Thierry CROUZET
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L'économie des flux

Dans un monde de flux où les biens s’écoulent, l’ancienne économie de la rareté de l’offre associée à la rareté de l’argent ne peut plus survivre. Sans doute faudra-t-il basculer vers un système financier où chacun pourra émettre de la monnaie et devenir banque centrale. Mais avant d’envisager cette entrée dans le flux de la finance, je voudrais inventorier les différentes modalités de rétribution adaptées aux flux, certaines incompatibles, d’autres complémentaires. 1. Proposer comme aujourd’hui les produits à un prix fixe, souvent élevé, plus de dix euros, est contre productif car on empêche le flux de s’écouler et, dans l’économie des flux, l’immobilisme équivaut à la mort. La pratique tarifaire actuelle a pour avantage de nous maintenir dans un monde connu et de ralentir l’avènement du monde des flux mais elle favorise le piratage. J’insiste sur ce point. Le piratage est inéluctable et sera de plus en plus facilité en même temps que les flux deviendront la norme (simple de copier une information qui passe à travers notre ordinateur). 2. Les revenus annexes : publicité, affiliation, merchandising, spectacles, conférences… compléteront la rémunération des créateurs comme ils le font déjà. Rien de nouveau de ce côté-là. Mais je ne vois pas pourquoi un écrivain devrait se transformer en pingouin pour continuer à écrire ses livres. Bientôt je vais vendre des t-shirts « Je connecte en propulsant, je propulse en connectant. » 3. Le micropaiement, 1 euro par œuvre par exemple, a pour avantage de rabaisser le ticket d’entrée à un prix psychologique très bas. Malheureusement 1 euro est souvent plus qu’insuffisant pour rentabiliser une œuvre, même quand beaucoup de gens paient. Dans beaucoup de cas, le micropaiement ne peut être qu’une mesure complémentaire. D’autre part, si tout le monde met un ticket d’entrée à 1 euro (imaginez lire ce billet pour 1 euro), Internet devient soudain payant et le monde des flux se tarie par feedback négatif, ce qui revient à tuer Internet. Enfin, un ticket d’entrée faible n’arrête pas le piratage, il ne fait que le rendre moins utile pour les gens normalement fortunés. 4. La licence globale est une sorte de taxe que tous les abonnés Internet paieraient, une redevance télévisée bis. Je suis farouchement contre car où va l’argent récolté ? Comment sera-t-il distribué ? Les copains des copains seront toujours servis les premiers comme cela se pratique dans le monde du théâtre (et logique que nombre de politiciens clientélistes soient favorables à cette mesure). Il y aura un comité de redistribution. Pourquoi est-ce qu’avec mon blog je recevrais plus ou moins qu’un autre blogueur ? Faudra-t-il être reconnu créateur pour recevoir ? Par qui ? Selon quels critères ? Cette approche va à l’encontre de la responsabilisation des gens et, comme le micropaiement, elle reste une source de financement insuffisante à moins de doubler le prix des abonnements (je dépense chaque mois plus en livres qu’en FAI). 5. Avec le mécénat global ou SARD, les internautes sont obligés de donner mais ils votent pour répartir leur dons selon une logique de digg. J’aime l’idée. Je la préfère de loin à la licence globale. Mais elle me fait un peu peur (voir notes). Par ailleurs, les sommes récoltées seront là encore insuffisantes à moins d’une lourde augmentation des abonnements. 6. On peut imaginer une autre forme de mécénat global où on est obligé de donner mais où on choisit explicitement à qui on donne. Je préfère de loin cette méthode plutôt formatrice. Je pourrais donner aux créateurs que j’admire pas à ceux que le « peuple admire le plus ». Danger, nous risquons de donner à nos amis. Sans doute faudrait-il trouver un compromis entre cette approche et celle actuelle du SARD (voir notes). 7. Le tout gratuit implique le don volontaire, donc un changement des mentalités. J’aime cette idée car elle fait reposer la création sur la seule responsabilité des gens. Ils donnent quand ils le veulent la somme qu’ils veulent aux créateurs qu’ils admirent. S’ils cessent de donner, plus d’œuvre. Favorisé par une certaine transparence (savoir combien un artiste a déjà reçu), un mécanisme de régulation devrait se mettre en place. En basculant dans un monde de flux, un monde de moins en moins matérialiste, les gens devraient être prêts à donner pour les choses qui seront le plus importantes dans leur vie. Comme toute révolution psychologique, ce basculement des mentalités ne peut pas s’effectuer du jour au lendemain. Toutefois, aussi improbable qu’elle paraisse, cette logique du don régit déjà notre monde. C’est ce qui me rend optimiste. Ne vivez-vous pas du don ? Que faites-vous quand vous empruntez de l’argent à la banque ? Vous recevez un don en échange d’une promesse de remboursement. Que font les banques et les États, ils empruntent pour rembourser leurs dettes. La chaîne de Ponzi n’est autre qu’une chaîne du don.

