Thierry CROUZET
Les vers rongent Internet et vous ?
Les vers rongent Internet et vous ?

Les vers rongent Internet et vous ?

Ces petites bêtes ne s’attaquent pas qu’à la pomme, elles s’attaquent à tout ce qui pourrait contrecarrer les structures d’autorité et de domination. Il serait dangereux de croire qu’Internet est dorénavant hors de danger, que nous l’avons gagné, qu’il est un de nos droits inaliénables, que tous les hommes pourront un jour utiliser en toute liberté.

Tuyaux propriétaires

Les informations ne se propagent pas par magie. Elles empruntent les réseaux de fibres optiques, notamment les fameux backbones. Ces réseaux appartiennent à plusieurs centaines d’entreprises ou d’organisations gouvernementales.

Nous avons donc clairement une structure d’autorité qu’un processus de concentration pourrait renforcer. Pour le moment, la grande diversité des acteurs ne laisse pas présager une domination immédiate de cette infrastructure. Toutefois, il suffit d’observer n’importe quelle carte globale du réseau pour découvrir qu’il existe des zones qui peuvent être assez facilement coupées du monde.

Pour que nous nous appropriions cette structure d’autorité, il faudrait que chacun de nous participe à la structure physique du réseau, par exemple en interconnectant en P2P nos bornes Wifi. Cette approche peut marcher dans les villes, mais ce n’est pas ainsi que nous construirons un Internet alternatif et libre.

Pendant longtemps encore, nous sommes condamnés à communiquer à travers des tuyaux propriétaires. Tant qu’il y a concurrence entre ces tuyaux, tant qu’il y a de nombreux acteurs, nous ne sommes pas en danger de ce côté.

Providers privés

Avant d’atteindre les tuyaux, nous passons par les providers, peu nombreux et sous l’emprise directe des gouvernements. Contrôler un provider, c’est contrôler tous les gens qui se connectent à travers lui.

On voit bien que l’accès à Internet est un point névralgique. Idéalement nous devrions pouvoir nous connecter directement au réseau, en tout point, tout au moins à travers un grand nombre d’acteurs. La concentration en a voulu autrement, les gouvernements aussi.

Tant qu’on nous laisse l’accès, nous pouvons crypter nos données, utiliser des VPN, en gros aller n’importe où… mais cette liberté ne tient qu’à un fil. Profitons-en.

Serveurs racines

Ces serveurs de noms utilisés pour rooter les adresses Internet ont longtemps tous été situés aux États-Unis. Ils sont en train d’être déployés un peu partout, ce qui d’une certaine façon réduit la puissance d’une des structures d’autorité. Reste que le réseau dépend de ces points particuliers, des points qui sont contrôlables.

Partage centralisé

Aux structures d’autorités physiques, s’ajoutent des structures créées par les usagers eux-mêmes. Quand les internautes passent des heures sur facebook, quand ils y créent des contenus, ils appauvrissent le reste de l’écosystème, ils le condamnent à l’asphyxie. Quand cet autre Web, ce Web extérieur, sera mort, il sera trop tard pour dire merde à facebook.

Google joue le même jeu pervers. Il aime les liens mais pas trop de liens. Logique, Google voudrait que nous passions systématiquement par lui quand nous cherchons sur le Web. Google s’oppose aujourd’hui à la logique même du Web.

N’oublions pas que nous trouvons beaucoup plus vite des choses qui ont du sens pour nous en remontant les liens. C’est ainsi que nous devenons des nomades et faisons souvent des découvertes surprenantes.

Tous les sites qui parlent de partage, d’articles, de musiques, de vidéos, et reposent sur une architecture centralisée sont également des structures d’autorité. Ils ont tout pouvoir sur les contenus mis entre leurs mains. Ils peuvent les faire disparaître du jour au lendemain, censurer, favoriser, manipuler…

Encore une fois, tant qu’il y a assez de concurrence, on peut se sentir tranquille. Mais il y a de moins en moins de concurrence, de plus en plus d’hégémonie sur le Web. C’est paradoxalement le point le plus névralgique d’Internet alors qu’il est le seul à ne reposer sur aucun centre.

