plus le temps de s’assurer d’avoir bien compris un auteur/orateur. Depuis que je discute sur les forums publics, je constate le nombre de malentendus qu’on peut réduire suivant son style de communication. Je me place dans une optique d’une audience de masse. Ce soucis de la communication efficace est relativement récent avant je m’en souciais pas beaucoup. J’ai par ex. expérimenté /découvert l’utilité des préambules qui avant m’ennuyaient de la part des politiciens. Je comprends mieux leur utilité dans une communication "de masse".

Krysztoff @ 2008-02-10 19:44:35

Sur le sens des mots, il me semble, mais peut-être me trompe-je, que c’est un préalable à toute communication. SI nous parlons et débattons en ce moment même, c’est bien parce que, d’une manière générale, nous donnons à la grande majorité des mots à peu près tous le même sens. Vous voyez que j’introduis deux nuances: la grande majorité des mots, et non pas tous les mots, et à peu près le même sens, et non pas exactement le même sens. Cela suffit à provoquer le débat et à faire en sorte que nous fassions évoluer ensemble le sens de certains mots. Cela est par ailleurs très souvent le début des incompréhensions et des malentendus si fréquents dans nombre de discussion, en particulier en ligne.

Les dictionnaires d’une part ne représentent qu’une convention de sens pour une immense majorité de mots à un instant t (mais c’est quand même grandement utile pour le quotidien, par exemple pour demander un café dans un bar et ne pas se voir servir un thé), d’autre part ils évoluent comme évolue la langue, matière vivante.

Sur le progrès, de quoi parle t-on? Existe t-il un Progrès avec un grand P? Tout changement est-il nécessairement, par définition un progrès? Toute nouveauté est-elle bonne à prendre par son seul caractère de nouveau? Etre obligé de consommer de l’eau en bouteille parce que l’eau du robinet n’est plus potable, est-ce un progrès ou une régression?

Pour la critique du progrès, l’originalité de Lasch est justement de ne pas traiter du seul progrès technique, difficilement contestable. Pour un rapide mais néanmoins très complet aperçu des thèses développées dans l’ouvrage cité, vous pouvez lire ce texte: http://denis-collin.viabloga.com/news/christopher-lasch-le-seul-et-vrai-paradis

Vous y retrouverez par ailleurs des considérations qui devraient avoir un certain écho chez vous sur une critique du salariat comme aliénation.

Enfin, je n’ai jamais fait la confusion entre libéralisme et capitalisme (encore faudrait-il définir ces deux termes, n’est-ce pas :-)). On peut tout à fait être libéral et anti-capitaliste et vice versa.

Iza @ 2008-02-11 10:38:28

Mon dieu Henri, tu sais que tu me fais peur (j’écris ça, mais en réalité je jubile)... j’avais copié le commentaire de Thierry pour le citer pratiquement entièrement... puis je poursuis et tombe sur le tien... c’est trop fort, et en plus tu cites notres travail... preuve que nous au moins, nous avons effectivement fini par nous comprendre... plus facilement, et au delà des mots (quand je repense à nos premières conversations, ça me ait doucement rigoler...).

C’est effectivement le sens du travail que je fais, essayer de déconstruire, comme une goutte dans l’océan, le lavage de cerveau produit par le système tout entier.

Ca me permet aussi de mettre le doigt sur ce truc qui m’horripile ici, qui à chaque fois me démange, ces gens qui s’offusquent en alignant des arguments... parfois faiblards... (ce n’est pas le cas de tout le monde bien entendu). C’est comme s’ils étaient en embuscade et attendaient que TC en sorte une bien grosse pour pouvoir tenir enfin l’occasion de lui rabattre son caquet, sans forcément faire l’effort décrit dans ce fameux commentaire 51230. On se retrouve à chaque fois à dire "mais lisez donc le blog, les centaines de billets....vous verrez bien à qui vous avez à faire...." et on nous répond "ça va pas, non ? je vais pas me taper tout ça pour me permettre de commenter...."

Certes non, mais dans ce cas, émaillez donc vos commentaires de moins de hargne et de plus d’humilité, ça vous évitera de passer pour ce que vous n’êtes sans doute pas.

En passant, je trouve que ça nous donne une belle leçon, parce que, comme pour bien des choses, nous croyons à des principes, des évidences etc... qu’il est toujours bien difficile de mettre en oeuvre. Et.... je mesure à ce que je lis là (sujet que je connais bien, auteur et commentateurs que je connais itou), le nombre d’anêries que je dois proférer à longueur de journées ;-) moi même....

Tout le monde peut se tromper sur son vis à vis, pensons-y avant de juger quelqu’un, car je suis certaine que nous trébuchons plus souvent qu’à notre tour....

Maintenant, pour m’appliquer un peu la leçon que je viens d’écrire, je nuance mon propos : ces commentaires ont une grande vertu, ils te renvoient en partie ce que certains lecteurs peuvent ressentir en lisant certaines de tes formules, Thierry. On peut trouver ça "court", parfois paresseux intellectuellement, ou inutilement aggressif, mais c’est ce que ça produit sur une partie des gens qui te lisent. A toi de faire l’effort d’interprêter ceci avec la même exigence que celle que tu préconises, il y a sans doute quelque chose à en tirer...

