Je tourne en rond depuis des semaines. Cette hésitation vient avec la conscience accrue que l’outil influence mon écriture. En même temps, je ne sais plus trop où j’en suis avec mon art. Isabelle me dit que si je me pose autant de questions avant de la quitter, elle le verra venir.
J’ai deux livres achevés pour l’année prochaine. Et après ? À quoi bon ? Je me demande le sens de tout cela. Parfois j’ai envie de fuir, de disparaître, de m’enterrer. Je sais que c’est un sentiment commun à tous les auteurs, surtout quand le succès commercial ne les a pas attachés à une routine.
J’éprouve aussi le besoin de revenir au carnet, à des annotations plus personnelles. À force de bloguer, je n’écris plus que pour la publication immédiate. Tout ce qui est intime, doute, rêverie est écarté, repoussé, retardé. Certaines choses doivent être écrites et pas données à lire tout de suite.
Je lis On Keeping a Notebook de Joan Didion. Et je vois tout ce que j’ai oublié, tout ce que j’ai laissé échapper depuis des années. Comme le désir de replonger dans les notes anciennes, de les faire réémerger dans le présent, à travers le blog, les remettre à leur place dans une chronologie. Bloguer à rebrousse temps, rétrospectivement. Me prêter à l’art du rétroblog.
Alors oui, j’écris ce premier texte sur un Mac. C’est sans rapport et à la fois lié. On change de lieu pour changer de vie. Je change d’écran, de raccourcis clavier, d’habitudes vieilles de trente ans, et je sens mon cerveau se révolter, se demander à quoi bon. Apprendre une nouvelle langue aide les personnes âgées à préserver leur santé mentale. Il doit en être de même avec un nouvel outil.
J’ai tenté d’utiliser le PC le plus avancé d’aujourd’hui, la machine à mon sens la plus à la pointe, elle s’est avérée trop fragile, trop imparfaite pour un usage quotidien. Alors j’ai décidé, si on peut dire, d’aller voir où on se préoccupe un peu des auteurs, où on continue d’inventer pour eux des outils.
J’ai déjà tenté de quitter Windows. J’en ai fait un livre en 2003. Le récit d’un divorce avorté. Je recommence, un peu comme ces hommes qui quittent leur femme et vite en retrouvent une autre et déménagent avec elle leur ancienne paire de pantoufles.
Je dois m’y résoudre, je ne peux pas encore tout faire avec une seule machine. La métaphore s’impose à nouveau, certains hommes ne pouvant tout faire avec une seule femme. Je ne suis pas de cette espèce, voilà pourquoi je cherche la machine idéale. Et je dois contre ma nature m’imposer l’adultère. Pendant quelque temps, j’écrirai et dessinerai en extérieur avec un iPad et je travaillerai en intérieur avec un MacBookPro.
C’est un nouvel univers. Je me sens gauche au clavier de cette machine. Très beau, très confortable, mais qui exige des combinaisons de touches exotiques. Je ne cesse de faire des requêtes sur le Net en même temps que j’écris ces lignes, presque douloureusement. Et je tombe sur une perle :
Pour saisir le caractère pipe (|) sous Mac OS, il suffit de saisir la combinaison de touches clavier suivante : Alt + Maj + L
Vous avez dit simple. C’est juste une autre logique. Sur Mac, tout est plus clair, plus fin, plus précis, plus délicat. Je n’ai aucune idée de l’endroit où s’enregistre mon texte. C’est assez flippant. Je le copie/colle dans un mail pour le sauvegarder. Le temps de comprendre. Je n’aime pas trop cette invisibilité du système. Cette perte de contrôle. Et peut-être que le Mac nous impose de lâcher prise. De renoncer à une certaine responsabilité. Je sais déjà qu’en politique ce n’est pas une bonne chose. Je suppose qu’il en va de même avec nos outils.
Il me faut m’approprier ce qu’Apple veut me cacher pour mon bien. J’ai mis les pieds dans un système totalitaire. Je dois maintenant le subvertir. Je commence par récupérer mon arborescence de fichiers. Ma vie numérique. Et tenterai de m’y maintenir, pour pouvoir m’échapper si nécessaire avec ma valise.
Notes
Je suis les conseils de David Bosman. Tout est un peu de sa faute d’ailleurs. À force de me donner des envies, il a fini par me tenter. J’ai écrit ce premier texte en Markdown avec Day One.
J’ai effectué les dessins sous iPad avec Paper et Procreate et le stylet JotPro. Comme j’ai le pouce droit attelé depuis mon accident de ski, la peau de ma main ne touche pas l’écran et n’y laisse pas de marques fantômes. Un moyen économique de transformer un iPad en Surface.
Je trouve que le boîtier du MacBookPro chauffe à l’usage, et plutôt plus que celui du Lenovo. Mais je n’ai jamais entendu le ventilateur.
Les installations des fichiers me paraissent lentes comparé à Windows 8.1. En suite, la fluidité est remarquable.
Quand je prends le Mac sur les genoux, le bord du boîtier taille les paumes de mes mains. Pas très agréable. Je parle de tout cela pour bien dire que ce n’est pas la machine idéale.
Les 200 g supplémentaires par rapport au Lenovo ou à un MacBookAir ne sont pas négligeables. La différence assez notable pour rendre la prise de note à la volée sur les genoux difficile. Ce qui confirme mon choix de l’iPad comme machine nomade.
J’apprécie l’intégration d’Antidote, disponible partout dès qu’un texte est sélectionné.