Thierry CROUZET
Facebook et Twitter vous prennent pour des poires
Facebook et Twitter vous prennent pour des poires

Facebook et Twitter vous prennent pour des poires

Ou des cruches, ou de simples générateurs d’énergie comme dans Matrix. Tous branchés. Vous croyez recevoir et vous donnez votre vie à la machine.

Vous croyez à tors ces services définitifs, alors vous y construisez votre réputation, vous accumulez des amis postiches, vous en parlez partout… et le cash circule, et vous n’en recevez pas une miette, ce qui à terme vous dégoûtera en plus de la mauvaise haleine du patron.

Vous qui êtes très populaires dans cet univers, qui en êtes les vedettes, qui êtes bien les seuls à en tirer bénéfices, vous crachez sur les critiques, mais vous serez les premiers à changer de boutique quand le vent tournera.

Vous prétendez que vous partagez, que vous inventez la société du don, que vous êtes altruistes, mais personne ne vous croit. Vous n’êtes que des opportunistes qui détournez le partage au nom de votre seule gloire.

Je n’arrive pas à vous détester. Vous vous êtes tant pris au jeu que vous en avez oublié les règles. Le plus souvent vous dîtes la vérité, votre vérité, qui est un mensonge que vous avez fini par ignorer.

Je tente de me ressaisir. J’ai un temps versé comme vous dans le partage factice. Un lien par si, un lien par là. Une info qui intéresse deux ou trois solitaires et voilà des amis en plus dans mon carnet d’adresses. Alors je recommençais, le nombre augmentait, j’allais devenir un astre dans une galaxie bourrée de planètes plus ou moins vivantes.

Je croyais construire avec patience mon jardin alors que je tondais la pelouse du manoir d’un milliardaire qui n’avait aucun respect pour moi. Sa principale préoccupation étant, comme au plus beau jour du capitalisme, de faire en sorte que je dépense plus dans ses succursales, à force de crédit, que ce qu’il me donnait comme oseille.

Toujours plus pauvre. Chaque fois dépouillé quand de dépit je changeais de maître, car il ne me laissait pas emporter mes adresses, je finissais par répéter ailleurs les mêmes jérémiades. Un lien par ci, un lien par là. Je me persuadais, par ce geste négligeable, que je contribuais à un développement révolutionnaire de la civilisation.

Je ne faisais que m’abrutir, que me détourner de ceux qui pourraient devenir mes vrais amis, de ceux à qui je pourrais parler jusqu’au cœur en prenant plus de temps pour creuser des sillons plus profonds avec eux, pour eux.

J’ai fui la télé, j’y trouve pire sur les réseaux sociaux, un abrutissement généralisé où on oublie même de me raconter des histoires, où chacun de nous serait son histoire, mais une histoire susurrée sans soucis d’aller en elle jusqu’à ce qui pourrait nous nourrir tous.

Et il n’est pas étonnant que, désormais, les fans affichés de ces réseaux se passionnent aussi pour la télé, et réciproquement. Nous assistons à une grande fusion de ces univers initialement dichotomiques. La télé devient sociale, les réseaux télévisuels. Le net s’enlise dans la télévisualisation.

Alors des voix s’élèvent depuis des recoins obscurs, que les monstres motorisés hésitent de plus en plus à parcourir, de peur d’y pêcher la subversion. Ils ont dans l’idée d’effacer de la carte des technologies dangereuses pour eux, comme les flux RSS ou le P2P. Il ne faudrait pas que les sources énergétiques de la matrice puissent s’alimenter d’elles-mêmes sans passer par le tiroir-caisse central.

La vie continue. Nous tenons la baraque. Nous nous accrochons à nos îles. Nous lançons des bouteilles à la mer sous forme d’ebooks, libres de toute attache, que rien ne pourra détruire sinon un orage magnétique d’une force dévastatrice.

Et je m’excuse par avance devant tous ceux qui partagent avec la main sur le cœur. Vous avez été récupérés. Vous défendez souvent des idées contraires à celles poussées par le vent dominant, mais, en le faisant sur le voilier amiral, vous ne faites que le célébrer.

Albert @ 2013-05-24 10:13:11

découvert via FB mais lu sur ton blog ;-) et au plaisir de partager un thé, un café ou un cidre un jour dans le jardin ou près de la cheminée.