Le libéralisme total conduit à une domination totale par quelques acteurs.

Chacun des internautes compte sur les autres pour maintenir en vie le reste du Web pendant que lui-même utilise le service qui lui paraît le plus pratique, tant bien même ce service ne peut que se transformer in fine en nouvelle structure d’autorité et de domination. C’est un esclavage volontaire.

Est-ce que nous gagnons des libertés dans un domaine pour en perdre aussitôt dans un autre ? Ou est-ce qu’avec le Web nous avons gagné tant de nouvelles libertés que nous sommes incapables d’en jouir ? Alors nous nous restreignons nous-mêmes ? Je n’ai bien sûr pas de réponse, je me contente de m’inquiéter.

Si quelques acteurs dominent le Web au point d’écraser toutes autres activités, ces autres activités deviendront underground… et on appellera anarchistes, au mauvais sens du terme, les gens qui tenteront de préserver leur liberté.

Dans les systèmes politiques, quand il s’agit de prendre le pouvoir, nous voyons presque toujours deux forces se former et pratiquement atteindre un équilibre. C’est le 50/50 observé dans presque toutes les démocraties lors des élections nationales.

J’ai mon explication évolutive à ce phénomène. S’il y avait dix camps représentant chacun en gros 10 % de la population et qu’un seul l’emportait, il y aurait près de 90 % de perdants. Pour préserver l’idée d’opposition, tout le monde ne peut pas être d’accord, mais en maximisant les vainqueurs et minimisant les perdants, il est préférable d’avoir uniquement deux camps. C’est une situation à laquelle nous arrivons mécaniquement.

Mais ce n’est pas ce qui se produit dans une économie libérale comme Internet. Les gens n’ont pas l’impression de perdre quand ils se lient à un service. Ils peuvent tous en rejoindre un seul, créant une dictature sans en prendre conscience au début.

Alors il faut leur dire qu’il y a du danger, ce que je fais. Mais est-ce suffisant ? Non, on n’accepte le danger que quand on en sent la morsure alors qu’il est souvent trop tard.

Est-ce que ça veut dire qu’il faut des lois régulatrices sur me Web ? Non, mais à coup sûr une fantastique prise de conscience, une fantastique mobilisation. Internet tel que nous le connaissons n’est pas éternel.

I worry about my child and the Internet all the time, even though she’s too young to have logged on yet. Here’s what I worry about. I worry that 10 or 15 years from now, she will come to me and say ’Daddy, where were you when they took freedom of the press away from the Internet? écrivit Mike Godwin en 1996.

Cette inquiétude donna à l’époque l’idée de créer des réseaux comme Freenet. Aujourd’hui, 10 ou 15 ans plus tard, nous sommes encore libres. Peut-être alors ai-je tort de m’inquiéter. Mais ce n’est pas grave que ce soit pour rien. Et par ailleurs, c’est peut-être parce que nous ne cessons de nous inquiéter que nous empêchons le pire d’advenir.

Le pire est que tout en étant libres nous créons nous-mêmes les conditions de notre asservissement. Nous n’utilisons pas tous le même fournisseur d’emails. Pourquoi pour la recherche, les réseaux sociaux, le partage de vidéos… quelques centres nous attirent comme des mouches ?

Est-ce juste une lubie passagère ? Après tout facebook n’a pas empêché Twitter d’émerger. D’autres services surgiront. Je l’espère. Mais pour le moment je constate que facebook est une espèce de trou noir qui aspire les internautes et les captive avec autant de force que la TV.

Ma réponse. Utilisez facebook pour amener des gens chez vous. Utilisez facebook pour construire hors de facebook. N’y passez pas votre vie, n’y créez rien.

