Thierry CROUZET
Amis commonistes
Amis commonistes

Amis commonistes

Nous avons besoin de mots pour nous rassembler, nous opposer, et tout au moins pour clarifier nos idées par leur simple discussion. Le couple « commonisme/commoniste » utilisé par certains comme un mauvais calambour sur communisme/communiste pour ringardiser les défenseurs des biens communs peut être retourné, devenir force de proposition. Je m’y hasarde.

Le commoniste se préoccupe de la gestion harmonieuse des biens communs (souvent appelé les communs ou commons en anglais).

Les biens communs se divisent en deux grandes catégories :

  1. Les ressources limitées dont l’appropriation s’apparente à une spoliation à travers l’espace et le temps. Exemple : quand je brûle du pétrole, j’en prive les générations futures tout en leur imposant une pollution.
  2. Les ressources quasi illimitées dont l’abondance vide l’appropriation de toute signification. Exemple : me déclarer propriétaire de l’air contenu dans une bouteille n’a aucun sens car tout le monde peut m’imiter.

Remarque : une ressource limitée peut devenir illimitée et inversement. Nous pourrions réussir à synthétiser le pétrole tout en capturant les émissions polluantes. À cause de la pollution, nous pourrions devoir porter des masques filtrants onéreux ce qui reviendrait à raréfier l’air pur.

Un commoniste réunit en une seule personne un écologiste (gestion des ressources limitées) et un libriste (gestion des ressources illimitées).

Commonisme
Commonisme

Le commonisme est une éthique du partage. Ce qui est limité doit être économisé et partagé entre tous (commonisé), c’est un bien commun. Ce qui est illimité doit être multiplié et partagé entre tous, c’est un bien commun.

Le mot « commonisme » a été proposé par Nick Dyer-Witheford en 2007 pour désigner une société qui produirait des biens communs à partager par opposition à la société capitaliste qui produit des biens privés à vendre. « Dans une société commoniste, les gens coopéreraient volontairement et sur un pied d’égalité pour le bénéfice de tous », résume Christian Siefkes. Cette approche du commonisme apparaît par trop marxiste. En effet, si le commonisme veut encadrer le champ du capitalisme par les frontières du limité et de l’illimité, il ne l’entrave pas en leur sein. Ce qui n’est pas de l’ordre du commun ne le concerne pas.

Le commoniste n’est pas communiste. Par exemple, il n’a rien contre la propriété privée ou l’enrichissement. Il n’est pas pour la collectivisation des outils de production (pouvant être montés et démontés, ils ne sont ni rares ni illimités).

Le commoniste ne défend pas plus cette idée absurde que tout devrait être créé et géré collectivement, à la façon de Wikipédia. Ce n’est pas un adepte intégriste de la Wikinomics. Le commoniste n’introduit le collectif que là où les communs sont en jeu. Il refuse les décisions unilatérales quand le devenir de tous est en question.

Pour que les ressources illimitées puissent être partagées, le commoniste veut légaliser la multiplication des pains. « Je copie cette œuvre pour la donner à mes amis. » Il n’est pas question d’entraver ou de condamner les échanges marchands de la même œuvre, ni de déposséder le ou les créateurs de leur droit moral sur l’œuvre. Dans la pratique, la libération du partage ne semble pas impacter les recettes commerciales, mais elle permet à tous d’accéder à ce qui est illimité (c’est un droit d’existence dont personne ne devrait être privé).

Là où le communisme était centralisé, le commonisme est décentralisé. C’est la seule méthode envisageable pour gérer les communs (et la complexité afférente). Nick Dyer-Witheford insiste sur cette différence.

Selon cette première esquisse, je me sens plutôt commoniste. Mais je sais déjà que si beaucoup de gens revendiquaient cette étiquette, je la fuirai. En devenant système, elle deviendrait autoritaire et se centraliserait.

Laurent Fournier @ 2013-11-26 22:12:03

Je pense que tu te trompes à croire que la "légalisation du partage non marchand" n’aurait pas d’impact économique négatif. Si je pouvais légalement prendre tes livres pour faire un torrent déposé sur mes serveurs et partager gratuitement avec des soit disants e-amis, dans 10 ans, quand la lecture sur tablette sera devenue majoritaire, tu ne toucherais rien du numérique (l’économie du don restera minoritaire). La non rivalité fait que les règles ne sont pas les mêmes que pour les biens matériels, mais rien n’interdit de faire un système équitable (pour toi et pour tes lecteurs). Rappelle toi que sous Unix, il y a la commande "ln -s" et pas seulement "cp". Garder le lien avec l’auteur (donc le rémunérer) est un vrai partage. Les commonistes juristes magnifient la "copie", mais ne savent pas que le Net peut faire des "liens". (voir mon blog)

Thierry Crouzet @ 2013-11-26 22:29:20

Si on n’est pas capable d’éduquer à la rétribution des auteurs, on n’en sortira pas. La seule autre piste, c’est la pénalisation, et j’en veux pas. Pas plus que d’un organisme central qui rémunérerait les auteurs.