Krysztoff @ 2008-02-11 10:54:30

Bon, j’avais posté un long commentaire hier mais visiblement il s’est perdu dans les limbes d’Internet.

Ceci dit, en lisant le commentaire d’Iza ce matin je me demande vraiment quel intérêt il y a à le réécrire. Buvons les paroles du maître, lisons ses oeuvre complètes, et faisons l’apologie du silence et de l’humilité.

PS: je ne sais pas si le "ils" collectif et anonyme de "ces gens" me concerne un tant soit peu (en tout cas, j’en ai eu l’impression) mais il se trouve que je lis ce blog depuis plus d’un an et demi, que j’ai lu et Le Peuple des connecteurs et Le cinquième pouvoir, et que comprendre ne veut pas forcément dire partager. A t-on le droit en ce lieu de ne pas être d’accord?

Thierry Crouzet @ 2008-02-11 12:46:50

@Krysztoff Je ne crois pas qu’Iza te vise directement... elle sait que tu es là depuis longtemps (pour moi c’est Paul qui ramasse avec son éternelle histoire de définition... il ne corrigera jamais son platonisme latent).

Sinon preuve que tes interventions servent, j’ai commandé hier L’empire du moindre mal... J’essaierai le commenter ici. Car je suis sûr que ça m’aidera à préciser ma position. Je déteste le capitalisme mais j’essaie de ne pas me contenter de détester et de proposer un échappatoire qui ne peut pas être de gauche car cette approche est infructueuse contre lui depuis trop longtemps (en plus de ne pas me convenir).

Nous devons donc critiquer et proposer quelque chose de neuf. Justement quelque chose de neuf est en train de se construire au moment où ça va mal et où nous en avons le plus besoin. Il me paraît irresponsable de camper sur de vielles positions gauche-droite.

Mon billet sur les cerveaux des libéraux était écrit avec humour (si ça m’arrive). Je démontre que la bipartition supposée dans l’article n’existe pas en France et qu’il faut faire des efforts désespérés pour la découvrir.

Si le mot libéral énerve il suffit de le replacer par progressiste… La gauche s’est longtemps définie comme une force de progrès non. Si je commence à parler ainsi on va me traiter de gauchiste. Tu vois la difficulté avec les mots. Tu trouves toujours des détracteurs peu importe ceux que tu utilises.

Je ne en suis ni de droit, ni de gauche, ni du centre… j’aime la liberté voilà pourquoi je me réapproprie ce mot et j’en fais ce que j’ai envie… et puis j’estime avoir passé deux livres à en définir le sens en plus (ça c’est pour Paul). :-)

Thierry Crouzet @ 2008-02-11 12:51:11

Sinon ton commentaire était parti en spam... je vins de le rétablir.

Je suis 100% d’accord avec l’idée que le progrès est relatif... Je parle souvent d’ailleurs d’évolution, de progrès biologique. C’est le sens que j’utilise pour ce mot (pas de progrès vers un absolu... je rappelle que je ne crois pas à l’absolu).

Pour les définitions j’essaie de revenir dessus dans un autre billet.

Iza @ 2008-02-11 14:31:38

Pas spécialement Krystoff, pas spécialement Paul non plus.... un ras le bol général des grinch de tous poils, quand ils grinchent parfois un peu vite ou à mauvais escient. En vérité, c’est surtout le fameux commentaire que j’applaudissais des deux mains.

Quand à cette manie de me ranger dans la catégorie des admirateurs aveugles et bêlants, c’est précisément de ce genre de commentaires hâtifs que je parle. Je suis aussi là depuis longtemps, et quand je ne suis pas d’accord avec Thierry, je le lui dis, même si je n’en profite pas pour le traiter de couillon au passage, ce qui fait que sans doute le fond de mon propos échappe à ceux qui veulent à tout prix croire que je n’interviens que pour lui cirer les baskets.

Iza @ 2008-02-11 14:33:00

SInon je trouve ton com ressorti de la poubelle à Spam très bien.

Krysztoff @ 2008-02-11 14:36:01

Mon commentaire du spam! Quel aveu :-))

Ok pour le commentaire d’iza mais c’est vrai que parfois certains de tes "fans" ont un petit côté adeptes qui veillent au respect de la parole du gourou!

Sinon, tout a fait d’accord sur le caractère totalement inoperatif de l’actuel clivage droite-gauche. Et donc sur la nécessité de réinventer quelque chose. La lecture de Michea t’inspirera peut-être. En attendant donc tes réactions pour en discuter.

Henri A @ 2008-02-11 14:54:20

J’espère que je ne fais pas partie de ces "fans", n’est ce pas ? Des noms !

Paul .ca @ 2008-02-11 19:14:07

Le plugin antispam Akismet semble assez sensible.

