Thierry CROUZET

Le monde comme représentation

Tout ce dont je vais parler plus loin doit être pris du point de vue psychologique. Nous pouvons avoir une vision pyramidale du monde, nous le représentant comme un organigramme ; tout comme nous pouvons nous le représenter comme un réseau (entendu comme décentralisé et distribué).

Rien n’empêche de combiner ces deux visions, et peut-être d’autres, mais ces jeux avec les représentations ne me paraissent possibles qu’après une prise de conscience encore loin d’être universelle.

Quant au monde en soi, il est ce qu’il est, un mix de ces possibilités, et sans doute de bien d’autres choses qui nous restent à découvrir et que nous ne découvrirons peut-être jamais faute d’une intelligence suffisante. Quoi qu’il en soit, je pense que nous ne pouvons pas nous empêcher de nous représenter le monde. Certains psychologues et neurologues définissent d’ailleurs la conscience comme cette capacité de se représenter la réalité.

Le monde comme pyramide

C’est, je suppose, la représentation la plus répandue. J’ai mis longtemps à m’en défaire. Quand je l’ai rejetée, je n’avais rien d’autre pour la remplacer. Je savais qu’elle ne me convenait pas, qu’elle ne correspondait pas au monde que j’observais, mais je n’avais rien d’autre à lui substituer.

Quand j’ai commencé à travailler, j’avais en tête cette idée de la pyramide. Je me retrouvais rangé dans une case d’un organigramme. Et naturellement j’ai eu envie d’escalader cette structure. La plupart d’entre nous se laissent tenter par ce désir de croissance. Nous le poursuivons jusqu’à atteindre notre niveau d’incompétence.

Cette croissance sociale est consubstantielle de la pyramide. Une fois qu’on est bloqué vers le haut, on tente souvent de se rassurer en élargissant la pyramide au-dessous de nous. Il faut plus de gens dans la structure pour que presque tous les membres de la structure se sentent grandir. C’est ainsi que se produit la croissance économique, elle aussi consubstantielle de la pyramide.

Il n’est pas surprenant que nos gouvernants, enfants de la pyramide, militent presque systématiquement pour plus d’enfants par femme. Ils veulent plus de gens en dessous-deux. Cette volonté d’accroître à tout prix le nombre d’humains m’a toujours choqué. Elle découle elle aussi du désir de croissance inévitable dans une pyramide.

Tout en bas, des gens se trouvent écrasés par la structure qui les domine. Ils n’ont aucun espoir. Mais pour la plupart des autres, la pyramide a l’avantage de la clarté. Elle indique le chemin à suivre. Tu montes. Tu jalouses ceux qui sont plus haut. Tu désires ce qu’ils possèdent. Pyramide et consumérisme se confondent de même qu’individualisme. Tu es seul dans ta case de l’organigramme. Et quand tu montes, tu prends la place de quelqu’un d’autre. Soit tu le pousses vers le haut, sois tu le rabaisses. La pyramide implique des batailles sans fin.

Comme la lutte est âpre, chacun tente de sécuriser sa position. Ça entraîne des lourdeurs, des blocages, ça freine le développement de la croissance, à tel point que les pyramides finissent toujours par succomber sous leur propre poids (les grandes entreprises ne durent jamais très longtemps). Ce mécanisme d’autorégulation évite que le système pyramidal ne s’emballe. Mais entre temps, chacune de ses composantes consomment sans compter dans l’unique but d’atteindre le sommet.

Quand il s’agit de se parler, les membres de l’organigramme ne parlent qu’à leurs subordonnés ou à leurs supérieurs directs. S’ils court-circuitent les niveaux hiérarchiques, ils mettent en danger des positions solidement sécurisés, ce qui entraîne la répression. La liberté n’est pas encouragée dans la pyramide.

Dans ce monde, il n’y a pas de place pour l’homme. Il n’est qu’un rouage de quelque chose qui le dépasse. Il se rassure en regardant vers le sommet, très loin de lui, il attend un signe, une bénédiction.

