Thierry CROUZET
Manifesto
Manifesto

Blogging manifesto 1.0

  1. Notre manifeste ne pourra jamais être écrit. Nos tentatives, nécessairement infructueuses, n’ont pour but que de provoquer la conversation.- Nous ne défendrons notre liberté que si nous nous lions les uns aux autres et respectons des règles qui ont pour effet de fluidifier nos interactions.

  2. Nous sommes des citoyens comme les autres et ne demandons aucun statut spécifique. Nous voulons simplement exercer notre liberté d’expression.

  3. Nous exigeons que l’État ne favorise la liberté d’expression d’aucuns acteurs de la société.

  4. Nous évitons de faire prospérer les plates-formes centralisatrices, notamment propriétaires. Elles tentent d’accaparer tous les trafics pour qu’Internet ne se résume qu’à elles.

  5. Quand nous publions, nous linkons d’autres articles dès que c’est possible et nécessaire (les sources, les inspirations, les développements…).

  6. Nous publions chez nous, sur un site avec un nom de domaine qui lui est propre, en utilisant un logiciel Open Source.

  7. Quand nous n’avons rien à dire, nous ne publions pas. Nous ne reproduisons pas des articles écrits par d’autres.

  8. Nous nous centrons sur nous-mêmes pour mieux nous tendre vers les autres. Nous ne passons pas notre sur les réseaux sociaux mais les utilisons pour amener les lecteurs chez nous.

  9. Nous sommes des artisans de l’information, du divertissement, de la philosophie, de la littérature, de la science…

Commentaire point 1

Depuis dix ans, des manifestes ont été écrits, la Nétique par exemple. Aujourd’hui, il est peut-être plus urgent que jamais d’en proposer de nouveaux, d’essayer d’établir entre nous quelques grandes lignes de force. Il ne s’agit pas de les prendre comme des lois, mais de les utiliser comme point de réflexion sur notre activité.

Un manifeste du blogueur ne peut exister, car il n’existe pas un blogueur idéal. Un manifeste du fait de bloguer est peut-être plus général, mais il ne peut par principe convenir à tous. Je cherche juste à réfléchir sur quelques mécanismes qui pourraient nous aider à survivre.

Se poser cette question a un peu de sens au moment où les blogueurs sont de plus en plus souvent attaqués, ce qui me semble être la preuve qu’ils prennent de plus en plus de place dans l’espace médiatique.

Quand j’ai évoqué sur Twitter l’idée d’écrire un blogging manifesto, vous avez fait des suggestions, FrédéricLN a publié un premier essai, ma proposition se veut plutôt politique.

Commentaire point 2

J’attache une importance fondamentale à ma liberté, notamment ma liberté d’expression, mais il me semble que la blogosphère ne peut garantir cette liberté et survivre tout simplement que si elle adopte des règles comportementales fécondes pour elle…

La liberté absolue n’existe pas. Quelques règles simples peuvent maximiser notre liberté et non la réduire (c’est un des principes de l’auto-organisation). Comme dans tout système évolutif, les règles n’ont d’autres buts que de donner naissance à d’autres règles.

Commentaire point 3

Le blogueur est un citoyen qui s’exprime sur Internet. Il doit être protégé et contraint par les mêmes lois que les autres citoyens lorsqu’ils s’expriment ailleurs.

Si nous demandions un statut, nous nous désolidariserions des autres citoyens, nous créerions une classe des blogueurs officiels.

Un gouvernement pourrait être tenté de nous accoler un statut, nous devrons nous en défendre au nom d’une liberté d’expression égale pour tous.

Une fédération des blogueurs serait un non sens.

Commentaire point 4

Quand l’État subventionne la presse ou un autre média, il crée une inégalité par rapport à la liberté d’expression.

Dans une démocratie, aucune raison supérieure ne doit prévaloir sur la liberté d’expression. Si une entreprise de communication dépose le bilan, l’État ne doit pas la secourir, sinon il crée des inégalités par rapport à tous les citoyens qui ont pris la parole et ne reçoivent pas d’aide.

De même, juridiquement, un journaliste est mieux protégé qu’un citoyen. Un blogueur prend plus de risques quand il s’exprime qu’un journaliste. Ce dernier, couvert par son entreprise, ne risque en général par d’inculpation directe (sauf s’il est indépendant… ce qui le ramène au statut de citoyen). Cette inégalité juridique est une entrave à la libre application de la liberté d’expression.

