Hier, en fin d’après-midi, je suis en voiture avec Émile, bientôt sept ans. Il est assis à côté de moi, sur le siège avant de l’utilitaire familial, son vélo et celui de son frère à l’arrière. Il tombe quelques gouttes, on a craint un fort orage, ce qui nous a découragés de pédaler.
Émile : Tu sais, papa, je crois en Dieu. Ben oui, Dieu, c’est tout ce qui se mange. Toi, aussi tu crois en Dieu.
Moi : Si tu veux, Dieu c’est tout ce qui existe.
Émile : Donc Dieu se mange. Sam m’a dit ce matin que Dieu a créé la terre. Il dit n’importe quoi. La terre ne se mange pas (et il éclate de rire).
Moi : Tu lui as répondu quoi, à Sam ?
Émile : Que des milliards de cailloux tournaient autour du soleil et qu’ils se sont rencontrés et qu’ils ont formé la terre. Mais l’eau, comment elle est arrivée ?
Moi : Avec les comètes, des blocs de glace… Tout ça se crée quand les étoiles explosent. Elles crachent de la matière autour d’elles.
Émile : Il existe des milliards d’étoiles.
Moi : Oui, au moins 100 milliards rien que pour notre galaxie.
Émile : D’autres gens vivent là-haut.
Moi : Probablement.
Alors mon regard se porte sur le bas-côté mal entretenu, sur une zone de friche en voie d’urbanisation. Et je me demande à quoi bon rêver des étoiles si on n’est même pas capable collectivement d’entretenir notre jardin. Le désir de fuir, vers un monde vierge, pour tout recommencer, encore une fois tout saccager.
En même temps, je ne cesse de penser aux étoiles. Au miracle de la vie. À la beauté presque insoutenable. À l’émerveillement gourmand de mon fils. Et, ce matin, je découvre que François Bon bidouille une version ebook de La forme d’une ville de Gracq. Cette simple évocation me fait replonger dans les rues de Nantes, dans les paysages urbains ou non de Gracq, dans ses notes, ses fragments, cette forme parmi les plus exaltantes de la littérature, et qui ne peut que m’encourager à bloguer, à émietter les impressions comme les réflexions.
Et je découvre que Gracq écrit La forme d’une ville à 75 ans, La presqu’île, pour moi son chef d’œuvre, à 60 ans. Alors je me sens soudain jeune, tout aussi près des étoiles qu’Émile et la vie est merveilleuse. Ne reste qu’à l’enchanter.