Thierry CROUZET
Ségolène Royal et les sous-marins
Ségolène Royal et les sous-marins

Ségolène Royal et les sous-marins

Le 25 janvier 2007, en pleine campagne présidentielle, Ségolène Royal arrive dans le studio parisien de RMC/BFM TV. La candidate socialiste porte un chemisier noir, un gilet beige. Elle a rejeté en arrière ses cheveux bruns, coupés mi-longs.

Il est 8h20, le direct de Bourdin&Co commence. Ségolène ne sait pas encore qu’elle perdra dans quelques secondes toutes chances de battre Nicolas Sarkozy. L’entretien débute bon enfant jusqu’à ce que Bourdin pose une question piège.

-- On parle d’indépendance nationale. Alors avons-nous besoin d’autant de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins ?

-- Mais…

-- On en a combien au fait ?

-- Mais je vous ferai la même réponse.

-- Ségolène Royal, on a combien de sous-marins ?

Elle esquive, il insiste, elle finit par répondre :

-- Nous en avons… euh… un.

-- Non, non, nous en avons…

-- Deux, dit-elle avec le sourire d’une enfant prise à la faute.

-- Non, non, nous en avons sept.

Ségolène Royal baisse la tête et se gratte le nez. Elle aurait mieux fait de prendre exemple sur Robert Scoble, un des plus célèbres blogueurs américains. Dès qu’il se trouve en public et doit répondre à des questions, il ne cesse d’interroger Google pour chercher des faits qui étaieraient ses propos. Il n’a aucune honte d’avoir oublié un chiffre. Si on lui parle d’une ville qu’il ne connaît pas, il cherche où elle se trouve. Ses mains volent sur le clavier en même temps qu’il discute. Scoble n’existerait pas sans Internet.

On peut imaginer les débats politiques avec nos personnalités sans cesse penchées sur leur ordinateur. Les journalistes ne leur poseraient plus alors des questions stupides auxquelles un enfant connecté est capable de répondre en dix secondes.

On peut imaginer de même un autre système éducatif où on ne serait plus seul lors des examens ? Car dans la vie, quand on travaille, est-on seul pour résoudre des problèmes ? Non. On travaille en équipe. Alors pourquoi départager les élèves pour leur compétence à travailler seul alors que cette compétence ne sera presque jamais sollicitée ?

Nous sommes dorénavant connectés. Tester nos compétences de déconnecté n’a aucun sens. Lors des examens, les enfants devraient disposer d’un accès haut débit et les problèmes qui leur seraient soumis devraient être repensés.

Jadis la mémoire était la compétence essentielle, plus on avait emmagasiné de données, plus on était brillants. Aujourd’hui, la capacité à trouver de l’aide sur le réseau importe plus. Loin d’être des solitaires et des individualistes, nous devenons des hypersociaux.

Guy Boulianne @ 2011-03-29 10:17:19

RT @crouzet [ http://bit.ly/hIdYTx ] Ségolène Royal et les sous-marins http://bit.ly/hKTvFx

Stéphane Laborde @ 2011-03-29 10:23:46

@crouzet en super forme avant sa déconnexion totale ! "Ségolène Royal et les sous-marins" http://tinyurl.com/6fa56b7

Vincent Beneche @ 2011-03-29 10:48:10

Ségolène Royal et les sous-marins http://goo.gl/fb/QSZV2 #brèves #noepub #unebrèvehistoiredelinformatique

Galuel @ 2011-03-29 12:46:00

Rien à ajouter.

Gerando @ 2011-03-29 14:12:35

Ce que vous dites marche pour des faits isolés, un super trivial poursuit en somme. Mais cela n’a rien à voir avec la capacité de donner un sens à ces faits, de les intégrer à un système de connaissances organisées. L’accès à l’information ne garantit en rien la production de connaissance ou de savoir.

Thierry Crouzet @ 2011-03-29 14:18:00

Je suis heureux de me déconnecter parfois. Vous avez lu ce que j’ai écrit avant de commenter?

je critique les questions à la cons qui exigent de nous tous d’être des singes savants. Donc que les débats doivent traiter du fond, pas des données brutes que Google sait nous fournir.