On parlera alors de l’art subventionné… Il me semble que l’État doit subventionner les infrastructures qui servent potentiellement tous les citoyens et non se lancer dans le mécénat. Pas simple cette affaire.

Commentaire point 5

L’histoire de l’informatique se partage entre tentations centralisatrices, les mainframes, le cloud, et tentations décentralisatrices, Internet, le Web, les PC…

Un monde centralisé, c’est un monde avec des nœuds de pouvoir, des centres de puissance et, en dehors, des zones de moindre pouvoir et inévitablement de moindre liberté.

Ce manifeste s’adresse aux blogueurs qui ne défendent pas l’impérialisme, mais la liberté, en l’occurrence à ceux qui veulent défendre la décentralisation qui garantit l’égale liberté d’expression de tous.

Face aux forces centralisatrices (Google, YouTube, Rue89, Lepost… pour donner quelques exemples), nous devons opposer un réseau de grande densité et d’une grande richesse. Il doit être possible de naviguer dans ce réseau de blog en blog, indépendamment de toute force centralisatrice, notamment Google.

L’État qui subventionne des acteurs de ce monde, crée des nœuds de pouvoir, c’est un État inégalitaire, un État qui recherche tous les pouvoirs, c’est un État qui vire au totalitarisme.

Commentaire point 6

Nous disposons du pouvoir de créer des liens. Il ne s’agit pas de lier à tort et à travers, mais de lier quand c’est nécessaire pour que des routes partent de chez nous vers ailleurs. Nous avons un monde à créer. Le Web ce n’est que nous, que l’armature en fils de fer que nous construisons jour après jour. Tout ce qui est centré ressemble à un trou noir dans le Web. Une force destructrice. L’étoile noire de Star Wars.

Commentaire point 7

Publier sur une plateforme et ne pas être maître de son nom de domaine, c’est être attaché à un fournisseur, donc ne pas être libre. Si nous agissons ainsi, notre trafic et notre travail profitent à un tiers centralisateur qui en général ne nous rémunère même pas.

Quand on dispose d’un nom de domaine, notre site est mobile de serveur en serveur. Certes nous restons liés par ce nom, mais nous ne faisons pas prospérer d’énormes nœuds sur notre dos. C’est la solution qui aujourd’hui maximise notre liberté.

Commentaire point 8

Quand nous recopions un contenu découvert ailleurs, c’est comme quand une boutique Zara ouvre près de chez nous. Alors quand on voyage, on voit partout des boutiques Zara, on a l’impression de ne pas voyager.

La tour Eiffel est à Paris, le Parthénon à Athènes, le cirque Maxime à Rome. Ce n’est pas parce que nous pouvons dupliquer l’information que nous devons le faire systématiquement.

La duplication est une arme pour protéger une information fragile ou pour soudain pousser un grand cri de rage. Dupliquer tout et rien à tout moment uniformise le Web. Les médias se livrent à ce jeu et c’est ainsi qu’ils se tirent une balle dans le pied.

Notre réseau ne sera attirant que s’il est divers et original, non pas s’il se mime lui-même. Le lien est une arme plus puissante que la copie. Il pousse les internautes sur la route, donc à se confronter à l’altérité (alors que les approches centralisatrices cherchent à enfermer dans un cadre – même Google voudrait qu’on cesse de remonter les liens et qu’on ne passe plus que par lui).

Commentaire point 9

Les fameuses plateformes de partage, d’articles comme Lepost ou de vidéos comme youTube ou les réseaux sociaux, sont d’énormes nœuds de centralisation.

Lorsque nous y publions nos contenus, nous travaillons gratuitement pour ces marques tout en accroissant la force de gravité de ces trous noirs. Si par nos créations nous continuons à les alimenter, toute autre forme de vie sera bientôt impossible sur le Web. Nous reviendrons au Minitel.

Il ne s’agit pas de refuser le partage, mais de préférer le partage P2P au partage centralisateur dans lequel les entrepreneurs nous ont orientés depuis une dizaine d’années. Partager une vidéo sur Dailymotion, c’est faire gagner avant tout Dailymotion. C’est remplir le compte en banque de Dailymotion. C’est raser gratis.

Les solutions P2P ne sont pas nécessairement simples d’usage, surtout pour la vidéo. Si nous ne voulons pas nous embêter la vie avec elles, nous devons tout au moins être conscients de ce que nous faisons quand nous engraissons la bête.