J’ai pas le solution miracle... personne ne là encore, il me semble.

Laurent Fournier @ 2013-11-26 22:45:22

Il ne s’agit bien entendu de ne pas durcir la répression, car on sait qu’elle est contre-productive moralement et économiquement, mais il y a un énorme écart avec la "légalisation". On peut très bien ne pas légiférer tant que le Net fait sa crise d’ados. Ce qui bloque tout, c’est un système de paiement numérique simple, open-source, décentralisé, gratuit. J’avais il y a deux minute envie de t’acheter "Babyfoot", mais l’idée de retrouver ma CB, générer une virtuelle par crainte de me la faire pirater et que tu laisses une part à VISA…c’est cela qui merde avec le Net, et c’est pourquoi je fais comme beaucoup, je prends des Torrents, mais autant je n’ai pas honte à pirater un film de Hollywood, autant cela m’embêterait d’y trouver tes bouquins. Alors, oui, il faut que cela reste "temporairement non légal" en attendant la solution…et je sais que c’est prétentieux de ma part de dire cela, mais je pense l’avoir trouvé; le "Partage Marchand". Thierry, on est encore dans le Farwest sur du Net, parler d’éducation, c’est comme vouloir taxer la mafia…cela fait juste rigoler. La vrai ennemi s’appelle GoogleWallet.

Thierry Crouzet @ 2013-11-26 22:57:28

On a un problème avec l’abondance... Il faut trouver une solution pour rémunérer les créateurs sans passer par un système centralisé (qui serait pire que la pire des HADOPI).

Suis ouvert... à toutes les idées. :-)

laurent Fournier @ 2013-11-26 23:03:14

http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/90/83/14/PDF/mstheory.pdf

N’hésites pas à me demander si c’est pas clair.

ou regarde mon blog (http://cupfoundation.wordpress.com), mais je n’ai pas ton style!

Louis @ 2013-11-27 14:16:34

Je trouve le sujet très intéressant parce que bien ciblé et pouvant ouvrir sur des propositions concrètes ce qui n’est pas généralement le cas à propos des Réformes sociétales. Je suis donc intéressé à suivre les discussions et participer à l’élaboration collective de propositions.

Première apport très modeste: le sens des Commons n’étant pas encore très clair, je suggère de garder à l’esprit son sens le plus courant chez nos voisins britanniques dont on oublie souvent qu’ils furent les précurseurs de la démocratie moderne (la Grande Charte de 1215, le "Bill of Rights" de 1689, ...). Ce sens qui nous intéresse se rapproche du sens du "partage", "collectif", "lié à la communauté". Ainsi dans les deux expressions anglaises très courantes: (a) "We went for a long walk in the common" qui signifie " nous avons fait une longue promenade dans le parc (communal)" et, bien sûr (b) " the House of Commons" qui est le nom de leur "seconde chambre", élue démocratiquement, c’est à dire en quelque sorte leur Sénat.

À suivre... ;-)

Thierry Crouzet @ 2013-11-28 07:19:58

@Laurent Intéressant, je creuse... Faut boire un verre pour discuter de tout ça :-)

@Louis une belle promenade dans le parc, c’est exactement comme ça qu’il faudrait voir la vie.

Menbiens @ 2013-12-04 17:27:31

Bonjour,

Juste un petit mot pour vous dire que nous avons désormais aussi traité la question de la libéralisation du partage ici :

http://menbienscommuns.com/2013/12/04/legalisation-du-partage-non-marchand-de-qui-se-moque-t-on/

NB. Nous sommes toutefois d’accord avec les commonistes sur beaucoup de sujets, tels que l’accès aux travaux de la recherche. Ils ont vraiment beaucoup de mérites.

Didier Galand @ 2014-05-19 20:27:00

La centralisation et l’autoritarisme seraient donc inévitables? Pourquoi?

Thierry Crouzet @ 2014-05-19 20:40:00

C’est la centralisation qui entraîne l’autoritarisme... le modèle pyramidal... avec un zozo en haut... pour ne pas tomber dans l’autoritarisme, il faut éviter la centralisation et distribuer les pouvoirs.

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