Thierry CROUZET

À quoi ressemble l’édition ? À rien !

Depuis quatre jours, nous tentons de discuter de l’avenir du livre à Ouessant. Mal dit. Je recommence. Nous tentons de discuter de l’avenir du texte et de la lecture. Et nous nous interrogeons sur notre métier d’auteur, d’éditeur, de distributeur, de propulseur et de lecteur.

Je crois qu’il existe trois manières de publier, dont la première domine, la seconde balbutie, la troisième reste à inventer.

L’édition

Un éditeur se choisit une cible, puis se fait une idée de ce que veut lire cette cible, puis tente de trouver les livres qui satisferont cette cible, quitte à diriger le travail des auteurs ou de l’altérer pour qu’il rentre dans un moule.

Beaucoup d’éditeurs se défendent de se prêter à ce jeu, beaucoup d’auteurs jurent de ne pas être entrés dans ce jeu. Je crois qu’ils en sont tout simplement inconscients, que leur conscience se refuse à accepter ce fait. Pourquoi ? Ils ne sont pas libres, mais cherchent sans cesse à rembourser les capitaux qu’ils ont engagés dans leur aventure éditoriale.

L’autoédition

Un auteur dans son coin décide qu’il a écrit un chef-d’œuvre. Fatigué de le voir refuser (par les éditeurs qu’il peut à juste titre traiter de maîtres d’école et de détenteurs du bon goût), il envoie son texte sur le Net, le distribue partout, sauf dans les librairies.

Certains commettent même l’erreur d’imprimer leur texte et d’entrer dans la vieille logique capitaliste. Ils déboursent quelques milliers d’euros pour entretenir encore quelque temps le réseau des libraires et le système de diffusion qui dicte aux éditeurs, puis aux auteurs ce qu’ils doivent publier, où et comment.

Il va sans dire qu’un livre autoédité par un inconnu ne trouve pas de public (ne me sortez pas une exception qui infirmerait cette règle.)

  1. Le texte n’a pas été travaillé.

  2. Il n’a pas été formaté pour un public lui-même formaté.

  3. Il n’a pas de prescripteurs autres que lui-même.

La coédition

Il s’agit de remettre l’auteur, ou plutôt les auteurs, au centre du processus.

  1. Des auteurs se rassemblent en une coopérative (pas nécessairement définie administrativement).

  2. Ils s’échangent leurs manuscrits, les retravaillent, les corrigent, les éditent, les traduisent… Ils peuvent même se cotiser pour employer un éditeur professionnel à plein temps.

  3. Ils diffusent alors leurs créations. Dans ce cas, ils négocient la distribution non exclusive avec divers opérateurs (Apple, Amazon, Lulu… et pourquoi pas les Fnac, Hachette ou un autre réseau traditionnel). Ils se sont instaurés en éditeur sans que personne d’autre qu’eux-mêmes ne dispose de leurs droits.

  4. Il leur reste à trouver un prescripteur (ce qu’on appelle en anglais un publisher, qui s’occupe de faire vendre, par opposition à un éditeur, qui s’occupe à parfaire le texte). Bien sûr les auteurs peuvent effectuer de la prescription croisée à travers leurs réseaux sociaux, mais il faut bien ventiler cet écosystème. Aujourd’hui, c’est paradoxalement la tâche la plus complexe, parce qu’elle n’est pas naturelle à la plupart des auteurs.

Ce n’était que quelques réflexions matinales avant une dernière journée de discussion à Ouessant.

brigitte celerier @ 2010-08-21 09:37:57

À quoi ressemble l’édition ? À rien ! - http://blog.tcrouzet.com/2010/08/21/a-quoi-ressemble-l%e2%80%99edition-a-rien/

L’Hippocampe associé @ 2010-08-21 10:31:41

RT @brigetoun: À quoi ressemble l’édition ? À rien ! - http://blog.tcrouzet.com/2010/08/21/a-quoi-ressemble-l%e2%80%99edition-a-rien/

eBouquin @ 2010-08-21 12:03:00

RT @crouzet: à quoi ressemble l’édition? à rien! http://bit.ly/9pfDQ5

Gregoire FAUROBERT @ 2010-08-21 14:05:50

À quoi ressemble l’édition ? À rien ! http://ping.fm/VAe8v

Nessy Lupino @ 2010-08-22 15:16:33

RT @crouzet: à quoi ressemble l’édition? à rien! http://bit.ly/9pfDQ5

Nessy Lupino @ 2010-08-22 15:18:25

RT @crouzet à quoi ressemble l’édition? à rien! http://bit.ly/9pfDQ5 #numerile

Yann Kastell @ 2010-08-22 15:35:29

À quoi ressemble l’édition ? À rien ! (@tcrouzet provocateur et intéressant comme d’hab) http://bit.ly/abIFuX