Partager, ce n’est pas se lier avec une poignée d’acteurs par lesquels tous les partages s’effectuent. Il existe toujours une approche décentralisée à tous les problèmes techniques. Nous devons en être conscients. N’usons des services centraux que faute de mieux.

Commentaire point 10

Nous ne sommes pas en guerre contre les anciennes professions. Nombre d’entre nous les ont pratiquées ou les pratiquent encore. Le blogueur ne s’oppose pas au journaliste, l’un et l’autre peuvent sombrer avec la même facilité dans le populisme.

La différence, c’est que le blogueur parle en son nom, non pas en celui d’une entreprise ou d’une corporation. Le blogueur est à la fois seul et à la fois avec tous ceux avec qui il s’est lié. Le blogueur peut être amateur ou professionnel. Il reste artisan.

Il peut y avoir un blog d’entreprise mais pas de blogueur d’entreprise, il n’y a que des salariés dans ce cas.

Outil 1

Quel est le trafic général de la blogosphère ? Les sites pure-player annoncent leurs millions de visiteurs. Il nous serait assez facile d’avoir un chiffre de comparaison. Dans chacun de nos blogs, nous insérons un iframe invisible qui inclut la page d’accueil d’un site avec un outil de stat. Nous obtenons alors les statistiques globales de la blogosphère.

Outil 2

Les trackbacks ont été plus ou moins abandonnés, mais ils ont un grand intérêt. Les lecteurs d’un billet peuvent savoir les blogueurs qui ont écrit après coup. Il est ainsi possible de remonter dans le réseau. C’est un véritable outil de navigation alternatif, une façon d’explorer la blogosphère de proche en proche, aussi bien avec les liens entrants qu’avec les liens sortants. Il faudrait développer des plugins qui proposent cette fonction, qui postent par exemple des commentaires sous les billets pour chacun des liens entrants détecté.

Jean-Marie Gall @ 2010-01-29 13:53:43

Blogging manifesto 1.0 http://goo.gl/fb/Ehm4 blog tcrouzet.com #dialogue #blogs

Thierry Crouzet @ 2010-01-29 13:53:57

Blogging manifesto http://bit.ly/d1T7sx

S. Elamine @ 2010-01-29 14:07:04

Rt @crouzet Blogging manifesto http://bit.ly/d1T7sx

S. Elamine @ 2010-01-29 14:07:25

RT @crouzet Blogging manifesto http://bit.ly/d1T7sx

Iza @ 2010-01-29 15:53:02

Pour le point 4 : je réagis. Je comprends le sens dans lequel tu l’écris, mais reste tout de même la liberté d’expression de ceux qui justement n’ont pas beaucoup d’occasion de l’exercer.

Je viens de suivre les vidéos de Franck Lepage sur la culture et l’éduc pop http://ow.ly/11GCd et à un moment il dit un truc assez drôle sur nos métiers (en voie de disparition). L’école , c’est proposer strictement la même ligne de départ au lièvre et à la tortue. J’ajoute : L’éduc pop, ce serait apprendre aux tortues à cavaler, non ?

Tout ça pour dire que ça ne me choque pas que l’Etat favorise la liberté d’expression des tortues. La question est : de quelle façon ? en donnant plus de moyens aux actions qui permettent aux tortues d’avoir l’idée de s’exprimer, et d’en faire bon usage. L’école devrait être en première ligne, et tous les autres (assocs and co) devraient renforcer à fond. Cela existe t’il ? ben voilà, l’école et les assocs voient leurs moyens fondre comme neige au soleil.

Je sais que tu ne parlais pas de ça, mais ton point 4 rédigé tel que exclurait les actions éducatives qui précisément visent à renforcer, préserver, densifier la liberté d’expression (et l’exprit critique et le libre arbitre).

