Thierry CROUZET
Quand le lecteur se révolte
Quand le lecteur se révolte

Quand le lecteur se révolte

Narvic me suggère de lire Le Maître ignorant : Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle de Jacques Rancière. Je découvre alors que l’ebook est plus cher que le livre de poche, rien de très surprenant en France.

eBook trop cher
eBook trop cher

Qu’est-ce que je dois faire ? Je ne vais pas renoncer à lire sur ma liseuse à cause de ce désagrément, mais je ne vais pas non plus accepter la politique réactionnaire de l’édition française (généralisation abusive, j’espère).

Voici ma tactique d’activiste :

  1. J’achète la version ebook, plus particulièrement la version mobi pour Kindle.
  2. J’utilise Kindle DRM Removal pour virer les DRM et copier ce fichier sur Calibre pour pouvoir l’installer sur toutes les machines de la maison (j’achète sur Kindle, car le craquage est plus simple que sur les autres plateformes).
  3. Et pour punir une stratégie commerciale stupide, je balance le livre sur les torrents. Dans quelque temps, il se retrouvera partout.

Mesquin. Puéril. Mais que faire d’autre ? Le livre est vendu, 7,99 €, soit 7,55 € hors taxe, sur quoi Amazon ponctionne 30 %, reste donc 5,28 € pour l’éditeur. Si Jacques Rancière gagnait 2,6 € sur mon achat, soit la moitié du revenu éditeur, j’aurais peut-être plus de scrupules. Dans les faits, s’il a négocié un mirifique contrat ebook à 25 %, il gagne 1,8 € (et la probabilité qu’il gagne quatre fois moins est très forte).

Petit rappel. Sur un poche, un auteur gagne souvent pas plus de 5 % du prix hors taxe, donc sur ce coup Rancière touche environ 35 centimes. En achetant une version ebook au prix actuel, dans un monde où les éditeurs seraient partageurs avec leurs auteurs, je lui fais théoriquement gagner autant qu’en achetant sept poches. Je peux donc avec moins de scrupule faire circuler les fichiers.

Maintenant, si cet ebook était proposé à 2,99 €, Rancière toucherait près de 1 € sur la base du partage des revenus. L’auteur et le lecteur seraient gagnants, et l’éditeur aussi qui serait sans doute moins piraté. Tant que nous constaterons ce genre d’abération, arrêtez de réflechir à comment développer la lecture numérique en France. Cette lecture se développe, mais hors du champ de l’édition, ici-même, sur le Web.

PS : Le plus drôle, quand Isa voit cet article, elle me dit qu’on a déjà la version papier et que j’en ai lu le début en lui disant que c’était nul. Une occasion de réviser mon jugement, peut-être que j’apprécierai mieux ce livre en électronique.

TheSFReader @ 2014-03-30 09:02:52

Perso, je suis aussi dégoûté que toi par ces prix à la con, mais n’irai pas jusqu’à mettre le livre à dispo...

Mais sinon, tu as remarqué le prix du livre d’occasion ? 4€14... Donc des gens sont près à payer 4€14 pour une version occasion, SANS se poser de question sur la rémunération des auteurs/éditeurs. Et c’est légal !

Les éditeurs n’auraient-ils pas intérêt à tenter d’assécher ce réseau là plutôt ? Convertir les lecteurs "occasion" en lecteurs numériques ?

Thierry Crouzet @ 2014-03-30 09:08:18

Les éditeurs (généralisation biensûr abusive) sont comme beaucoup de gens, ils ne veulent pas changer leur routine (ce qui est plutôt inquiétant pour des gens sensés promouvoir la littérature, donc un changement permanent de routine).

La conséquence, la littérature se déplace en ligne...

TheSFReader @ 2014-03-30 09:42:44

Oui, "les éditeurs", "les auteurs", "les lecteurs", "les pirates" ... que de généralisations abusives. Mea-Culpa, j’essaierai de faire encore plus attention.

Sur un déplacement de la littérature en ligne, j’ai bien peur qu’elle se fasse sans moi. Déjà parce que je ne suis pas un fervent littéraire, mais aussi parce que pour moi (comme je le dis en commentaire à un autre billet de ma TL ce matin http://www.archicampus.net/wordpress/?p=2390 ) le "en ligne" va à l’encontre d’un des éléments que je considère fort du livre (numérique ou non) : l’atomicité/persistence.

Mais je ne suis qu’un lecteur, et i est bien possible que "les lecteurs" en aient une vision toute différente, et plus encore "les littéraires" ;-)

Thierry Crouzet @ 2014-03-30 10:47:30

J’ai pas mis la parenthèse pour toi, mais surtout pour moi :-)

Je suis d’accord sur la nécessité du temps long... mais on en est à une phase de transition technologique... on va retrouver ce temps long en ligne qui implique aussi un temps long d’écriture.

JDZ @ 2014-03-30 21:58:01

J’ai juste pas le temps d’écrire des billets en gestation , qui par ailleurs, échappent totalemement au droits d’auteur. Je n’ai aucune prétention à vivre de ma plume (une illusion romantique qui n’a pas nourri beaucoup de monde). Ces comportements dinausauresques me font donc largement sourire et j’agrée ta "libération" sauvage même si cela n’a au fond aucun impact.

Si l’internet n’était pas libérateur, pourquoi les Janoukovitch ou les Erdogan prennent tant de temps à l’entraver? La démocratie n’a besoin d’un seul réseau, celui des hommes concients, le reste n’est que tehnologie...

Julien Boyer @ 2014-03-31 23:24:49

Je trouve ton comportement absolument immoral.

Tout d’abord, l’utilisation de torrent pour la propagation d’un ebook est très innapropriée. Les torrent sont voulus pour des fichier lourds nécessitant l’agrégation de plusieurs serveurs pour rendre le téléchargement plus rapide. Pour un si petit fichier, c’est un peu comme d’écraser une mouche à coup de bulldozer. Un lien en téléchargement direct aurait été plus approprié.

En plus, la recherche "Maitre ignorant rancière torrent" sur gogole, avec ou sans "mobile" ou "epub" ne donne rien. Il faut aussi pouvoir trouver un torrent.

Tant qu’on est dans les geekeries, le choix du format mobi, non standard, est une vision à court terme. Les formats standard-libres comme epub ont de bien meilleures chances de rester lisibles avec le temps. Avec mobi, on est à la merci d’Amazon.

D’ailleurs, 30% de tes roupettes vont à cette entreprise qui a inventé la plateforme de distribution des livres, tuant dans l’œuf le partage des revenus équitables. Le jour ou le Kindle est sorti, je me suis juré de jamais n’acheter de livres sur Amazon, et n’ai péché qu’une seule fois depuis.

Voilà, à part ces petites critiques, faussement indignées, qui ne sont là que pour rappeler que personne n’est parfait, je trouve ton comportement exemplaire. S’il y avait un prix Nobel de la culture...

Confronté au même problème, je suis parvenu à une solution vaguement ressemblante : http://julienboyer.net/blog/hissez-le-pavillon-noir/ . J’espère que tu (ou un autre perfectionniste obsessif) y trouvera quelque chose à redire.

Thierry Crouzet @ 2014-04-01 08:45:53

J’ai encore rien fait... j’ai acheté le livre, j’ai même pas commencé à le lire... j’ai pas enlever les DRM, et l’ai pas encore converti en epub pour le partager :-)

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