Thierry CROUZET
Leçon d’humilité pour auteurs prétentieux
Leçon d’humilité pour auteurs prétentieux

Leçon d’humilité pour auteurs prétentieux

Ciseaux
Ciseaux

C’est l’histoire romancée de Raymond Carver, entre le goulot de la bouteille, ses femmes et son éditeur, qui joue du ciseau avec ses textes. Des nouvelles de quinze pages fondent jusqu’à trois. Et à la fin, on obtient le minimalisme de Carver. Carver qui voudrait bien dire « merde » mais qui se couche, aussi comprend, invente son mythe, son style inimitable à quatre mains.

Dans son roman, Stéphane nous démontre que toute œuvre est collective. Déjà parce qu’elle est le fruit d’une conscience, elle-même œuvre collective (les enfants loups ne deviennent jamais des hommes). Aussi parce que les proches de l’auteur écrivent d’une certaine manière avec lui, et que l’éditeur entre dans ce cercle. Il le doit à tout prix, et son absence est nocive.

Pour Flaubert, l’éditeur s’appelait Louis Bouilhet, l’ami de toujours. Pour Carver, Gordon Lish. Pour les blogueurs, les commentateurs ou autres blogueurs (avec le danger que cette relation vire à la complaisance propre à tous les cénacles, et la difficulté de revenir sur un texte déjà publié).

C’est peut-être pour cette raison que j’ai toujours considéré mon blog comme un atelier (même si Isa se penche presque toujours au-dessus de mon clavier). On y voit le travail en train de se faire, pas le résultat du travail lui-même. D’une certaine manière j’aurais poussé à l’extrême cette démarche en écrivant La quatrième théorie, exposant les phrases les unes après les autres, avant de tout reprendre ces derniers mois.

Alors auteurs, tendance prétentieuse, croyant vos phrases immuables et d’une beauté pure, lisez Ciseaux. Peut-être accepterez-vous après de tout remettre à plat. Un texte est de la pâte à modeler. Il se termine avec une forme alors que mille autres auraient pu lui convenir. La première qui jaillit n’a rien de miraculeux. On peut l’encadrer dans un coin de disque dur, pour mémoire. Mais pourquoi refuser de l’altérer. Écrire, c’est sculpter.

PS : Ciseaux m’a d’autant plus marqué que je l’ai lu en même temps que je coupais et taillais dans La quatrième théorie, avec Lilas, Lilas l’éditrice chez Fayard de Ciseaux... boucle bouclée.

Alain Lefebvre @ 2013-01-11 19:44:26

On ne peut qu’être d’accord : l’écriture solitaire n’est pas ce qui se fait de mieux !

Tous mes livres passent d’abord à la moulinette de mes proches qui relisent et critiquent.

Les critiques sur la forme sont toujours bonnes à prendre car la finition n’est pas mon fort. Mais les critiques sur le fond sont aussi les bienvenues car elles permettent de mettre le doigt, le cas échéant, sur une faiblesse du récit qu’on ne voit plus ou qu’on se refuse à admettre (alors "qu’on sent bien" que quelque chose cloche...).

Louis Boël @ 2013-01-11 21:18:08

Je n’ai pas lu "Ciseaux" mais j’avais décidé que je demanderais à tous mes amis intéressés de participer à l’écriture de "SORTIR de la Crise par le HAUT". Cependant j’étais très fier de mon plan d’ouvrage et je n’imaginais pas que le travail d’édition allait le changer.

Jean Solis (éditeur-auteur, Éditions de La Hutte) et moi avons travaillé près de 6 semaines sur le manuscrit (au moins 4 aller-retour de textes par semaine!). J’ai tout de suite apprécié son "métier" et la pertinence de ses conseils et suggestions... et "notre livre collectif" a complètement changé de "peau" et même "d’organes", pour mon plus grand plaisir!

Du coup, je sors des vieux projets de mes cartons et les propose à "remodelage" en équipe à des amis que cela pourrait intéresser...

Comme disait Montaigne, il faut "il faut limer et frotter notre cervelle à celle d’autrui"!

Oui, il y a plus dans deux têtes que dans une, mais, pour qu’elles fassent des étincelles, il faut les frapper l’une contre l’autre, comme des silex.

;-)

et de toute façon l’écriture est un plaisir... cela se fait ensemble!

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