Reste cette question. La liberté totale tue-t-elle la concurrence ? Sans doute que oui dans une société où nous ne sommes pas suffisamment individués.

l’Ours @ 2010-02-12 13:32:55

On m’a récemment posé la question de savoir si un "blackout" aux USA mettrait en péril le réseau, j’ai répondu que "physiquement" non mais qu’on allait d’un coup manquer cruellement de contenu !

C’était déjà le souci en 1995 lorsque je me suis connecté, j’ai l’impression que les choses n’ont pas réellement changé. Mais nos politiques et décideurs sont-ils réellement conscients de cet état de fait ?

Encore une fois dans le mille, cher Monsieur Crouzet !

zoupic @ 2010-02-12 14:56:49

Pour facebook et google, c’est la loi du winner takes all, le premier arrivé arrache tout. C’était des déserts, ils sont arrivés, ils étaient gratuits, ils ont tout emporté. Twitter a pu naître car ils ne font pas exactement les mêmes services, les mêmes usages, la même cible.

Google, twitter et facebook sont gratuits et plus ou moins intègres. Le jour où ils déconnent, libre à chacun de se tirer ailleurs. La fluidité joue aussi ici.

Je comprends ta méfiance et tes craintes. Pour rééquilibrer le jeu, nous aurions besoins d’alternatives à armes égales. Ca n’existe pas aujourd’hui. Le côté jouer sur la peur... hmm.. pourquoi pas, mais il doit y avoir plus constructif.

Quand Windows n’a pas satisfait certaines personnes, elles ont commencé à codé une alternative. Y-a-t-il suffisemment de personnes insatisfaites de facebook? Qu’est-ce qui provoquerait une insatisfaction suffisante pour que je veuille me tirer ailleurs?

Thierry Crouzet @ 2010-02-12 15:13:34

Pour moi aucun rapport avec Windows.

Windows je l’avais chez moi et j’en faisais ce que je voulais. Je pouvais même pirater Windows. Je pouvais aussi booter ma machine sous Linux.

Tout cela était transparent.

Facebook c’est chez eux que tout se passe, c’est eux qui récupèrent tous le travail que tu fais… Idem pour tous les sites centralisateurs… Pourquoi tu as ouvert un blog en fait ? Tu peux très bien bloguer sur Facebook?

Le web est un espace d’expression. Si tout le monde s’exprime au même endroit, tout le monde est vulnérable. Si tout le monde utilisait WordPress pour ouvrir son blog, ça ne me poserait aucun problème.

Quand winer take all pour la liberté d’expression ça bugue.

zoupic @ 2010-02-12 15:26:09

Tu as raison Thierry, la pratique reste différente.

J’ai un blog comme j’ai un appartement, mon espace perso, libre. Pour cet espace, j’ai un référencement, un nom de domaine et c’est mon portail sur internet. J’utilise facebook comme le café, je suis sûr d’y trouver du monde pour échanger et parler de sujets communs. L’un n’empêche pas l’autre.

J’utilise owni comme j’utilise facebook, des moyens de diffuser et partager mes billets ailleurs que chez moi. Le but absolu n’est pas que les gens viennent chez moi, c’est qu’ils lisent le billet. C’est là que je place la valeur. Je leur donne un peu de mon contenu, ils me donnent un peu de leur technologie + réseau pour diffuser.

C’est la simplicité qui l’emporte. Facebook est bien plus facile que wordpress+hébergement+nom de domaine pour la plupart. Question de choix? Qu’est ce qui est important, l’outil ou l’usage qu’on en fait?

000 @ 2010-02-12 15:26:36

"insatisfaction"

L’insatisfaction c’est que tu es forcé de livrer toutes tes informations à un acteur unique qui commence à tout connaître sur tout le monde.

Ton raisonnement est débile. Avec ton raisonnement, pourquoi protester contre les fichiers policiers ?

Le fichier policier ne donne pas d’insatisfaction à la masse quand elle respecte le règlement.

Alors pourquoi protester contre Edwige, qui collectait moins d’infos que Facebook ?

