Thierry CROUZET

Une brève histoire de l’informatique

En septembre 2007, Geneviève Morand m’a suggéré d’écrire Une brève histoire de l’informatique en reprenant l’idée de Stephen Hawking et sa Brève histoire du temps. L’informatique, c’est notre temps contemporain. Pour la plupart de nous, directement ou indirectement, elle rythme nos vies.

J’ai laissé reposer cette idée jusqu’à ce que le fils d’un ami passe trois jours avec moi lors d’un stage. Il m’a alors demandé comment des machines matérielles pouvaient gérer des informations immatérielles. Il aurait pu aussi bien me demander comment nos corps matériels peuvent engendrer nos esprits immatériels. Ces deux questions n’ont peut-être pas exactement la même réponse, mais elles ont beaucoup de points communs.

Si la première est clairement technologique, la seconde est clairement philosophique. En fait, elles sont l’une et l’autre technologique et philosophique. L’informatique est une technologie qui nous amène à nous poser des problèmes philosophiques. Elle en résout certains, elle en crée d’autres et, en conséquence, elle influence nos vies, donc la manière dont nous vivons, donc la manière dont nos sociétés s’organisent. Avec l’avènement de l’informatique, technologie, philosophie et politique sont plus inséparables que jamais.

Des domaines longtemps étrangers convergent. Pour comprendre notre époque, pour nous y épanouir, il est sans doute utile de s’intéresser à chacun d’eux et de noter leurs interconnexions grandissantes. Une Brève histoire de l’informatique, sous-titrée Technologie, philosophie et politique, devait questionner ces interconnexions.

Je me suis mis à esquisser cette histoire entre fin 2008 et début 2009. Elle aurait dû se composer d’une centaine de minuscules récits. J’en ai écrit une quinzaine pour essayer de trouver le ton. Le projet, pour une fois, passionnait mon éditeur d’alors, mais je ne ressentais aucune urgence. Je l’ai abandonné. En le relisant, je me dis que j’y reviendrais peut-être un jour.

Henri A @ 2008-03-25 21:27:27

"Il m’a alors demandé comment des machines matérielles pouvaient gérer des informations immatérielles. Il aurait pu aussi bien me demander comment nos corps matériels peuvent engendrer nos esprits immatériels. Ces deux questions n’ont peut être pas exactement la même réponse mais elles ont beaucoup de points communs."

J’espère bien ! Sans nous pour les interpréter, les machines matérielles ne gèrent pas des informations immatérielles. Je dirais que c’est le boulot de Godel qui est la passerelle infranchissable entre ce que l’on appelle des "machines" à la Turing et nous qui sommes des "machines" d’une autre sorte.

"Histoire universelle des chiffres" est très bien pour l’aspect philosophique.

Thierry Crouzet @ 2008-03-25 22:06:00

Pour moi, nous sommes des machines. Plus complexes qu’un grille pain, mais des machines tout de même. Je ne fais aucune différence entre l’homme et le reste de ce qui existe. Nous vivons dans le même univers et subissons les mêmes lois. Je sais que tu sais que je pense comme ça... alors je comprends rien à ton commentaire.

S’il faut un observateur pour rendre immatérielle l’information, il en faut un aussi pour rendre existant nos esprits. Pourtant, il me semble que le dernier homme aurait toujours un esprit (même si ce n’est pas pour longtemps... donc l’esprit n’a pas besoin d’observateur pour être... il s’observe lui-même). J’imagine que les systèmes récursifs ont tous plus ou moins cette capacité.

Esprit = conscience et tous ce qu’on voudra. On ne va pas reprendre le débat sur les définitions.

Henri A @ 2008-03-25 23:04:14

"Je sais que tu sais que je pense comme ça… alors je comprends rien à ton commentaire."

Mon commentaire est un peu trop compressé et je ne commente que les quatre lignes citées. Je suis d’accord, nous sommes des machines.

Quand je parle de "nous", je pense à ce qui est vivant ( par exemple une bactérie ).