Le monde comme réseau

Quand, au contraire, on voit devant soi un réseau on n’a personne vers qui se retourner. Je conçois que c’est flippant. Pas de haut, pas de bas, pas de centre. Vers où aller ? Il n’y a pas de chemin tout tracé et c’est à chacun de trouver sa propre voie.

La seule croissance envisageable, c’est celle du nombre de liens qui nous relient aux autres. L’ascension sociale dans un réseau revient à accroître la taille du réseau en lui ajoutant des interconnexions.

Alors que dans une pyramide, la croissance est matérielle, il faut que la pyramide grandisse physiquement, dans un réseau, elle est qualitative. Quand je noue une nouvelle relation avec quelqu’un, je ne suis pas dans le matériel. La croissance d’un réseau est en large part immatérielle, donc compatible avec un monde physiquement limité.

Rien n’empêche qu’au cœur du réseau subsistent de petites pyramides, des entreprises familiales par exemple. Elles peuvent s’y maintenir car aucun gros monstre n’a le désir de les avaler. La croissance n’étant plus une obsession, chacun peut se trouver le régime existentiel qui lui convient le mieux.

On ne le découvre qu’après une initiation. Ça peut paraître élitiste mais je crois que c’est tout simplement plus humain. La case où nous allons vivre n’existe pas avant notre naissance, elle n’existe d’autant moins que le monde change de plus en plus vite et qu’il se réinvente sans cesse. Dans un réseau, l’éducation est le maître mot.

Quand vous voyez quelqu’un au centre d’un hub, vous ne pouvez pas prendre sa place. Vous pouvez tenter de construire un réseau aussi vaste que le sien, mais son réseau lui appartient en propre, c’est sa vie.

Vous pouvez tenter de briser sa réputation, de casser ses liens, mais vous ne les récupérez pas pour autant. Les mécanismes sociaux ne sont plus les mêmes que dans une pyramide. Il existe sans aucun doute des comportements types, mais à coup sûr nous les avons pas encore tous identifiés.

Cette vie dans le réseau n’est pas plus idyllique que dans la pyramide. Elle prend simplement en compte l’augmentation vertigineuse de la complexité et de la population en même temps que la finitude du monde physique. Ces contraintes impliquent une autre vie. Une vie d’une certaine façon plus sociale, moins individualiste, car il s’agit de se lier les uns aux autres.

phyrezo @ 2009-03-09 12:24:54

T’as vu la nouvelle sortie de Wolfram

apres avoir voulu revolutionner la science, il veut concurrencer Google. Bonne chance. j’ai peur que ça fasse flop encore une fois. Dommage parce j’aime bien les idées de ce gars

X @ 2009-03-09 12:33:08

Dans ton topo il faut surtout mettre l’accent sur la modification des objectifs sociaux et psychologiques d’une vie.

En clair: qu’est-ce qu’une vie réussie ?

L’enjeu est là. Les structures seront ce que les hommes en feront, au service de leurs objectifs de vie.

L’enjeu c’est celui de remplacer la quête de l’avoir par la quête de l’être.

http://www.youtube.com/watch?v=exHujcTPhok

"Avant je croyais qu’il fallait changer la société, et que l’individu changerait.

Maintenant j’en suis moins sûr. Je crois qu’il faut changer l’individu, et que c’est lui qui changera la société".

Jean-Louis Trintignant

Thierry Crouzet @ 2009-03-09 12:38:30

C’est exactement ça. Pour moi le monde a déjà changé pour peu que nous changions notre représentation. La révolution est en nous.

Un passant @ 2009-03-10 21:57:07

http://www.lepoint.fr/actualites-politique/info-lepoint-fr-europeennes-le-blogueur-versac-conseille-l-ump/917/0/324248

Quand on voit versac mettre le réseau social au service de l’UMP,

et Nicolas Voisin mettre le réseau social au service du Modem,

on se dit que le monde nouveau il n’est pas pour demain.