Pourquoi protester contre les écoutes téléphoniques et les mouchards posés sur les PC, quand volontairement tu trouves normal que Facebook pose un mouchard sur toutes tes relations sociales et tous tes échanges, à un niveau très supérieur à ce que faisait un simple hébergeur de blog.

C’est du totalitarisme soft tant que tu respectes le règlement. C’est à dire que tu es obligé de respecter un règlement unique, d’une seule société.

Tu n’as pas envie de perdre le lien avec tous tes amis.

La destruction de la concurrence (achat des concurrents comme Friendfeed) détruit tes alternatives.

Le seul concurrent sera Google, qui est un autre système totalitaire qui sait déjà tout sur toi.

Les gens n’accepteraient pas que la police se renseigne sur eux en interrogeant la concierge et les voisins : Facebook et Google le font sans que personne proteste ?

En intelligence économique et dans le monde du renseignement, on sait bien que le seul fait de connaître le réseau social complet et les habitudes comportementales d’un homme le livre entre nos mains. Il devient très facile de le manipuler.

Thierry Crouzet @ 2010-02-12 15:33:47

La simplicité de l’esclavage... c’est de ça que tu parles zoupic... c’est si confortable d’être esclave. Un jour peut-être il n’y aura plus d’autres endroits pour discuter que facebook.

Quand tu publies chez toi, sur FB, sur Owni... c’est une bonne chose car tu décentralises... pense à tout ce que tu fais sur FB et que tu ne décentralises pas.

zoupic @ 2010-02-12 15:46:56

Je vous vois bien affolé, et je comprends, mais ça ne me fait pas beaucoup plus flippé que ça.

Les règles du jeu sont claires, si ça me fait chier, je me tire. Je suis captif d’un système beaucoup trop séduisant, comme vous dites. Le prix à payer? mes données? Je m’en tape? Ca me ferait chier si j’avais quelque chose à me reprocher, mais en l’occurence, je m’en fou. Je poste là bas quand j’ai envie de partager avec l’audience facebook, j’y mets des photos, des groupes, des événements pour faire bouger ce en quoi je crois. Facebook m’aide à booster les monnaies complémentaires. Je ne suis pas contre, je fais avec.

Si un jour j’ai peur, je me retirerai de facebook et je me réfugierai sur mon blog. Mon blog qui est sur un serveur de 1&1 avec qui j’ai signé un contrat, à qui je fais confiance, ils ont tout mon contenu et peuvent y accéder aussi, il m’appartient sur leur serveur.

000 > Je ne publie pas en anonyme et je n’ai pas grand chose à cacher. Mon raisonnement peut te sembler débile, il est.

Il ne sait d’ailleurs pas tout: il sait juste ce que j’accepte de lui donner comme information. Je suis conscient quand je poste là-bas, quand j’ajoute des amis etc... Si j’étais un vilain terroriste, il y a longtemps que j’aurai créé d’autres comptes. Je n’ai pas grand chose à cacher, donc je choisis juste ce que je fais où.

Thierry > Tout ce que je fais sur facebook et que je ne décentralise pas c’est mettre des photos que j’ai sur mon DD, c’est faire les choses que je ne sais pas faire ailleurs ou qui me prendrait trop de temps. C’est créer des groupes là bas car c’est là bas que le public de masse est.

Avec facebook, je ne suis pas esclave: je choisis de leur donner certaines informations, certains biens contre un outil. Oui leurs conditions sont bien abusées et oui je préfèrerai autre chose. En attendant, je fais avec et je tire profit comme je peux de cette plateforme.

Thierry Crouzet @ 2010-02-12 16:04:57

Je te dis pas de ne pas utiliser facebook. Je l’utilise. 000 aussi. C’est pas le problème. C’est pas toi le problème mais les gens qui vivent 100% de leur vie Web sur facebook et qui sont en train de devenir la majorité des users. Il ne va rien rester en dehors si ça continue... ça s’appelait AOL ça ou CompuServe... c’est pas nouveau comme phénomène, c’est tout sauf le web avec la liberté et l’ouverture.