En résumé, nous entrevoyons aujourd’hui trois formes de rémunération qui pourraient se compléter pour remplacer le modèle actuel du prix de vente.

  1. Micropaiement à la discrétion de l’auteur/distributeur et en aucun cas une modalité à généraliser.
  2. Mécénat global juridiquement imposés par les gouvernements (et indépendant du micropaiement).
  3. Plateforme de don direct ultra-simplifiée en même temps qu’une sensibilisation à cette nouvelle logique (ce que ferait déjà le mécénat global).

Est-ce ainsi que nous sortirons du monde de la rareté, du monde des happy few, et entrerons dans le monde des flux ? Sans doute que nous n’avons pas encore eu les bonnes idées.

Note sur le SARD

  1. La version dure du mécénat global passe par l’État qui nous imposerait le don d’une somme forfaitaire.
  2. Je suis pessimiste quant à cette idée. Il faut une loi pour favoriser l’auto-organisation de la rémunération. Mais je vois mal l’État passer des lois qui le désengage, c’est contre la logique étatique. Si l’État passait des lois pour pousser le système à fonctionner sans l’État se serait une révolution extraordinaire (surtout hors du monde de la finance). J’ai peur que ce ne soit pas demain la veille. Les gouvernants aiment trop le pouvoir et pas assez les hommes.
  3. La version allégée du mécénat global, qui sera annoncée le 8 septembre, ne passe par l’État mais par un engagement volontaire des créateurs et des internautes. Nous pourrons ainsi tester le système mais je ne vois pas bien d’autres intérêts. Quelle différence avec le don direct ? Ok, ça nous évite juste de voir partout fleurir des boutons de dons mais, à la place, nous aurons des boutons de vote. Beaucoup de bruit pour rien à mon sens.
  4. Qui dit vote, dit populisme. Les productions grossières de TF1 récolteront tous les revenus. Je n’ai aucune envie que mon don aille à des œuvres que je ne respecte pas. Je suis totalement opposé à se système s’il n’est pas contrebalancé (même critique qu’à notre démocratie).
  5. Au vote positif (+1), il faut ajouter un vote de censure (-1). Je veux que mon don n’aille pas nominativement à tel ou tel artiste, à tel groupe d’artistes (les racistes), à telle liste compilée par des tierces parties auxquelles je fais confiance… Je veux par exemple pouvoir donner tout aux écrivains et rien aux musiciens.
  6. Je veux aussi que le système soit totalement transparent. Je veux savoir combien les artistes ont déjà reçu et arrêter de leur donner quand j’estime que c’est suffisant. Je veux pouvoir mettre des barrières. À Partir d’un certain seuil en euro, mon argent va ailleurs. Et si c’était ça le véritable socialisme ?
  7. Dans le cas de la version dure du mécénat global, il faut empêcher le choix explicite du bénéficiaire d’un don. Sinon j’aurais la possibilité de cibler un ami qui pourrait me donner en retour, ce qui reviendrait à passer outre l’obligation. Je ne peux donc qu’exclure ceux à qui je ne veux pas donner.
  8. En revanche, je dois pouvoir choisir dans quelle zone de la longue traîne des votes mon don se répartira. Je peux ainsi décider de financer la création underground.
  9. Reste que tout cela est bien compliqué alors qu’il s’agit avant tout d’une révolution psychologique à effectuer. Tous ces artifices techniques ne font-ils pas que nous détourner de notre objectif ? Mieux vaut passer son temps à donner l’exemple et à expliquer qu’à mettre en place des usines à gaz.
Thierry Crouzet @ 2009-08-31 09:13:42

L’économie des flux http://is.gd/2J0MW Comment demain on gagnera sa vie!