La question de la production des savoir est autre, et je suis sûr que s’il y avait moins de singes savants dans la sociétés, on produirait mieux.

Maxime @ 2011-03-29 14:33:01

Lorsque j’ai passé le BAC, il y a de cela plus de 10 ans, nous avions droit à un "formulaire" pour les épreuves de maths ; les principales formules du programme y figuraient. Plus la peine de les apprendre par coeur, encore fallait-il être capable de s’en servir.

Ce changement s’est produit parce que la mémoire des calculatrices permettait de stocker ces formules ; alors plutôt que d’avantager celui qui aurait une calculatrice haut de gamme, il a été décidé de donner directement des formules aux élèves. En effet, l’important était de savoir comment marchent ces formules, pas d’être capable de les retenir par coeur.

Plus loin dans ma scolarité, j’ai eu droit à 2 types de contrôles de connaissance différents : celui traditionnel où l’on nous demandait d’apprendre des connaissances par coeur... et celui où on nous autorisait multitude de documents (allant très souvent jusqu’à "tous documents autorisés", autrement dit tout livre était autorisé). La philosophie correspondait souvent à 2 types de professeurs différents : celui issus de l’enseignement "traditionnel" qui nous ne nous autorisait aucun document, et celui issu de l’industrie, qui reproduisait la situation réelle de son travail : s’il a oublié quelque chose -ce qui arrive souvent quand on a beaucoup de savoir- il sait où aller chercher l’information, et c’est ce qui compte.

Plus facile le contrôle avec documents ? Pas sur. Celui qui apprenait le cours par coeur pouvait espérer une bonne note sans rien y comprendre dans certains cas. Le contrôle avec documents est constitué de questions plus poussées ; il faut alors prouver que l’on sait se servir de l’information dont on dispose, que l’on a bien compris sa signification. Ce qui est bien plus important.

Au fond, la mutation d’un monde où il était important de retenir le savoir à un monde où il était important de savoir trouver le maximum de savoir pour l’exploiter au mieux a déjà commencé. Dès l’invention du papier, des bibliothèques, de l’imprimerie, des journaux, et du photocopieur. Les réseaux ne sont que la suite logique.

Patrice Legoux @ 2011-03-29 18:41:27

En phase mais il faut, pour que l’esprit fonctionne et soit par exemple capable d’utiliser les formules mathématiques qu’il sait retrouver, plus que leurs références. Il lui faut pour cela être éduqué. N’étant pas éducateur, encore moins professeur, je ne sais pas ce qu’il faut faire pour éduquer l’esprit mais peut être faut il apprendre qq trucs par coeur. Et si on doit en passer par là...

Tous les livres n’ont pas empêché les gens de devoir apprendre, internet et les moteurs de recherche n’y changeront sans doute rien.

Un utilisateur de longue date d’internet, des moteurs de recherche, des références et, plus largement, adepte du PKM - personal knowledge management.

22decembre @ 2011-03-29 20:26:07

Nous ne deviendrons pas hypersociaux (je pense).

La moitié des situations de travail, pour les tâches intellectuelles et d’encardement correspondent encore à "on te lache dans la nature, démerde toi..."

Combien de fois j’étais seul face à mon plan ? Combien de fois seul à inspecter le travail d’ouvriers ?

Les réunions donnent les instructions, permettent l’emergence d’idées, les réseaux donnent les réponses à des questions, mais quand on doit résoudre un problème précis, on est souvent seul : le groupe se divise et délegue des tâches. Bien sûr, le groupe aide à la résolution des problèmes, crée une émulation... Mais en bout de course, l’intelligence est souvent seule.

Audrey Fosseries @ 2011-04-21 08:25:53

De si bonnes réflexions. Reviens vite @crouzet! "S. Royal et les sous-marins" http://feedproxy.google.com/~r/tcrouzetBlog/~3/k1uRmkJMwCQ/

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