000 @ 2010-02-12 16:10:12

"affolé, et je comprends, mais ça ne me fait pas beaucoup plus flippé que ça."

C’est une mentalité d’esclave.

On n’est pas affolé, et on ne flippe pas.

C’est pas une question de peur, c’est une défense de la liberté.

La liberté, ce n’est pas seulement la liberté d’échanger.

La liberté, c’est aussi celle de défendre une vie privée contre le regard scrutateur d’une société totalitaire.

On n’a pas "peur" d’être sous surveillance : on le refuse. C’est différent.

Avec ton raisonnement tu pourrais dire à un prisonnier :

"n’aies pas peur, tu es bien nourri, et il y a un beau jardin pour te promener. Où est l’insatisfaction ?"

On répond avec Mme de La Rochefoucauld et Proust :

"il n’est pas de belle prison".

Un monde où 1 ou 2 sociétés commerciales monopolistiques contrôlent tout, n’est pas un monde satisfaisant.

--

Je n’ai pas envie qu’en tapant simplement mon IP dans une base de données, un employé de Google ou de Facebook puisse faire le portrait robot de toute ma vie.

arvic @ 2010-02-12 16:35:10

L’infrastructure du net est bien plus centralisée que beaucoup ne le croient [Crouzet] http://ff.im/-fPjyF

000 @ 2010-02-12 16:37:31

Pour moi l’enjeu crucial est le suivant :

en tapant un nom ou une adresse IP dans une base de données,

on ne doit pas obtenir immédiatement un trop grand nombre d’informations sur un individu.

Il faut donc des sociétés différentes, avec différentes bases de données non liées, pour gérer différents pans de la vie d’un individu.

Aujourd’hui, Google et Facebook ont accès à un trop grand nombre d’informations sur leurs membres.

-

Google ne comprend pas qu’on s’en fout que Google chrome ou Google buzz soient performants ou pas. Il est hors de question de donner encore plus d’infos à Google, de passer par des logiciels Google pour 100% de notre vie en ligne.

La volonté de Google de vouloir remplacer Firefox et Facebook (et Iphone) est une folie monstrueuse.

Google veut être tout. Google ne supporte pas qu’une seule info sur un individu lui reste inconnue.

En voulant être Tout, Google devient : Evil.

Niko GL @ 2010-02-12 16:38:16

RT: @narvic: L’infrastructure du net est bien plus centralisée que beaucoup ne le croient [Crouzet] http://ff.im/-fPjyF // @jmplanche avis?

Vincent ROSTAING @ 2010-02-12 16:45:49

RT @narvic: L’infrastructure du net est bien plus centralisée que beaucoup ne le croient [Crouzet] http://ff.im/-fPjyF // YOU MUST READ IT

Alberte Denis @ 2010-02-12 16:48:21

RT @narvic: L’infrastructure du net est bien plus centralisée que beaucoup ne le croient [Crouzet] http://ff.im/-fPjyF

zoupic @ 2010-02-12 17:18:32

Thierry > Qu’est-ce que cela représente comme problème intrinsèque, le fait qu’une majorité d’utilisateurs n’utilisent qu’un service où ils mettent 100% de leurs infos? D’où vient ce comportement?

Dans la confiance absolue que nous avons pour un service quelconque?

Dans notre non-souci de ce qui se passent une fois nos infos rentrées dans la machine?

De notre incapacité à voir le flux des données dans sa complexité et de comprendre qui l’utilise et comment?

De notre habitude à donner nos libertés aux autres?

De notre tendance à faire confiance au premier système avec un joli logo?

De notre manque de clairvoyance pour comprendre les limites systémiques de systèmes dont nous ne représentons qu’une poussière?

C’est dans l’origine du problème qu’on peut trouver la raison du dysfonctionnement et des palliatifs pour éviter de refaire le même process à chaque fois.