Ces pseudos avant-gardistes de la blogosphère, ne savent rien faire de mieux que de lécher le cul des partis politiques pour une poignée d’euro,

et ils travestissent tout l’universalisme du réseau social pour en faire un outil partisan;

Chacun s’agglutine maintenant autour de sous-facebook encartés et sectaires.

C’est vraiment minable.

On manque de Léo Ferré aujourd’hui, des vrais libertaires, et pas des marketeux qui vendent l’âme du réseau social pour du fric.

Thierry Crouzet @ 2009-03-10 22:07:46

Tout ça est sans importance... heureusement. J’ai dit à Nicolas ce que je pensais. La monétisation passe par la centralisation. Elle est incompatible avec mes idées.

Henri A @ 2009-03-10 22:34:46

Pour versac, c’était écrit sur sa face.

Un passant @ 2009-03-10 22:58:04

Le réseau social est devenu le nouvel avatar du totalitarisme.

Un seul objectif: agglutiner, faire masse, servir le Parti ou Jesus, multiplier les petits pains.

La voix discordante finit par se perdre dans une masse de voix excitées à parler sans fin jusqu’à ce que plus rien ne signifie rien.

Passant @ 2009-03-10 23:14:29

Un petit dernier pour la route, bien marrant:

http://reseaudespirates.org/content/qui-sommes-nous

"Nicolas Voisin

PDG de 22mars SAS"

Le mec, il lance "le réseau des pirates", mais il ne peut pas s’empêcher de mettre son titre : "PDG" !

J’adore l’idée que chacun devienne patron, surtout son propre patron.

Mais l’entrepreneur ou l’artisan : pas le "PDG".

"PDG" c’est vraiment le titre dans ce qu’il a de plus grotesque: le calife, le monstre autoritaro-administratif-assoiffé de fric.

"Président-Directeur-Général"...

Que Nicolas Voisin s’autoqualifie en permanence de "Président Directeur Général" montre assez son horizon, entre narcissisme, revanche social, et soif de fric : devenir Calife.

Très ancien monde, ça.

N’importe quel mec ayant une âme sensible poufferait du titre de "PDG" et ne s’en parerait pas.

"Entrepreneur" suffit et est très bien, marquant le dynamisme plus que la domination du subalterne.

Voisin est vraiment grotesque.

esperance @ 2009-03-11 14:30:33

Merci à Thierry Crouzet de clarifier le monde en réseau en perspective avec le monde pyramidale de nos sociétés.

Le monde en réseau est porteur d’avenir pour autant qu’il soit un espace de Liberté. Le danger est qu’il soit mis en place pour des organismes spécialisés dans le but de servir telle ou telle politique. Ainsi va le hic de notre monde moderne.

Le monde en réseau est l’Avenir si tout le monde joue le jeu des principes qui le régit à savoir: Liberté, Fraternité, Même Pied d’Egalité, Générosité, Entre-

Aide, Limpidité et Elans du Coeur. Principes allant dans la direction de l’Amour Pur et de la Voie Spirituelle.

Lame Spirale @ 2009-03-11 21:20:56

Salut Thierry Crouzet,

Je passe pour la première fois ici et je trouve cet article très intéressant.

J’aime bien les théories et mon avis diverge un tantinet sur l

Thierry Crouzet @ 2009-03-11 21:47:57

On va pas allé loin avec ça :-) Explique-toi.

NV/versac @ 2009-03-16 09:32:06

Ils sont sympa tes trolls : "Pour versac, c’était écrit sur sa face.". C’est marrant que tu réagisses pas sur les sous-entendus que portent ce type de phrases.

Vive le réseau. Hasta la revolucion.

Thierry Crouzet @ 2009-03-16 09:51:04

Je laisse ici les gens s’exprimer et je censure très rarement, pas même Demian West. Comme je te l’ai dit une fois, quand j’en prends plein la gueule, aussi fréquemment que toi, je laisse pisser. Voisin lui aussi a été critiqué et bien d’autres... c’est la vie de toute personne qui montre publiquement le bout de son nez.