Stéphanie Baudart @ 2009-08-31 09:40:07

A lire pour de nouvelles pistes de reflexion: L’économie des flux - http://bit.ly/rJWXb

e. s. @ 2009-08-31 09:42:20

L’économie des flux http://is.gd/2J0MW Comment demain on gagnera sa vie! RT @crouzet - Que tal um post a respeito, @sergioleo?

Dadinka @ 2009-08-31 10:15:43

@crouzet On se voit bientôt? Je n’ai pas du tout le temps, mais il faut qu’on reparle de ma plateforme de dons... http://is.gd/2J6w4

analienfeed\_ @ 2009-08-31 10:44:30

[from tempsfuturs] L’économie des flux: Passer de l’économie de la rareté à une ou plusieurs économies de l.. http://bit.ly/ledRL

Jean-David @ 2009-08-31 11:34:09

Merci pour ces pistes de réflexion. Je connais votre blog depuis peu et je me régale. Ça fait du bien de lire du contenu avec du souffle et de la vision.

000 @ 2009-08-31 12:17:35

3 : Pour l’idée de 1 euro, je disais bien que c’était un complément.

Les sommes ne sont pas négligeables, compte tenu du coût faible d’un fichier numérique.

Aujourd’hui la VOD commence à 3 euro. Quand la diffusion sera plus grande, arriver à 1 euro n’est pas impossible.

Quant à l’idée que tout le monde ferait tout payer, même les articles de blogs : encore faut-il trouver des clients.

Et si tout le monde fait tout payer, tout le monde reçoit un peu, et a les moyens d’acheter autre chose.

C’est au fond le principe de l’économie : on paye et on est payé en fonction de ce que l’on crée et de ce que l’on consomme.

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4 : je suis d’accord sur l’injustice des systèmes de répartition des fonds publics, taxes, redevances etc.

Les copains des distributeurs de taxes sont favorisés.

Pour autant, ce système a un effet créatif, en complément d’autres systèmes.

Une bonne part de la production ciné en France a bénéficié de ce système de redistribution, avec le CNC en redistributeur.

Tout système peut favoriser les copains.

Le système du PageRank favorise les chaînes entre copains, est détourné de son objectivité.

Les réseaux favorisent aussi les copinages : on recommande un copain, au lieu de recommander le meilleur objectivement.

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5 : le système de vote populaire peut être un complément, mais pas un modèle plein.

On sait que la masse favorise la merde : TF1, Mc Donald, Star Academy... (comme tu le rappelles à la fin)

On ne peut pas laisser la masse décider de la totalité du financement de l’art.

Toute l’histoire de l’art repose sur l’action des élites minoritaires, plus cultivées que la masse.

J. hurlera, mais c’est comme ça.

Vote populaire et création artistique de haut niveau, ça fonctionne mal ensemble.

Je préfère encore le CNC, avec ses parti-pris et ses copinages, reposant sur une conception plus artistique que les choix de la masse.

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7 : "la seule responsabilité des gens"

Danger encore d’un idéal égalitaire de tous les hommes.

Je fais une différence entre les choix du CNC, et le goût spontané de la masse qui finance les merdes.

L’art et la culture ne sont pas égalitaires : il faut déjà une bonne formation pour orienter le financement vers le plus créatif et original, et pas vers la soupe.

Thierry Crouzet @ 2009-08-31 12:37:09

Le piratage c’est comme respirer sur internet. Tu peux pas comparer au port d’armes. Tu pirates comme tu respires parce que pirater est bon à l’écosystème et moralement sans conséquence si tu es favorable aux nouveaux modes de rémunération des biens piratables.