Julien @ 2013-05-24 10:13:24

Je ne peux qu’être d’accord avec tout ce que tu dis: merci pour ce billet, Thierry. C’est bon de lire ça au petit matin.

Nicolas @ 2013-05-24 10:41:15

Twitter sert donc aussi à faire écho. Pas mécontent d’avoir pu arriver jusqu’ici grâce au média honni ;)

Clin d’oeil mis à part : nous vivons une époque dure et complexe, c’est évident. Nous souffrons, pour beaucoup, d’être les témoins de ce regard aveugle et auto-contemplatif d’une humanité en déclin, empêtrée dans les filets du "digital" dont, à l’évidence, la majorité a décidé de se servir comme d’un ustensile au service de l’inanimé plutôt qu’à la gloire de l’esprit.

Moins fataliste, toutefois, je crois que la résistance l’emportera. A défaut de cultiver son jardin, nous cultivons au moins quelque chose ; la prise de conscience viendra sans doute avant la hardiesse, qui viendra avant la libération.

Samai @ 2013-05-24 12:05:07

merci twitter sans qui je n’aurais jamais pu lire ce billet.

quelle ironie.

Thierry Crouzet @ 2013-05-24 12:31:38

ça s’appelle la stratégie du judoka...

anonyme @ 2013-05-24 12:34:29

Bonjour...j’aimerai ajouter une dimension peut-être plus optimiste à ce que l’on fait sur les réseaux sociaux...il me semble qu’ils sont souvent utilisés pour évacuer. Évacuer des choses perçues pendant la journée, évacuer des choses pour soi, évacuer des choses pour les autres, ceux qu’on aime, ceux avec qui nous passons la journée...mais cela, c’est le jeu spirituel souvent inconscient par ceux-là même qui le pratiquent.

Et effectivement, invisible à l’œil nu. Invisible de voir les intentions inconscientes de ces listes d’info qui défilent..pourtant, à mieux observer, on comprend ce qui est évacué, ce qui est repris par d’autres pour le faire sien...c’est la loi des échanges humains, la loi des anges ? Est-ce si "petit" que cela ?

Thierry Crouzet @ 2013-05-24 12:38:14

C’est mieux que rien tu veux dire? Sans doute... mais à choisir je préfère des trucs plus intenses, plus engageant... ça l’est déjà plus sur un blog par exemple...

Charles-E. Viladoms @ 2013-05-24 12:50:39

Effectivement, si les réseaux ne renforcent pas les liens locaux, de la vie courante, ils ne servent qu’a remplir les poches des fabricants et de prestataires de tous poils.

En plus d’isoler encore davantage.

http://fr.slideshare.net/slideshow/embed_code/21058247

Merci Thierry ;)

anonyme @ 2013-05-24 14:54:24

@thierry

je ne veux pas dire que c’est mieux que rien...C’est, tout simplement. mais je te rejoins complètement, l’engagement, et le fait de peut-être le faire de façon consciente est bien plus riche, responsable et ouvre le champs du changement conscient, profond.

Merci ;-)

Greguti @ 2013-05-25 10:34:22

C’est marrant ça, conspuer les réseaux sociaux au nom d’une exigence d’authenticité, (ah ces cons qui regardent la télé !), mais utiliser le gros blockbuster américain Matrix comme grille de lecture du monde... D’une certaine manière, c’est celui qui dit qui y est.

Thierry Crouzet @ 2013-05-25 10:43:29

Je parle de Matrix parce que personne n’a lu La cage aux orchidées.

None @ 2013-05-25 15:42:53

Comme dit cet autre anonyme, c’est vrai qu’il y a une fonction d’évacuation sur Internet.

Cela conduit à mal connaître nos interlocuteurs, car on ne les voit que dans une fonction.

(Que penserait-on d’un homme si on ne le voyait qu’au moment où il est aux toilettes ? Fonction utile mais limitée, qui n’est pas tout l’homme.)

J’ai souvent utilisé les forums et les blogs comme on joue au ping-pong pour évacuer des énergies négatives ou de mauvaises pensées.