Perso, je cherche le fond de vérité dans ces critiques, elles m’aident parfois à grandir. Et quand il leur arrive de me faire bouillir, j’explose, je lâche un billet incendiaire. Ça n’arrange rien mais ça fait du bien. Et basta.

No comment @ 2009-03-16 15:58:23

"sur les sous-entendus"

No comment sur les sous-entendus du concept de "troll", qui sert d’alibi pour effacer tout ce qui dérange.

Si Sarkozy adoptait ce concept de troll que vous chérissez tant, 70% des médias français et 95% des blogs de la république des blogs seraient supprimés de la circulation.

Parce que Sarkozy s’en prend largement plus sur la gueule, tous les jours, que versac et Nicolas Voisin.

La différence c’est que Sarkozy accepte bien davantage la critique, et n’annonce pas qu’il quitte la politique parce que des Internautes l’ont critiqué.

Aucun respect pour les petits censeurs qui sortent le concept de troll à tout bout de champ parce qu’ils n’acceptent pas la remise en cause.

Henri A @ 2009-03-16 18:35:46

A L’anonyme :

[“Pour versac, c’était écrit sur sa face.”. C’est marrant que tu réagisses pas sur les sous-entendus que portent ce type de phrases.]

Quel genre de sous-entendus peut bien porter ce type de phrase que j’ai utilisé ?

Si on prends "face" comme "visage", "faciès" cela sous entends que l’un a un faciès type de quelqu’un qui pourrait travailler pour l’UMP et que l’autre à un faciès de quelqu’un qui ne laisse pas deviner qu’il pourrait être PDG de quelque chose.

C’est peut-être un sous-sous-entendu ; ethnique ? Religieux ? Social ?

J’ai peut-être utilisé le mot "face" comme le font les racailles, "sa face" -> "sa pomme". Un façon de parler, ce que l’on dit ou écrit ?

Peut-être que je voulais dire tout simplement que cela ne m’étonnait pas un millième de seconde de sa part ?

Mon avis est tellement important, je devrais faire gaffe !

Troll @ 2009-03-16 19:03:16

Henri, tu seras privé de partenariat blogosphérique avec Michel Barnier.

Quand je vois la photo du nouveau maître de versac, avec sa petite rosette à la boutonnière:

http://www.jeune-garde87.org/wp-content/gallery/photo-personnalite-national/barnier.jpg

je reprends deux fois du Léo Ferré:

"ce cri qui n’a pas la rosette":

http://www.youtube.com/watch?v=cIdr5d9_I_k

madoo @ 2009-06-07 14:22:43

Je viens ici pour la première fois via le blog d’ Olympe. Très belle découverte. Vision intéressante et instructive. Bonne continuation :)

betapolitique.fr @ 2009-06-09 16:37:20

Le monde comme représentation : Tout ce dont je vais parler plus loin doit être pris du point de vue psychologiq.. http://tinyurl.com/nsbewm

Bruno Généré @ 2009-06-09 20:57:05

Cher Monsieur l’expert de rien.

Le titre de votre billet "Le monde comme représentation" a attiré mon attention car je dévore actuellement les 6 tomes de Cornélius Castoriadis intitulés "Les carrefours du labyrinthe" et publiés au SEUIL de 1978 à 1999.

Evidement le contenu de votre article n’a rien à voir avec "Le monde comme représentation" tel qu’expliqué par Castoriadis, à savoir et pour faire court, le monde n’existe que par la représentation que l’homme s’en fait, et dans cette phrase il faut entendre que le monde sans l’homme n’existerai pas (n’aurait pas de forme). Je vous conseille de lire ce philosophe, il est d’une aide précieuse pour comprendre le monde social/historique qui nous entoure.

Cordialement

Thierry Crouzet @ 2009-06-09 21:15:38

Merci pour le conseil de lecture... je faisais référence à Schopenhauer.

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