Pirate = tueur dans dans l’ancienne logique pas dans la nouvelle.

000 @ 2009-08-31 12:42:34

"Reste que tout cela est bien compliqué"

Ton billet "compliqué" est ici bien plus juste et réaliste, que les autres billets qui sonnaient comme des slogans idéologiques : "tout gratuit" etc.

Quand je fais le troll dans mes commentaires, c’est justement pour qu’on arrive à ce genre de billets plus fournis, plus complets, moins idéologiquement simples, tenant mieux compte de la complexité du réel.

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Le plus grand danger qui menace la politique, c’est de chercher des solutions simplistes.

La réalité est complexe, et il n’y a pas une solution simpliste à tout.

Quand on se plonge dans le système de financement d’une oeuvre, un film par exemple, on voit bien qu’il n’y a pas un système simple suffisant à apporter tout l’argent nécessaire.

Thierry Crouzet @ 2009-08-31 12:45:12

Le mot pirate est utilisé par les gens de l’ancien monde.

Dans la nouvelle logique, je les appelle les propulseurs, ils ont un rôle capital car ils font circuler les oeuvres.

000 @ 2009-08-31 12:49:58

"ils ont un rôle capital"

Tu peux défendre cette idée, à la condition de la défendre en tant que telle.

Sans t’appuyer sur la fausse idée qu’il est impossible de faire baisser le piratage.

Personnellement, je suis à la croisée des chemins:

  • depuis que je suis sur Internet, j’essaie de partager au maximum ce qui me touche. Et je ne respecte pas la lettre du droit d’auteur.

Je diffuse des extraits, sans droits, etc.

  • en même temps je suis confronté au problème de l’économie de la création, et je suis contre le principe de l’abandon du droit d’auteur, quand je vois l’assèchement créatif que cela produit.

Il faut chercher des systèmes souples : favoriser un échange créatif, qui ne soit pas l’abandon de tout système payant.

Thierry Crouzet @ 2009-08-31 13:27:18

C’est pas le problème du payant ou pas mais de savoir comment on peut gagner de l’argent en produisant des contenues piratables. Si tu utilises le mot payant, ça veut dire qu’il faut payer avant de voir. C’est restrictif le modèle payant tout comme celui du tout gratuit.

Pierre-Alexandre Xavier [Temps Futurs] @ 2009-08-31 13:40:03

Merci pour ce billet, Thierry. Mais il y a un point sur lequel j’aimerais bien connaître votre avis et à défaut votre sentiment. Une économie des flux, ou pourquoi pas des économies des flux, font émerger une réalité à laquelle vous ne faite pas référence : l’exposition. Car s’il est possible dans un modèle flux/abondance pour n’importe qui de mettre en vente n’importe quel bien, il n’est pas évident que ce dernier soit visible et donc connu par n’importe qui d’autre. Tout dépend de l’exposition, et cette dernière dépend, aujourd’hui de l’assemblage opérateurs/moteurs/réseaux.

Il ne s’agit pas seulement d’une révolution des mentalités. Il s’agit aussi de faire évoluer la propriété des tuyaux et des outils de propulsion/connexion. Et là, on se heurte directement au capitalisme numérique. Non ? Pourquoi laisser penser qu’il s’agit d’une simple révolution des usages ? Sans contrôle réel sur les moyens de communication (qui sont aujourd’hui également des moyens de production et de diffusion), le projet d’une ou plusieurs économies de flux ne s’écroule-t-il pas ?

C’est une vraie question, dont j’ignore la réponse.

Philippe @ 2009-08-31 13:50:44

L’économie des flux http://is.gd/2J0MW Comment demain on gagnera sa vie! (via @crouzet)

Thierry Crouzet @ 2009-08-31 13:53:38

Va falloirq ue j’écrive un nouveau billet pour répondre à cette question ;-)

Philippe Axel (sur Facebook)

dire que l’on est farouchement contre la licence globale parcequ’on a peur de son mode de redistribution des copains vers les copains c’est tr... Lire la suiteès étonnant.Car si l’on s’en tient à la proposition de Contribution Creative telle que présentée par Philippe Aigrain dans son livre, une partie serait redistribuée par les sociétés de gestion collective comme la SACEM et l’autre partie abonderai dans un fonds d’aide aux productions futures comme c’est le cas à l’ADAMI par exemple.Donc quel changement par rapports aux licences collectives actuelles radio et télé ? Comment justifier cette parano ? On ne pourra faire que mieux qu’aujourd’hui.

