Je ne crois plus au tout gratuit, aux contenus diffusés à tous les vents sur le Net dans l’attente que de généreux donateurs se manifestent. J’ai exprimé mes doutes depuis quelques mois, en même temps que je comprenais que nous ne faisions ainsi qu’alimenter le capitalisme cognitif. Nous avons rêvé de la société du don, en utopistes, sur la base d’intuitions. C’était une belle idéologie, mais une idéologie tout de même (notez que le théoricien de cette idéologie, lui, a toujours été payé pour prêcher sa théorie).
Après une vingtaine d’années de mise à l’épreuve, nous ne pouvons pas dire que le modèle fonctionne au-delà de quelques niches. Il ne faut pas tout jeter, loin de là. Par exemple, dans le Business to Business, notamment en informatique, c’est OK. Deux acteurs développent un bout de logiciel, ils le libèrent, échangeant leurs créations, ce qui leur permet d’avancer plus vite chacun de leur côté. Même les GAFAM utilisent ce mécanisme de don et contre-don.
C’est beaucoup plus compliqué dans le Business to Consumer. Par exemple, un écrivain qui diffuse son texte et attend une rétribution de ses lecteurs. Je ne nie pas que cette technique marche dans quelques cas, mais elle marche moins bien que le modèle traditionnel de la vente. Généralement avec le don, on ne récupère pas de quoi remplir son frigidaire, encore moins payer son loyer (j’avoue que la plupart des écrivains ne remplissent pas davantage leur frigidaire en vendant leurs livres, mais certains assez nombreux y parviennent… et d’ailleurs le don est souvent choisi par ceux qui ne parviennent pas à vendre, il n’est souvent qu’un pis-aller, pas toujours reconnu comme tel, tout est le problème).
Pourquoi alors ai-je défendu la société du don et le libre ? Parce que j’estime que nous ne devons pas limiter l’accès à la culture par des considérations financières. Mieux nous accédons collectivement à nos créations, plus nous augmentons notre intelligence collective, donc plus nous avons de chances de résoudre les problèmes complexes, à commencer par celui épineux du vivre ensemble. Je n’ai pas changé d’avis à ce sujet, mais je sais aujourd’hui que nous pouvons poursuivre cet objectif autrement.
J’ai vraiment compris les systèmes monétaires le jour où j’ai joué pour la première fois au Jeu de la Corbeille imaginé par Sybille Saint Girons, dont il existe désormais une variante plus complexe ?economicus. Le principe est simple : on se rassemble à une vingtaine ou plus et on simule divers systèmes monétaires : le troc, le crédit mutuel, l’argent-dette (notre euro), ou même une monnaie libre comme la ?1 (prononcer « June »).
À chaque partie, le constat est sans appel : le troc, avec don et contre-don, fonctionne mal. Peu d’échanges s’effectuent, l’économie n’est pas vivante. Nous avons pourtant rêvé de mettre en place un tel système sur le Net. C’était une erreur, d’autant que les GAFAM ont phagocité nos créations.
Pour autant, l’argent-dette n’est pas la panacée. Le jeu le montre. Si l’économie est vivante, elle engendre des inégalités, tout en enrichissant démesurément les acteurs financiers, pendant que les plus pauvres endettés jusqu’aux oreilles finissent en prison. Vendre en euros, c’est de fait se placer dans ce système efficace, mais humainement primitif.
On peut donc jouer avec des monnaies alternatives, et notamment la ?1, la première et unique monnaie libre à ce jour. C’est une cryptomonnaie reposant comme Bitcoin sur la technologie blockchain, mais les similitudes s’arrêtent là. Quand vous rejoignez la ?1, vous touchez tous les jours un revenu de base, avec lequel vous pouvez commencer à échanger (le minage est rémunéré, mais ce n’est pas de cette façon que se fabrique la monnaie).
Au cours des parties, l’économie ?1 est tout aussi dynamique que l’économie argent-dette, mais les inégalités sont réduites, d’autant que cette monnaie décentralisée fonctionne sans banque. Par ailleurs, comme tous les acteurs reçoivent un revenu de base, ils peuvent l’utiliser pour accéder aux biens ou connaissances qui leur paraissent indispensables.
Je peux donc vendre mes livres en ?1 et si vous les achetez avec votre revenu de base, c’est un peu comme si je vous les donnais. Simplement, votre revenu de base étant limité, vous ne pouvez accéder à l’ensemble des livres vendus en ?1, mais seulement à ceux qui vous paraissent importants (et que vous avez le temps de lire). Une subtile équation est ainsi résolue : le libre accès n’empêche pas la vente. C’est un progrès gigantesque, tant conceptuel que philosophique, et qui pourrait avoir des répercussions dans toute la société. L’utilisation d’une monnaie de type ?1 encadre l’abondance propre au Net sans pour autant raréfier les ressources.
J’ai donc décidé de vendre tous mes ebooks en ?1 à partir d’aujourd’hui. Je fixe arbitrairement le prix à 50 ?1 par livre. J’ajusterai ce prix au fil des semaines en même temps que de plus en plus d’acteurs économiques rejoindront ?1.
La ?1 repose sur une toile de confiance. Pour rejoindre la monnaie, vous devez être certifié par cinq de ses membres qui doivent vous connaître, ainsi affirmer que vous existez vraiment. Rendez-vous sur le site de Duniter, la technologie à la base de ?1 pour en apprendre plus. Des apéros monnaies libres sont régulièrement organisés un peu partout.
Si vous voulez acheter mes livres en ?1, voici ma clé publique :
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Si nous sommes amis, si nous nous sommes déjà vu IRL, je peux vous certifier. Lisez d’abord la licence ?1.