Si on prends le titre du billet, "La brève histoire de l’informatique", il me semble que tu serais d’accord sur l’idée que l’on pourrait mettre en sous titre "L’ histoire pas si brève que ça du codage".

Pour ce qui est des "machines en fer", sans codage il n’y a pas d’informations.

Je ne vois pas ce qu’il y a d’incompréhensible là dedans.

Thierry Crouzet @ 2008-03-26 08:44:53

;-)

Une brève histoire du codage est un bon sous-titre... Les algorithmes génétiques existent depuis longtemps.

Univers @ 2008-03-28 01:33:00

La machine humaine, pensant se connaitre elle-même, a tellement eu besoin de construire des machines différentes d’elle qu’elle en est finalement venu à se demander si elle se connaissait vraiment. Elle en est arrivé à la conclusion qu’il fallait qu’elle construise des machines qui lui ressemblent de plus en plus pour mieux se connaître en perdant de vue ce que son apanage (l’abstraction) et celui de ses ouvrages (la concrétude) s’apportaient mutuellement...

Doués pour le codage (injection de l’abstraction dans les mécanismes matériels) les humains se sont très vite aperçu que les fonctions essentielles de leur propres mécanismes ne leur permettait pas d’aborder un certain niveau de concrétude. Se faisant ils s’aperçurent que leurs ouvrages ne bénéficiaient pas de leur propre liberté d’aller concevoir d’un champ d’expérience (l’abstraction) à l’autre (la concrétude). Ils s’apercurent par là qu’ils étaient apparus, comme leurs consoeurs génériques, sans savoir quels besoins essentiels leur apparition avait pour but de servir.

Les artéfacts mécaniques se servent ils déjà de la nature humaine pour atteindre ce qu’ils ne peuvent atteindre comme le faisaient jadis leur confrères hominidés ?

Qu’est-ce que la faculté, même, d’interroger ?

L’interrogation nait-elle chez celui qui cherche à exister sur tous les plans, ou bien se pose-t’elle d’emblée avec l’apparition de quelque chose qui ne cherche pas tous les plans d’existence.

Autrement dit, est-ce que vous interrogez les choses, ou bien est-ce que ce sont elles qui vous interrogent ?

A force de négliger l’étude de ce que nous représentons "tous ensemble" ne négligeons nous pas la différence que peut avoir cet "ensemble" d’avec les mécanismes que nous construisons?

Car il a bien fallu que nous nous assemblions pour les construire, ces mécanismes.

doivent-ils automatiquement devenir le modèle autoréférentiel de ce que notre assemblage peut produire pour atteindre les autres plans d’existence ?

Qui fait atteindre quoi à qui? et qu’est-ce qui fait atteindre qui à quoi ?

Voilà bien l’éternel et fondamental débat de l’idéalisme avec l’empirisme...

Satured de la politique @ 2008-03-28 01:46:21

Pfouuu ! "Univers à écrit...: La machine humaine]...[avec l’empirisme"... là, il doit probablement s’agir d’un euphémisme ! :-)

Comme à son habitude, il nous livre là une analyse assez fine du problème auquel nous nous attaquons invariablement en essayant de rédiger "notre" histoire ;-)

Henri A @ 2008-03-28 17:35:27

A Univers :

Cela sent la phénoménologie à plein nez votre intervention. Pour contribuer, critiquer et essayer d’être complémentaire, je vais simplifier un peu ( beaucoup ) :

Prenons deux points de vue, un majoritaire dans notre monde occidental et un autre minoritaire.

Le majoritaire ou il s’agit d’exagérer l’importance de ce que l’on appelle la « conscience » , « les pensées » et ces genres de choses plus ou moins « immatérielles » et qui appartiennent à une classe de choses « à part » ; ce qui nous oblige presque à pratiquer l’anthropomorphisme à outrance ; commencer par donner comme un acquis une compréhension, une définition ou une description de ce que peut être une conscience et comparer les autres formes de vie par rapport à nos « descriptions ».