C’est pas de la parano. C’est que je système actuel ne me plait pas du tout. Il est basé sur la dictature d’une élite médiocre (réponse au passage à 000).

Philippe Axel @ 2009-08-31 14:05:00

Dire que l’on est farouchement contre la licence globale parcequ’on a peur de son mode de redistribution des copains vers les copains c’est très étonnant.Car si l’on s’en tient à la proposition de Contribution Creative telle que présentée par Philippe Aigrain dans son livre, une partie serait redistribuée par les sociétés de gestion collective comme la SACEM et l’autre partie abonderai dans un fonds d’aide aux productions futures comme c’est le cas à l’ADAMI par exemple.Donc quel changement par rapports aux licences collectives actuelles radio et télé ? Comment justifier cette parano ? On ne pourra faire que mieux qu’aujourd’hui en terme d’assiette. En effet une redistribution de type SACEM sur le Net serait déjà une avancée ne serait-ce que par une prise en compte plus large des artistes qui ne passent pas à la radio ni à la télé.

Ensuite, il y a pas mal d’imprécisions dans votre texte. par exemple vous evoquez le mécénat global comme étant une solution qui "passerait par l’état". C’est faux, cette proposition s’accompagne de la création d’une SRD spécifique le 8 septembre prochain qui se propose de collecter et de redistribuer ensuite.Donc où est l’état là dedans ? expliquez moi ? Soyez plus précis dans vos recherches.

Enfin, en ce qui concerne le financement la question globale de l’économie des flux vous oubliez des options, lisez le dernier livre de Chris Anderson sur le sujet au lieu de critiquer le fait que sa maison d’édition française refuse de l’éditer en PDF gratuit.ce sera plus utile à votre réflexion assez médiocre sur ce sujet, excusez-moi, d’habitude j’aime bien vos articles mais là c’est à revoir complétement.

Thierry Crouzet @ 2009-08-31 14:23:23

Pour SARD et ses versions voir notes et note 3 en particulier dans le texte. Aussi ma réponse précédente. Je suis contre une SACEM du Net car ce serait un système régi par une élite autoproclamée. C’est le système de l’ancien monde non démocratique et où mon argent est géré par d’autres. Taxation à l’ancienne.

J’ai pas encore lu Free. Il arrive demain. Mais j’ai lu presque tout ce qu’Anderson écrit sur le sujet depuis trois ans. J’en apprendrai peut-être plus dans le livre.

Au passage je vous fais remarquer qu’une attaque contre l’homme ne fait avancer personne. Si je fais des erreurs mettez-les en évidence, ça me fera gagner du temps. Ne vous contentez pas de taper sans argumenter.

000 @ 2009-08-31 15:09:26

"la dictature d’une élite médiocre"

On peut très bien discuter de la valeur et composition de cette "élite" qui redistribue aux créateurs l’argent collectif.

Ce qui est sûr :

le vote populaire majoritaire n’est pas bon : il aboutit à TF1, la Star Academy, les daubes.

On peut à l’inverse discuter des choix du CNC par exemple.

Dans l’ensemble, le CNC favorise des films qui changent un peu des standards commerciaux américains.

C’est déjà pas mal.

Ce n’est pas parfait, mais c’est mieux que le vote populaire.

Quand on voit ce pour quoi le public vote en masse sur MySpace, par exemple, cela fait peur.

Cette irruption de la masse prenant la place des producteurs à l’ancienne, ce n’est pas un progrès.

On cite souvent le cas de la chanteuse Lorie, propulsée par Internet à ses débuts.

C’est ça l’avenir 2.0 de la création propulsée par le peuple ? Lorie ??