Pour Facebook, google, à l’origine ils ne sont pas problématiques, c’est une certaine taille critique qui fait qu’ils deviennent, too big too fail, comme dirait l’autre. A quel moment deviennent-ils monstrueux? Le fait aussi qu’ils gloutonnent leurs voisins comme les entreprises savent si bien le faire. Comment détecter des patterns similaires plus vite et proposer une alternative aux reins solides avant qu’il ne soit trop tard? Comment créer une base de données privées qui ne soit pas centralisée mais interconnectée à différents sites?

000 > Le prisonnier ne peut partir. Si un jour j’en ai marre, je prends mes clics et mes clacs. C’est bien la force de ces monstres, la supposée liberté: pas de barrière à l’entrée mais des réticences à la sortie. On y est tellement bien qu’on finit par se sentir chez soi. Facile d’arriver et de s’installer, dur de partir. Je me suis tiré d’over-blog, je pourrai partir de facebook le jour où.

Tu dis qu’avec une ip ou un nom on ne doit pas obtenir trop d’informations. Aujourd’hui tu as le choix et la possibilité de ne pas utiliser les gros. En terme de mail, de services online, ça ne coûte pas grand chose à reconstruire. Au niveau FAI: oui, je rejoins le thème initial de l’article de Thierry. Les concentrations matérielles et physiques sont bien plus difficiles à faire sauter que les concentrations liquides et fluides.

Pour l’histoire de la protection des données, j’aurai été d’accord avec toi il y a 2 ans. Aujourd’hui j’ai fait le choix de ne plus rien cacher. Mon pseudo et mon nom sont très faciles à relier, mon adresse, mes amis, mes sites, mes publications, mes centres d’intérêts, ma vie est sur Internet, tout est lié et facile à trouver. A partir du moment où j’en suis conscient et que je le fais en conscience, en quoi cela peut-il me nuire? Les gens veulent de l’info, ils veulent ma vie privée, je leur donne ce que je veux. A quoi ça peut leur servir? En quoi ça leur donne du pouvoir? Qui ça intéresse? Pour en faire quoi?

Faire des publicités ciblées? Connaître les sites que je regarde? On ne peut pas me prendre ce que j’ai déjà donné. Ils veulent ma vie, je leur donne. Je ne fais rien de mal, j’affirme qui je suis.

J’ai choisi de ne plus travailler pour ceux que je critique sur mon blog. J’ai fait une croix sur pas mal de choses.

La seule menace que je vois c’est si un état totalitaire venait à faire une recherche sur ceux qui critiquent l’état, le capitalisme, le système de croissance etc.. Ce jour là, oui ce sera facile de me trouver. Si on en arrive là, alors je serai heureux d’être résistant et d’affirmer encore plus fort mes libertés.

Qu’est-ce que tu cherches à protéger? Qu’est-ce que je cherche à prouver?

Pansiot Jonathan @ 2010-02-12 17:22:40

loppsi Les vers rongent internet http://tik.la/RW

Valérie Otero @ 2010-02-12 17:25:44

RT @narvic: L’infrastructure du net est bien plus centralisée que beaucoup ne le croient [Crouzet] http://ff.im/-fPjyF

Thierry Crouzet @ 2010-02-12 17:31:59

@zoupic L’illusion c’est de croire que tu pourras partir. Aujourd’hui c’est le cas. Demain il risque de n’y avoir rien d’autre car quelques monstres auront avaler tout le reste. Si tout le monde pense comme toi, on y a tout droit. C’est le parti unique que tu prônes...

Eiffel @ 2010-02-12 17:57:00

RT @nkgl: RT: @narvic: L’infrastructure du net est bien plus centralisée que beaucoup ne le croient [Crouzet] http://ff.im/-fPjyF // @jmplanche avis?

zoupic @ 2010-02-12 18:01:51

Je suis sur 5 nings différents, twitter, gmail, wordpress, de multiples blogs, linkedin, viadeo, identi.ca, skype, MSN, IRC, 2 bluekiwis ...