Qui a une conscience ? Les singes, mammifères, poissons, etc…et quel genre de consciences ? On peut se poser les mêmes questions pour « les machines en fer », mais sérieusement est-ce possible ?

Je parle évidement des questions : est-ce sérieusement possible de se poser ce genre de question ? Peut-on imaginer des réponses ?

En ce qui me concerne, je répondrais, oui on peut, cela s’appelle de la littérature.

Le cas minoritaire qui consiste à minimiser le rôle et l’existence même de ce que l’on appelle la conscience. Ce qui veut dire mettre cette chose dans le même sac que la digestion, par exemple, ou le fait de se déplacer, une action quoi !

Cela manque de romantisme, mais les questions du genre : « il y a-t-il une conscience, et de quelle sorte ? » se transforme en « il y a-t-il une action, de quelle sorte et pourquoi faire ? » et cela permets moins difficilement d’apporter des réponses ou au moins des hypothèses plus ou moins crédibles. Il y a-t-il un sens à essayer de s’imaginer quel genre de conscience a un dauphin ? Une mouche ? Linux ?

L’idéalisme et l’empirisme sont des outils humains.

Satured de la politique @ 2008-03-30 09:37:44

Cette petite traduction d’Henri Alberti n’est pas mauvaise. A ceci près qu’Univers (il peut intervenir, si je me trompe) diffère en 3 points:

  • la conscience semble n’être pour lui q’un changement d’état,tout comme le serait le 1 dans un bit par rapport au 0. Et n’est donc pas assimilable à la pensée ou toutes ces autres choses qui sont d’un ordre beaucoup plus complexe. C’est juste une mise "en phase" avec certains éléments qui nous entourent. Sinon, l’observation d’une image numérique des cellules actives du cerveau lorsque l’on pense nous suffirait pour déceler les mots exacts auquels on pense et le langage auquel ils appartiennent.

  • Il fait une autre distinction entre "interrogation" et "question". Pour lui, la question est déjà une chose de la pensée (elle a une forme définie,c’est un outil du langage). Ceci diffère de l’interrogation (on n’a pas besoin d’un quelconque langage pour interroger) dont la particularité est uniquement de ne pas se plier à la "mise en phase" de la conscience (mon existense même, peut être une nouveauté qui interroge la conscience des autres); et dans ce sens, il n’est point besoin d’être conscient de l’interrogation que l’on suscite pour provoquer les mécanismes d’un retour à la stabilité. L’existence elle-même, de quelque chose, peut être interrogatrice.

  • Et enfin, pour être plus exact, "L’idéalisme et l’empirisme sont des outils humains", en fait Univers dira plutôt " Il existe des structures du monde telles, que l’être humain en fait des outils qu’il appelle "idéalisme" et "empirisme" dans le but de retrouver une stabilité". Plus encore, pour Univers ce sont des structures que l’on ne peut utiliser efficacement (mettre sous forme d’outils) que d’une manière collective ("Car il a bien fallu que nous nous assemblions pour les construire, ces mécanismes."). En fait, il dit qu’il a du mal à voir l’objet d’une littérature "historienne" qui voudrait s’affranchir d’une génése collective, ce qui part à l’opposé d’une phénoménologie de Heidegger,Hegel, Husserl et les autres par exemple.

Univers @ 2008-03-30 10:28:47

Satured fait bien partie de notre raisonnement. Henri aussi, dans une certaine mesure.

Mais nous irons plus loin en disant qu’un historien seul ne fait pas de l’histoire. Il n’émet qu’un jugement, une opinion. Il ne devient vraiment scientifique que lorsqu’il elabore son travail en collaboration avec les autres membres de sa communauté. Et nous pensons qu’il en est de même dans toute science. A tel point, que nous placons le début des sciences lors de l’existence de la première communauté scientifique. Il n’y avait avant que des charlatans incapable de découvrir le véritble objet de chaque science, donc de mettre au point les méthodes de recherche.

Cela nous semble particulièrement évident en mathématiques.

pankkake @ 2008-04-03 21:00:35

Albert Jacquard, cet imposteur ?