Pilmix.org @ 2010-08-22 18:26:41

À quoi ressemble l’édition ? À rien ! http://blog.tcrouzet.com/2010/08/21/a-quoi-ressemble-l’edition-a-rien/ http://post.ly/tAyK

c.debard @ 2010-08-22 18:46:32

RT @pilmix: À quoi ressemble l’édition ? À rien ! http://blog.tcrouzet.com/2010/08/21/a-quoi-ressemble-l’edition-a-rien/ http://post.ly/tAyK

zoupic @ 2010-08-23 19:45:10

Salut Thierry!

Même si j’imagine déjà tes critiques envers Seth, son dernier blog post devrait te plaire: ne plus fonctionner avec les éditeurs trads: http://sethgodin.typepad.com/seths_blog/2010/08/moving-on.html

Si lui bouge, l’île grandit plus vite ;)

S.I.Lex @ 2010-08-24 08:39:52

A qui ressemble l’édition ? A rien ! http://bit.ly/d64SVw (intéressante typologie...)

Syven @ 2010-08-25 12:34:55

Bonjour,

Un petit mot pour vous exposer le principe de CoCyclics (voir le lien vers notre site, en refonte mais bientôt disponible, courant septembre).

Nous utilisons un forum pour bêta-lire les extraits et les nouvelles, et nous avons mis en place un cycle spécifique pour les romans:

Au minimum, quatre bêta-lecteurs interviennent sur le roman. Le cycle se déroule en quatre phases.

Deux alpha-lecteurs lisent le roman. Ils procèdent à une analyse conjointe du texte pour établir une fiche de lecture détaillée. Sur le forum, ils discutent de cette fiche avec l’auteur.

L’auteur se base sur ces retours pour établir un programme de correction, puis il corrige son texte.

Deux nouveaux bêta-lecteurs bêta-lisent votre roman et produisent des retours détaillés sur le texte lui-même.

L’auteur finalise son texte en se basant sur ces retours.

L’auteur reçoit une estampille CoCyclics s’il a fait évoluer son texte grâce à ces retours.

Nous nous consacrons aux littérature de l’Imaginaire, mais nos principes et documents sont sous licence creative commons, et nous serions ravis de les partager.

Albert @ 2011-01-06 16:10:17

Je suis tout à fait d’accord avec le titre du billet : l’édition ne ressemble à rien ! ;-)

Par contre, je trouve incomplète la définition de "l’édition" que j’aurais tendance à scinder en 2 grandes familles :

  • l’édition du ventre

  • l’édition du coeur

Dans le premier cas, l’éditeur va effectivement définir une cible et s’assurer que ce qu’il édite correspond à cette cible.

L’éditeur du ventre, va également s’assurer que la cible en question est suffisamment nombreuse et argentée pour acheter ses livres (par exemple, il va éviter d’éditer un livre sur les maladies orphelines à l’attention des 3-5 ans)

Dans le second cas, l’éditeur va éditer, en toute subjectivité, ce qui lui plait, ce qu’il a envie de partager et de faire connaître.

Ensuite, soit ce qu’il aime correspond à l’attente d’un grand nombre de personnes et il vend pas mal de livres, soit ses goûts sont totalement décalés et il doit alors faire avec peu de moyens.

L’édition du ventre aura effectivement tendance à influencer l’auteur pour que le produit corresponde à la cible souhaitée.

L’édition du coeur, si elle est totalement honnête avec elle-même et ses auteurs, préfèrera refuser un projet qui ne lui correspond pas plutôt que d’essayer de le formater.

En ce qui nous concerne, cela fait maintenant plus de 8 ans que nous éditons ce qui nous touche et la bonne nouvelle c’est que nous réussissons à en vivre ;-)

Au sujet de la co-édition entre auteurs, j’aime beaucoup l’idée.

100% d’accord pour mutualiser risques et profits / investissements et résultats.

Mais il y a juste un point qui me semble oublié ici : c’est celui de la ligne éditoriale, de la logique du catalogue.

Thierry Crouzet @ 2011-01-06 17:25:36

Nous avons besoin des éditeurs... et de trouver des espèces d’osmoses rares et miraculeuses.

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