Ce que je n’aime pas dans l’idéologie 2.0, c’est qu’on met en avant "le bon peuple libre", contre "les élites pourries".

Ben désolé, mais ce "bon peuple libre" il propulse majoritairement de la merde.

Le plus gros succès des sites participatifs en France : LePost.fr

Au programme : chiens écrasés, Carla Bruni, Sarkozy, Rachida Dati, la nouvelle star...

Voilà ce que le peuple aime lire et ce qu’il propulse en tête de toutes les audiences 2.0

ça vous semble un progrès sur le système culturel de Malraux ?

Thierry Crouzet @ 2009-08-31 15:29:01

C’est pour ça que je suis contre la répartition directe par vote à la majorité. Je suis pour que chacun puisse paramétrer où va son argent/taxe. La techno permet de faire ça. Ceux qui paramètrent pas voient leur argent gérer comme aujourd’hui. Mais ceux qui veulent prendre en main les manettes peuvent orienter le flux.

000 @ 2009-08-31 15:51:06

"Je suis pour que chacun puisse paramétrer où va son argent/taxe"

ça revient un peu au même que le vote majoritaire.

Tu ne distribues que de faibles sommes vers les oeuvres de qualité.

La daube populaire amasse le plus gros paquet.

Le système culturel français n’est pas démocratique :

les sommes allouées par le CNC dépassent ce que les amateurs donneraient :

on ponctionne les recettes des gros films américains, et cela finance la petite création d’auteurs français.

Cela permet d’avoir des budgets plus importants pour les films d’auteurs, que si simplement chacun paramétrait où va son argent.

-

On ne peut pas justifier ce système quand on s’inscrit dans une perspective d’auto-gestion comme tu fais :

il faut dépasser l’auto-gestion, et admettre que parfois une minorité fait des choix politiques / artistiques pour une collectivité.

(Comme pour la peine de mort)

Il y a une dimension un peu dictatoriale là-dedans mais qui produit de bons effets : c’est le système du mécénat des princes (avec l’argent public) et celui du système culturel à la Malraux.

Thierry Crouzet @ 2009-08-31 16:45:11

L’auto-organisation au temps du numérique n’a rien a voir avec l’autogestion populiste qui tire vers le bas... j’espère. Ce qu’on constante, the long tail, c’est que des livres que plus personnes ne lisait sont à nouveau lu, sans qu’aucune élite n’intervienne mais juste le filtrage humain et la recommandation. Ce système peut participer à canaliser des fonds vers des œuvres plus originales. Si l’intelligence collective (à plusieurs fonctionne un peu), ça sera déjà mieux que les comités actuel. C’est une façon d’ouvrir les comités en fait. C’est peut-être ça la solution faire entrer les gens qui le veulent dans les organismes de décision.

Philippe Axel @ 2009-08-31 16:48:14

Il n’y a aucune attaque personnelle dans ma remarque, je dis que d’habitude je trouve vos articles intéressants, mais que celui-ci manque cruellement d’un vrai travail de fonds de votre part et que vous faites donc des erreurs.

"Je suis contre une SACEM du Net car ce serait un système régi par une élite autoproclamée."

Mais où avez-vous vu une telle proposition ? La seule proposition de licence globale actuellement est la Contribution Creative de Philippe Aigrain.Il ne propose pas de créer une nouvelle SACEM, mais une licence collective étendue créant un nouveau droit pour l’internaute: celui de diffuser et de partager des oeuvres librement dans le cadre non lucratif en échange d’une redevance gérée ensuite par les sociétés de gestion collective, les mêmes qui existent aujourd’hui.Le droit d’auteur est toujours une ressource indirecte collectée et redistribuée d’après les usages effectifs , souhaitez-vous la disparition de ce principe qui est celui du droit d’auteur ?

" C’est le système de l’ancien monde non démocratique et où mon argent est géré par d’autres. Taxation à l’ancienne."

Vous payez l’impôt sur le revenu , il est géré par d’autres, qui s’appellent les ministres.Etes-vous aussi pour la disparition complète de l’état et de tout ce qu’il finance ?