Thierry Crouzet @ 2008-04-03 21:54:43

Les attaques contre l’homme sont peu intéressantes. Argumente ;-)

mfavez @ 2008-04-06 16:54:05

La technologie informatique se mêle sans aucun doute à la philosophie...sans chercher très loin le propre vocabulaire informatique rappelle celui de la philosophie (objet, héritage, abstraction, polymorphisme, réflection...)...il y a un parallèle et un lien évident...j’irai même plus loin, la propre physique quantique redéfinit les fondements même de la métaphysique, la nature de l’humanité, la perception de la réalité, la numérisation digitale de la conscience (le Beme)...la physique quantique rejoint aussi le bouddhisme sur de nombreux points...un débat passionnant sur comment la science et les technologies d’aujourd’hui apportent de nouvelles réponses à des problématiques philosophiques et métaphysique...

Pourrais-tu donner plus d’info sur ta conférence à Genève...vivant dans la région, je suis évidemment intéressé d’y assister...

Thierry Crouzet @ 2008-04-06 19:44:07

http://www.rezonance.ch/ft/agenda

Le programme complet n’est pas en ligne encore. La journée sera payante je crois.

Henri A @ 2008-04-06 20:08:32

Bizarre, voire suspect tes voyages Thierry :

Paris, Londres, Marseille, Genève...

Thierry Crouzet @ 2008-04-06 21:12:58

Tant que j’évite Moscou...

espérance @ 2008-12-23 21:23:32

Si l’homme était une machine, il serait capable de tout programmer.

Des hommes s’organisent jusqu’à planifier la naissance d’un enfant.

Lorsque l’évènement arrive, le bébé naît effectivement, mais, comble

du sort, il est mort né. Tout est arrivé comme prévu, sauf que le bébé

est mort. Quelle explication donner à cette incertitude dans un destin tout

programmé? Est-ce nous qui décidons de tout ou une force supérieure et mystèrieuse? N’y a-t-il pas une dimension qui nous échappe à tous?

L’incertitude n’est-elle pas un questionnement quant à la foi?

En tout cas, un tel exemple laisse très songeur quant à notre capacité à vouloir tout programmer, tout contrôler: c’est le moins que nous puissions dire.

Là est notre ignorance devant notre monde...

J @ 2008-12-23 22:10:14

... poil en trombe.

C’est pour rimer avec votre zoli texte espérance qu’il est zoli votre texte et que il suinte l’amour et la paix pour les zens de bonne volonté, c’est le moins que je suis puisse dire!

Je me demande ce que je préfère dans le fond, un technocrate sans coeur ou un coeur sans raison ; aussi dangereux les uns que les autres... :(

Valery DJONDO @ 2012-06-12 17:31:33

RT @crouzet: Une brève histoire de l%u2019informatique http://t.co/fn76zvcj

djondo @ 2012-06-12 19:59:30

Peut être est-ce qu’il n’y a rien d’immatériel dans ce monde ?

Nos pensées sont des états électriques et chimiques éventuellement uniques à un moment donné dans un monde soumis à un équilibre entre organisation et chaos. Le chaos apporte la touche unique, l’organisation apporte l’élément reproductible et le système croit à l’intérieur de possibilités comme un crystal de sel ou de sucre.

A l’intérieur d’un système agressif (espace froid ou brulant) la vie ne devait apparaître que dans des conditions particulières qui conditionnent notre mode de pensée: chaud & humide.

Nous, les humains sommes pour l’instant l’espèce qui a su le mieux gérer cet équilibre entre création et reproduction ce qui nous a permis de nous imposer comme organisme.

Tout être inadapté meurt socialement ou physiquement.

Nous, les humains sommes peut être les neurones de ce monde: nous nous interconnectons comme eux. Comme de folles pensées nous avons des visionnaires, des dictateurs (mauvaises idées) et des simpliste (comme Sarkosy).

Il n’y a pas d’âme dans ce système, sauf à espérer que quelqu’un enregistre notre système et le transposerais sur d’autre plans.

Visibilité
Newsletters Me soutenir