Un lien (forum) dans mon profil entrainait mes messages dans le dossier Spam.

@Thierry

J’essaye d’être un bon épicurien. ;)

@Iza

J’ai vu un documentaire sur Fellini ou il disait qu’il avait besoin d’avoir une opposition forte (producteur) pour se dépasser. C’est désagréable mais ça génère parfois de bonnes idées créatrices. il faut trouver un équilibre entre éloges et critiques systématiques.

Paul .ca @ 2008-02-11 20:10:47

@Iza

Je suis triste personne ne parle du fameux commentaire 51235. :D

Tout le monde peut se tromper sur son vis à vis, pensons-y avant de juger quelqu’un, car je suis certaine que nous trébuchons plus souvent qu’à notre tour….

Le plus simple est d’éviter de porter un jugement sur autrui et de parler de soi, de ses idées.

C’est pas toujours facile mais c’est réalisable.

Maintenant, pour m’appliquer un peu la leçon que je viens d’écrire,

Wouhaa du récursif, Bravo Isabelle. :)

Iza @ 2008-02-13 15:47:46

Henri : hélas mon pote, je crois bien que tu en es... mais j’ai l’impression que je porte la casquette de grand fan en chef :-)

Paul: ah oui, très bien le commentaire, bien entendu. ça complète ce que je voulais dire d’ailleurs, comme on n’a pas le non-verbal, on est tenu de se construire une idée de la personne d’une autre façon pour pouvoir "décoder".

En ce qui concerne l’opposition, je suis d’accord. Ce qui m’agace (ce n’était pas exactement le cas ici d’ailleurs, mais j’ai généralisé, honte sur moi ;-) ), ce sont les positions "contre" de principe, motivées par on ne sait trop quoi (représentation de ce que Thierry pourrait symboliser politiquement, antipathie pour le gars lui-même, antipathie pour un de ses potes qui a mené le lecteuer juqu’ici, que sais-je encore...), et exprimée à partir de tout à fait autre chose (pinaillage sur le vocabulaire, projection sur les supposées intentions de Thierry etc...).

J’ai lu tant de ces discussions pénibles que je ne peux plus les voir en peinture. Maintenant, une bonne opposition, voire un pugilat, sur un vrai sujet, ça oui !!! j’adore !!!

Le Champ Libre @ 2008-02-13 18:06:40

Je suis libéral et je pensais aussi au départ que pour être libéral, il fallait être plus intelligent que les autres (pour arriver à s’affranchir des idées reçues enseignées à son sujet par l’éducation nationale par exemple).

Et puis j’ai rencontré des libéraux.

Et je me demande maintenant parfois si la connerie ne fait finalement pas plus de ravages chez les libéraux qu’ailleurs.

Le Champ Libre @ 2008-02-13 18:11:20

Enfin, je suis content de voir que sur ce blog, les libéraux ne sont plus de méchants schizophrènes.

Bienvenue au club.

Luc @ 2008-02-24 02:38:41

Un peu d’histoire... Au XIXeme siècle les libéraux français étaient classés à gauche. Le début du XXeme siècle et la collectivisation (marxisation) de la gauche les a repoussé à droite de l’échiquer politique. Minoritaires et pacifistes ils ont disparu au milieu du conservatisme ambiant. De retour dans les années soixante dix avec le parti républicain ils ont privilégié l’aspect économique au détriment de l’aspect sociétal et ont été détronés par le PS sur ce sujet. Ils se sont fait confisquer la chose économique par une droite toute puissante. Associés à tort au capitalistes, les libéraux ont fait les frais des difficultés économiques d’alors causées par ce capitalisme dit sauvage. Rappelons que la France politique s’est construite sur un système Jacobin et centralisateur où l’Etat interventionniste, de gauche comme de droite, a laissé peu de place à cette philosophie libérale qui dépasse ces clivages. Donc quand on parle de définition du terme libéral il faut me semble t-il relativiser et prendre en considération les contextes culturels et économiques dans lesquels il peut s’appliquer.

Un anglo saxon interprètera différemment cette définition qu’un latin. L’éducation, la culture, la religion, l’histoire et le contexte sociétal dans lequel évolue l’individu influenceront forcément son interprétation du terme libéral.

Le paradoxe veut que l’idée libérale moderne dans ce qu’elle a de plus noble est apparue en France pendant ce que l’on a appelé le siècle des lumières. Or si les libéraux français ont exporté la liberté à travers le monde c’est en France qu’elle est aujourd’hui le plus décriée. Les français aiment sûrement la liberté mais peut être moins la responsabilité pour la laisser endosser par l’Etat. D’où ce rejet du terme libéral qui associe liberté et responsabilité.

Ax @ 2008-02-29 03:07:46

Ce titre me rappelle que je voudrais faire une pause d’un mois pour relire Mishima.

Avec ce foutu monde de la connexion permanente on ne trouve plus le temps d’une bonne pause ressourcante... Il faut pendre les connecteurs :)

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