Enfin, vous animez ce blog qui est très fréquenté, êtes-vous vraiment contre le fait qu’il puisse être un jour rémunéré de la même manière par une part des connexions FAI ? Après-tout, vous contribuez aussi à l’intérêt d’un abonnement FAI non ? Alors pourquoi ne seriez-vous pas rémunéré ?

JeanneArgall @ 2009-08-31 17:40:35

[à lire] L’économie des flux de @crouzet http://bit.ly/1622fT

Marc D. @ 2009-08-31 18:03:11

Dans cette réflexion sur la rémunération des flux, il me semble que l’on part du principe d’un souhait de maximisation du gain par l’auteur.

N’est-ce pas cette conception de la rémunération qui est à revoir en premier lieu (sans doute un tantinet utopique). Non pas gagner le maximum mais en fonction de nos besoins.

Cela pourrait donner un lissage vers le bas du coût au fur et à mesure de l’augmentation de la popularité et pourquoi pas une rétribution des premiers acheteurs une fois un seuil plancher atteint.

000 @ 2009-08-31 18:19:12

@ Marc D

Personnellement quand j’ai avancé l’idée d’abaisser à 1 euro le prix d’une oeuvre numérique, on est au contraire dans une économie de la création, qui n’est pas celle de la maximalisation des revenus.

1 euro pour un film

1 euro pour un disque

1 euro pour un livre numérique

On peut décliner pour les formats courts :

-> dix centimes pour une chanson

-> 1 centime pour un article

Le tout complété :

  • par un développement du don volontaire

  • par du mécénat public (notamment pour le cinéma en raison des coûts)

  • et une redevance prélevée sur les fournisseurs d’accès, mais qui ne serait pas le système unique.

Thierry Crouzet @ 2009-08-31 18:19:26

@Marc Il ne peux y avoir maximisation des revenus que dans un monde de la rareté, le monde capitaliste actuel. Les flux n’étant pas rares mais au contraire innombrables et librement accessibles il s’agit pour les auteurs de récolter assez pour poursuivre leur travail. Plus personne n’estime nécessaire de devenir riche :-)

@Philippe "sociétés de gestion collective" c’est quoi sinon une nouvelle SACEM? Ou autre organisation de redistribution des taxes ?

Philippe Axel @ 2009-08-31 18:34:30

La proposition de Contribution Creative n’est pas accompagnée de la création d’une nouvelle Société de gestion collective mais de l’utilisation des sociétés existantes telles que la SACEM ou la SACD.Philippe Aigrain détaille aussi le mode de redistribution selon les usages réels d’après différentes sources : sondages, panels , etc. Vous savez qu’aujourd’hui pour la radio et la télé il y a encore des agents SACEM qui notent les diffusions pour qu’ensuite les rémunérations soient affectées ?

Seule la proposition de mécénat global s’accompagne de la création d’une nouvelle SRD qui sera créée symboliquement le 8 septembre.

En effet beaucoup critiquent la gestion de la SACEM et souhaitent au contraire de vous, qu’une autre société plus proche des auteurs indépendants soit créée. Car la SACEM aujourd’hui a pour ayants droits principaux les Majors du disque qui sont également éditeurs.

Même si l’on peut critiquer, et je ne suis pas le dernier, les méthodes de répartition des droits de la SACEM, il ne s’agit quand même pas d’une élite comme vous le dites qui attribuent de l’argent à leurs copains, soyez honnête.C’est un système de répartition selon les usages des oeuvres.

Enfin, vous pensez que la rémunération des auteurs par les maisons de disques est beaucoup plus claire et transparente ? Je n’en suis pas du tout surs.Car se sont elles qui calculent des pourcentages reversés selon des chiffres de vente qu’elles fournissent elles-mêmes et desquels elles retirent tout un tas de petites astérisques que vous n’avez pas lu en signant le contrat voyez-vous ;-)

Donc, laissez mettre les Majors en place leurs propres licences globales, qui s’appellent les "abonnements illimités", et laissez-les donc répartir les droits aux auteurs ...Vous pensez que ce sera beaucoup plus transparent qu’une société de gestion collective ? Et bien pas moi .