Il y a trois choses différentes: la technologie-service, les conditions d’utilisation, et the place to be.

Les conditions d’utilisation correspondent pour moi au prix à payer, la captivité, ce que je donne en échange du service. Là-dessus repose leur business model.

La technologie-service. Facebook est très bon pour ça, mais ning, hi5, copains d’avant, hives, viadeo, linkedin, certaines parties de facebook existent déjà à droite à gauche à niveau équivalent.

The place to be: comment être en lien avec un maximum de personnes.

Techniquement donc il y a déjà des alternatives, je suis présent sur un certain nombre d’entre elles. Je ne prône pas un seul super organisme, c’est la même chose que les monnaies, la concentration maximale présente un risque. Comment rendre ce risque visible? le mesurer? le conscientiser sans être parano ou trop sûr de soi?

Thierry Crouzet @ 2010-02-12 18:18:42

Encore une fois c’est pas à toi en particulier que je m’adresse.

Ton usage n’est pas l’usage de 99% des gens.

Pour eux il n’y a que facebook et ning et cie n’existera plus car ils ne pourront pas survivre si 99% des gens utilisent un seul service.

[Enikao] @ 2010-02-12 19:09:50

Zoupic appelle ça le "winner takes all", le nom est je crois "effet de réseau". Quand un système fermé (pas d’interopérabilité avec les autres acteurs) prend l’avantage sur ses concurrents de manière significative, il exerce une force centripète qui attire de manière croissante.

Si je suis sur HI5 mais que mes amis sont davantage sur Facebook, j’ai intérêt à les y rejoindre. Et ainsi de suite par capillarité. Le système dominant se fait de plus en plus dominant par l’action rationnelle des individus.

Thierry Crouzet @ 2010-02-12 20:23:46

C’est un mécanisme dont la fatalité a été contesté... et que nous devons contester car l’apparition de centres implique de nouvelles structures de domination... et on ne s’échappe pas d’une telle structure juste parce qu’on le désire.

C’est tout le problème.

Foguenne @ 2010-02-13 04:45:36

Les vers rongent Internet et vous ? - http://blog.tcrouzet.com/2010/02/12/les-vers-rongent-internet-et-vous/

Iza @ 2010-02-15 11:28:36

"A partir du moment où j’en suis conscient et que je le fais en conscience"

"les règles du jeu sont claires"

A mon avis le nœud est là. Nous ne sommes pas en effet des utilisateurs de base. Nous avons une démarche, un avis critique sur tout cela, et donc nous nous donnons les moyens de faire des vrais choix.

Après nous pouvons bien entendu nous tromper, mais nous avons la prétention de le faire en conscience.

Le fameux libre arbitre dont nous parlons tout le temps.

Même 000, et malgré la répugnance qu’il décline, a un compte facebook. Et finalement, il s’en sert comme toi Zoupic, et comme moi.

Le problème en effet, c’est la "masse".

Les règles du jeu sont elles claires pour eux ? bien sûr que non ... parce qu’ils ne sont pas assez conscients de ce qu’ils utilisent, de ce que ça suppose etc ... et je ne parle même pas des enfants et des ados (chez qui la question de la confusion entre public et privé devient une question éducative majeure). Les adultes que je connais qui utilisent facebook compulsivement, je les trouve en effet assez légers avec ça.

Encore une fois, travailler à cette prise de conscience est au moins aussi important que d’envisager des alternatives techniques. "le leur dire" comme le fait Thierry ne peut pas suffire, il faut qu’ils le vivent, qu’ils l’éprouvent ... bref, je ne vous refais pas le laïus.

Ensuite, le point positif, c’est que 100% des gens sur facebook pose un vrai pb de prise de conscience et de big brother syndrome, c ’est certain, mais ouvre tout de même un certain nombre de possibles, permet aux liens de se créer etc ...