Pour le point 9 : et les plate formes alternatives ? c’est une solution pour les nuls en technique comme moi http://www.monflux.org/

Thierry Crouzet @ 2010-01-29 16:07:19

Je parlais bien sûr de quand l’État aide les lièvres… Et quand je dis que l’État doit donner le moyen à tous, c’est bien ça aussi, donner les moyens à ceux qui en manquent ou qui ont manqué de chance.

annick rivoire @ 2010-01-29 17:00:40

Bonjour

Un commentaire pour dire que sur poptronics (un média genre pure player mais si pure que ça), on en était venus à une conclusion pas si éloignée que ce manifeste des blogueurs (d’ailleurs on citait et linkait vers qqs papiers signés Crouzet, cf http://www.poptronics.fr/Poptronics-2010-less-is-more). Je ne pense pas toutefois que ce soit bien utile de stigmatiser les journalistes et de mettre de l’autre côté les blogueurs, la preuve, chez pop, on n’est pas vraiment blogueurs (site sous spip), et il n’y a pas que des journalistes. Et il n’y a pas d’un côté les bons et de l’autre les méchants, trop simple. En tout cas, je suis persuadée qu’il y a quelque chose à faire sur le net qui échappe aux vieilles méthodes corpo journalistiques ou de marché. Cherchons, cherchons…

Annick Rivoire, fondatrice de poptronics.fr

Thierry Crouzet @ 2010-01-29 17:20:50

J’ai pas l’impression de séparer blogueur et journaliste… Je dis qu’un blogueur parle en son nom. Un journaliste freelance peut faire de même.

Paille @ 2010-01-29 18:13:59

Blogging manifesto 1.0 http://bit.ly/cUwj2M

FrédéricLN @ 2010-01-29 18:51:25

Assez d’accord avec la plupart des points. Les commentaires des points 6 et 7 sont apparemment échangés, dans la 2ème partie du billet.

Mon préféré est le 3 "Nous sommes des citoyens comme les autres et ne demandons aucun statut spécifique. Nous voulons simplement exercer notre liberté d’expression."

Et merci pour le lien. J’ai laissé de côté le chantier mais pas oublié. En fait je pense prendre le parti inverse, faire une mini-règle du jeu pour blog, peut-être 5 règles, qui soient d’ordre factuel et non de l’ordre des objectifs. Donc : complémentaires ;-)

Thierry Crouzet @ 2010-01-29 18:59:22

J’ai corrigé…

C’est en fait ma façon de bloguer à moi.

Lionel Chollet @ 2010-01-29 21:44:11

Blogging Manifesto 1re règle: il n’y a pas de manifeste, que des citoyens. http://is.gd/7jCDx Crouzet est grand en ceci qu’il est comme nous

000 @ 2010-01-29 23:09:22

Pas mal du tout.

J’aime bien le 10, qui dépasse le cadre de l’information et du débat.

La blogosphère, dans sa partie visible médiatiquement (République des blogs, etc), a été beaucoup trop réduite à la sphère : militantisme, information politique, débat sur les questions du jour, commentaires de l’actualité.

Une hiérarchie héritée d’un ancien temps a faussé la valorisation des productions.

Comme si parler politique était plus noble que parler littérature, donnait un statut plus important, était plus sérieux.

N’importe qui ouvrant sa gueule sur un blog politique, sans rien connaître au sujet mais gueulant fort avec provocation, était rapidement cité dans différents médias.

En revanche, la sphère créatrice reste dans l’ombre.

Ce qui est intéressant dans la blogosphère, ce n’est pas versac. Il faut chercher et encourager les auteurs, alors qu’on cite trop les simples commentateurs de l’actualité.

Renversons les hiérarchies. Ramenons l’actualité politique à ce qu’elle est : peu de chose.

Cherchons à créer un contenu qui tienne la distance, qui ne soit pas périmé en 48 heures.

J @ 2010-01-29 23:30:16

’’Cherchons à créer un contenu qui tienne la distance, qui ne soit pas périmé en 48 heures.’’’

Vas y triple0politique, lance toi… :)

000 @ 2010-01-29 23:57:27

@ Nazareth

Tu es toujours là, toi ? :-)

J @ 2010-01-30 00:19:09

très peu…

sabineblanc @ 2010-01-30 12:13:45

Blogging manifesto http://bit.ly/d1T7sx /via @crouzet

orangemecanik @ 2010-01-31 15:59:32

Blogging manifesto 1.0 http://minu.me/1mqk via Le peuple des connecteurs

quim roig @ 2010-02-02 15:49:24

interessant: "Blogging manifesto 1.0" ( http://bit.ly/coTeCm )

rimbus @ 2010-02-09 01:01:26

Salut Thierry, je suis bien flatté d’être choisi comme référence par un Blogueur (avec un grand B).

Je n’ai rien à dire sur le point 1. Les autres points sont évidemment discutables. (désolé de réagir si tard, mais je suis en low-bloging en ce moment).

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