Maintenant je procède autrement : quand il ne s’agit que d’évacuer une énergie ou une mauvaise pensée, je l’écris en commentaire, puis je l’efface avant publication.

Autrefois, les égoûts étaient à ciel ouvert, et nos déchets encombraient les rues.

Puis on a inventé les égoûts souterrains (mais la pollution n’était que cachée - et amplifiée encore puisque dissimulée, on polluait d’autant plus, le coeur léger).

Puis certains ont commencé à réfléchir : a-t-on besoin de produire autant de déchets ?

Internet a besoin d’une réflexion sur ses égoûts, sa production de déchets, comment les limiter et les gérer sans polluer tout le monde.

Internet est à l’image de notre société obèse où l’on se goinfre d’une bouffe à la fois vide de substances essentielles et pleine de toxines qui polluent tout.

Joneskind @ 2013-05-28 15:21:43

Facebook c’est un peu le postier du 21ème siècle.

On paye indirectement le timbre. Pour ma part j’ai pas trouvé plus simple pour communiquer avec ma famille du Portugal d’Islande ou du Mexique, avec mes amis du Canada d’Australie de Chine ou d’Allemagne. C’est moins complet qu’une conversation au coin du feu, plus superficiel, mais c’est en attendant de se voir en vrai.

Quand j’ai un truc à raconter à quelqu’un en particuliers j’envoie un mail - ça existe encore - et c’est une intimité qui n’est pas visible de tous.

C’est vrai que Facebook est un peu une vitrine narcissique. Quand je partage pour tous je rappelle qui je suis. Mais qu’est-ce qui ne l’est pas. Au fond nos actions et nos paroles sont ce qui nous définit.

La question qu’il faudrait se poser c’est est-il possible de garder un contact intime avec autant de personnes ?

Avant, par la force des choses on perdait le contact avec nos amis d’enfance, nos cousins qui devenaient éloignés et parfois même notre propre famille. Aujourd’hui les contacts sont ténus mais ils sont là. Et peu importe que le postier se fasse du blé sur la relation épistolaire que je suis le seul à entretenir.

Thierry Crouzet @ 2013-05-28 16:54:35

Peut importe que l’esclavagiste... des gens disaient ça aussi à une époque... non, l’esclavage 2.0 n’est pas acceptable sous prétexte qu’il nous rend quelques menus services...

joneskind @ 2013-05-28 17:26:03

Quel est le rapport avec l’esclavage ? La dépendance qu’on développe au service ?

Alors c’est le monde entier qui nous réduit en esclavage et nous alienne. Je deviens dépendant de mon boucher qui m’a fait goûter ce merveilleux morceau de viande ! Si on prenait l’ensemble des bouchers du pays pour les rassembler derrière une Grande enseigne personnifiée comme Facebook, on aurait probablement une entreprise multi-milliardaire qu’on mettrait dans le même sac.

Non, Facebook ne nous réduit pas en esclavage. Je suis libre de la quitter à tout moment. Je perdrais quelques informations, mais je n’aurai aucun mal à récupérer l’adresse de mes amis et mes photos.

Je ne suis pas esclave. Au pire je suis dépendant d’un service, exactement comme je suis dépendant du reste de la société. Ce n’est qu’une dépendance de plus. Je ne suis pas un maniaque du contrôle. Et je n’ai pas le temps de fabriquer et gérer mon propre serveur et mon propre réseau, pas plus que je n’ai le temps et l’espace de faire pousser mes légumes et élever mes poules - même si l’idée m’intéresse beaucoup.

Je regarde de très près le développement de l’impression 3D, parce qu’elle annonce la fin de l’ère industrielle. À la fin il ne restera que des services et des créatifs de l’art ou de la recherche quand chacun pourra imprimer son esclave robotique qui s’occupera de faire pousser les légumes tuer le mouton et opérer les tumeurs. Ce sera aussi la fin des prolétaires et la fin du capitalisme. Mais on sera toujours dépendant de quelque chose.

Thierry Crouzet @ 2013-05-28 17:36:29

Cherche "esclave" sur le blog tu auras la réponse à ta question...

C’est une des règles de la conversation sur un blog, lire avant pour savoir ce que celui avec qui on discute a déjà dit... et c’est très différent d’un forum ou d’un réseau social

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