Thierry CROUZET
L’écriture antifragile
Arguments en faveur du tirage au sort

Arguments en faveur du tirage au sort

Depuis le premier jour où Étienne Chouard m’a parlé du tirage au sort, je suis sceptique. Pour moi, le bug dans notre système politique, c’est la représentation, une autre façon de faire référence au modèle top-down massivement dominant. Être élu ou tiré au sort ça change certes, mais rien de fondamental, d’autant que le pouvoir à la fâcheuse tendance à corrompre.

Et voici que mon Kindle m’étant revenu par la voie des airs, je reprends la lecture d’Antifragile.

Taleb explique qu’un système qui subit continûment les assauts du hasard est plus stable qu’un système qui tente systématiquement d’éviter les imprévus (un black swan finit alors par le détruire). Selon cette perspective, un système top-down, un État-nation par exemple, est plus fragile qu’un système bottom-up, une myriade de cités états en réseaux par exemple.

Je ne vais pas reprendre tous les arguments de Taleb, lisez-le, surtout si vous êtes un ayatollah du top-down. Vous découvrirez une intéressante référence à Maxwell qui, dans On Governors, a montré que si on veut contrôler très précisément la vitesse d’un moteur on aboutit à une instabilité. Leçon : il faut lâcher du lest, introduire des évènements aléatoires. Paradoxalement, la vitesse sera mieux maîtrisée.

La tentation est grande d’étendre la réflexion au domaine social. Taleb n’y résiste pas. Il évoque une simulation effectuée par Alessandro Pluchino. Elle montre que choisir aléatoirement certains politiciens améliorerait le fonctionnement d’un système parlementaire.

This result is also in line with the recent discovery that, under certain conditions, the adoption of random promotion strategies improves the efficiency of a human hierarchical organization.

Avec l’introduction du tirage au sort, il n’est donc pas question de changer le paradigme, mais d’améliorer l’ancien, ce qui n’est déjà pas si mal. Pour aller plus loin, sans doute faut-il ajouter de l’aléatoire à aléatoire. Un mandat pouvant s’interrompre à tout moment. Mais l’aléatoire ne sera véritablement introduit dans la politique que quand elle surgira de ses soubassements. Alors tirer au sort ne sera même plus nécessaire.

Galuel @ 2013-09-27 22:11:20

Il semble que le système politique subsidiaire Suisse marche assez bien. Le référendum d’initiative populaire + la subsidarité semblent des principes au moins suffisamment puissants pour permettre un équilibre.

Ils permettent de lancer une initiative n’importe quand et n’importe où, pour instaurer une assemblée tirée au sort, localement, ou pour l’assemblée nationale, tandis que le seul principe du tirage au sort ne permettra pas à des citoyens trop minoritaires "à priori" de s’exprimer (et de démontrer qu’ils ne sont par forcément minoritaires).

Je me demande donc si la clé fondamentale, prioritaire à toute autre, n’est pas plus fondamentalement l’initiative.

C’est ce que dans le jeu d’échecs on a fini par comprendre depuis l’avénement de Bobby Fischer en 1972, après 1500 ans ou plus encore de recherche.

L’initiative est toujours la clé. Qui donc a l’initiative ?

Gregoire @ 2013-09-27 23:46:59

Dans le cas du tirage au sort, l’aléatoire permet de forcer la recomposition (changer les gens) pour contourner un effet nuisible dans une structure top down (le pouvoir corrompt, la corruption s’installe et parasite la structure topdown).

J’ai l’impression que ce qui te gène est que l’aléatoire dans un tel système, s’inscrit dans un cadre stable("top down") qui est l’institution.

Etienne Chouard propose d’amener l’aléatoire dans le processus qui construit le cadre stable: des citoyens tirés au sort vont définir l’institution, par une assemblée constituante tirée au sort.

Mais en effet il reste dans l’idée d’arriver à une constitution qui serait par essence plutôt stable ... et qui contiendrai, de fait, la même faiblesse face à des effets pervers.

Il faudrait proposer à Etienne Chouard un système qui effacerait régulièrement de manière aléatoire, des articles de la constitution, pour forcer une assemblée tirée au sort à la modifier ...

Thierry Crouzet @ 2013-09-28 08:22:33

@Grégoire Exactement, toute le la réflexion de Taleb va dans ce sens. La stabilité, c’est la mort. On atteint l’antifragile que dans une renouvellement permanent.

@Galuel Oui, Taleb parle longuement du système suisse qu’il estime le plus bottom-up de tous et aussi le plus antifragile... et ce serait selon lui la raison qui pousse les riches à y mettre leur argent et à en faire la fortune.

arvic @ 2013-09-28 14:30:23

Vous raisonnez tous comme si le système politique était une question de choix, sans tenir compte du fait qu’il s’invente et se transforme au fur et à mesure, sous le poids des intérêts contradictoires, des contraintes et des aléas.

Thierry Crouzet @ 2013-09-28 21:03:29

C’est pour ça que je suis pour le hasard qui jaillit des individus, par leurs comportements imprévisibles...

arvic @ 2013-09-29 00:12:53

Le hasard qui jaillit des individus est-il si imprévisible ?

On en cause Demain, Thierry. ;-)

swergas @ 2014-02-28 19:33:02

Ce que préconise Etienne Chouard, ce n’est pas de tirer au sort nos élus du système actuel. C’est plutôt un autre système politique où tous les citoyens aient le pouvoir et décident, et que pour exécuter ce qui est décidé on tire au sort qui va le faire.

Thierry Crouzet @ 2014-02-28 19:36:43

Je sais... on a enregistré une vidéo sur le sujet avec Etienne dès 2007. Je pense juste que le tirage au sort n’est pas nécessaire, on n’a pas besoin que quelqu’un décide pour nous (autant tirer au sort la décision dans ce cas).

Christophe @ 2014-02-28 19:50:59

La démocratie n’existe pas sans le tirage au sort !

Lire, Jouary, Castoriadis, Manin...

Thierry Crouzet @ 2014-02-28 20:05:54

La démocratie n’existe pas tant qu’il y a de la reprsentation... tirage au sort ne change rien. Vue étroite de la démocratie, prisonnière du paradigme du chef.

Christophe @ 2014-02-28 20:31:25

Ouai, ouai ! Pacilalorin ;-)

Thierry Crouzet @ 2014-02-28 20:40:29

Quand je dis vue étroite; c’est la conception traditionnelle de la démocratie que je mets en cause, pas la tienne en particulier. Pour moi, il n’y a démocratie qu’avec une distribution intégrale du pouvoir, donc bien une forme de pacification :-)

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