Thierry Crouzet @ 2009-08-31 18:54:22

L’usage des œuvres ? Mais comment mesurer l’usage des œuvres dans un monde de flux ? Par sondage ou tracking. ça n’a plus de sens. C’est cette approche qui ne tient plus. Cette répartition au prorata de la popularité et au copinage, non. Idem plus d’éditeur encaisseur puisque les dons peuvent aller directement aux auteurs : c’est eux qui devront reverser aux éditeurs :-)

La notion d’éditeur n’a même plus de sens. L’équipe de production se répartira les revenus selon la règle de répartition qu’ils auront définie (voir mes billets sur l’édition).

Sinon ce n’est pas parce que je suis contre l’approche licence globale que je suis du côté des éditeurs ;-)

Nous devons leur opposer des réponses qui se démarquent des leurs. Pas leur proposer de faire leur job actuel à leur place.

jean-lou bourgeon @ 2009-09-02 04:41:12

incontournable Crouzet sur l’économie des flux - http://bit.ly/1622fT - à RT

jeanlou bourgeon @ 2009-09-02 06:37:03

Mais bien sûr, telle est la "logique" de tout ça.

Merci, Thierry de nous ouvrir les yeux. Comme tant d’autres ça et là, tu nous éclaires sur des pistes potentielles.

Les institutions/élus sont lamentables sur ce coup. C’est à nois, citoyens, d’innover, de proposer, de tracer le sillon.

Ne parlons pas des syndicats professionnels, lobbies pestilentiels qui ne cherchent avidement qu’à renflouer leurs épais bas de laine.

Quel mépris ils affichent pour les auteurs. Quelle honte.

Dénonçons le SNE, La Société des gens de lettre, tous ces organismes inutiles, sclérosés, malfaisants.

Des Thierry Crouzet, des François Bon, des Hubert Guillaud, des Numérobook (Jean-François Gaillard), des Bruno Rives, : ce sot tous des catalyseurs qui mouillent leur maillot qui cogitent.

C’est la force et le pouvoir des blogs face à la presse people lamentable qui se meurt, qui creuse sa tombe, qui continue à noircir des pages, qui participa au grand enfumage télécommandé rue du Fbg St Honoré, c’est... pas croyable.

Le 10, grande messe Maison de la Chimie avec 2 ministres NKM et F Mitterrand. C’est le moment d’y être, pour que perdure notre combat, pour que nos actions, enfin débouchent sur du concret.

Que la presse meure, c’est elle qui le décide.

Que nos auteurs sont perpétuellement immolés: NON, c’est assez !

000 @ 2009-09-02 15:59:35

"tous ces organismes inutiles, sclérosés"

Commencez par construire quelque chose d’aussi utile que le CNC dans sa politique de soutien au cinéma d’auteur, ensuite on en reparlera.

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Le Web papote beaucoup, quand il faut commencer à construire collectivement, on en reste en tout et pour tout à Wikipedia, qui reste à peu près l’unique réussite collective 2.0

Quand le modèle économique n’existe pas, tout capote très vite.

"Cozop" se présentait comme un beau projet collectif pour valoriser les auteurs : ça s’est vite sclérosé et atrophié, parce qu’il n’y avait pas de modèle économique.

Sclérose pour sclérose, il y a loin de l’atrophie d’un Cozop à l’efficacité du CNC, pour valoriser la création.

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On verra si la femme de Thierry se lance dans un modèle d’édition d’un nouveau genre, si elle parvient à faire mieux que les "organismes inutiles" que vous dénoncez un peu vite.

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Il est certain que les structures qui fonctionnent sont lentes à se remettre en question et tardent trop à innover. Elles paraissent alors inutiles au regard des nouveautés.

Mais c’est bien parce qu’elles ont aussi trouvé une forme d’utilité et d’équilibre, qu’elles ont cette hésitation à se modifier.

C’est un peu le revers du succès.

Le CNC pourrait être plus avant-gardiste, bien sûr, mais en attendant il remplit un rôle important qu’aucune structure remplace dans le monde du 2.0

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