Est ce que c’est mieux que rien ? est ce que c’est pire que rien ? ... de toutes façons, c’est. Donc au boulot ... faudra bien faire avec pour l’instant. Mais plus les gens seront éveillés, plus cela évoluera. ça passe peut être dans un premier temps par un usage moyennement éclairé des sites de réseaux sociaux.

000 @ 2010-02-15 13:29:41

"a un compte facebook. Et finalement, il s’en sert"

Je n’ai quasiment ajouté aucun contact depuis un an.

Je ne m’en sers pas à titre personnel : je n’ajoute pas les amis de la vraie vie, ni la famille, je n’y raconte pas ma vie etc

Mais à titre professionnel Facebook est devenu un réseau obligé dans les métiers liés aux relations publiques, et c’est bien ça le problème : on n’a plus le choix.

Facebook a aspiré MySpace, qui était plus respectueux de la vie privée.

Facebook a aspiré les blogs.

Les gens sont tellement bombardés de liens sur Facebook, qu’ils ne vont plus chercher ailleurs, n’ont plus le temps.

Une info qui n’est pas sur Facebook, ils ne la voient plus.

(Je ne parle pas des geeks, qui sont multi-réseaux parce qu’ils passent leur vie sur Internet.

Je ne m’intéresse pas aux geeks, dont le niveau culturel est en général misérable.

Ils parlent Iphone, Ipad, et JeanSarkozyPartout.

Aucun intérêt, les geeks, qu’un Narvic considère honteusement comme l’aristocratie du Web. Son réseau Twitter est composé à 99% de gens qui n’ont rien à dire en dehors du misérable buzz grégaire du jour.)

Les gens normaux, qui passent deux heures maxi sur le Net, n’ont pas le temps d’être multi-réseaux. Facebook aspire tout leur temps.)

espérance @ 2010-02-15 19:41:48

Bonjour Thierry,

La Liberté comme avenir demandera à ce que nous soyons tous limpides envers nous-mêmes ainsi que vers les autres. C’est le défi à relever... Être sans ambiguïtés ou contradictions à l’intérieur comme à l’extérieur de nous-même ne suffit pas si tout le monde ne joue pas le jeu de la limpidité.

Dès lors qu’autrui cherche à profiter de la situation pour nous piéger et nous demande en même temps toute la clarté sur nous-même afin de mieux nous connaître dans le but de nous manipuler, alors Internet devient un réel danger, car il nous expose à la menace des mafias ainsi que des gourvernements, voraces d’informations sur nous-même. Ainsi, ils seront de véritables prédateurs pour abuser de nous.

Le Monde de Demain sera peut-être des Etats au service surtout des populations à travers notre monde et non pas d’intérêts stratégiques ou pécuniers dans le but de dominer autrui afin d’en tirer des profits. D’ailleurs, la domination est une entrave ou un frein à la Liberté pour Tous. La même Equité pour Tous et être au service de Tous: tel devra être l’objectif des Etats pour notre Avenir à moins qu’il faille passer par une privation de nos libertés avec des puces bioniques pour voir à travers nos yeux et écouter à travers nos oreilles ce que nous faisons. Ce qui serait la négation des valeurs, pronées par les démocraties. Il est à espérer un Avenir plus radieu, c’est-à-dire partir à la recherche de Dieu s’il existe...

A+

Samuel Allain @ 2010-02-15 22:15:56

Les vers rongent Internet et vous ? - http://blog.tcrouzet.com/2010/02/12/les-vers-rongent-internet-et-vous/. Vision juste.

Terry Zimmer @ 2010-02-16 15:22:34

Les vers rongent Internet et vous ? http://ow.ly/17RiC

romy @ 2010-02-18 10:10:02

très bon post et comments.

de mon côté, les vers ne me rongent pas puisque j’utilise un VPN suédois qui ne garde aucun logs :-)

alex @ 2012-02-10 21:35:17

Juste pour faire une petite MAJ du post. Il semble que les autorites chinoises ont fermés certains tubes qui arrivent dans leur pays a des fournisseurs de VPN...ce qui n’est pas très "fairplay" de leur part.

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