Voici le premier chapitre de Mon père, ce tueur, mon roman le plus intime, qui sort pour la rentrée littéraire 2019. Cet extrait est également disponible chez les librairies en ligne ainsi que sur le site de La manufacture de livres, mon éditeur.
Mon père était un tueur. À sa mort, il m’a laissé une lettre de tueur. Je n’ai pas encore le courage de l’ouvrir, de peur qu’elle m’explose à la figure. Il a déposé l’enveloppe dans le coffre où il rangeait ses armes : des poignards, une grenade, un revolver d’ordonnance MAS 1874 ayant servi durant la guerre d’Espagne, une carabine à lunette, et surtout des fusils de chasse, des brownings pour la plupart, tous briqués, les siens comme ceux de son père, grand-père et arrière-grand-père, une généalogie guerrière qui remonte au début du dix-neuvième siècle. Sur les crosses, il a vissé des plaques de bronze avec les noms de ses ancêtres, leur date de naissance, de mort. Sur l’une, il a indiqué : « 1951, mon premier superposé, offert pour mes 15 ans ».
Le coffre est noir, un cercueil planté à la verticale dans mon ancienne chambre transformée depuis mon départ de la maison en bureau. La porte blindée pivote en douceur sur un râtelier damassé de velours surmonté d’un tiroir qui ne contient que l’enveloppe, blanche, épaisse d’une poignée de feuillets sans doute pliés en quatre. Dessus, mon nom et une consigne : « À OUVRIR LE JOUR DE MON DÉCÈS. » Trois ans ont passé, trois ans que je pense à cette lettre, trois ans qu’elle m’effraie, trois ans que je ne trouve pas le courage de l’ouvrir.
Depuis trois ans, j’en restais à ce constat définitif : « mon père était un tueur ». Et puis, ce matin, j’ai écrit « Jim était un tueur. » Une faible lueur s’est mise à briller dans le lointain, j’ai osé un pas vers elle, ou plutôt vers mon père, ou tout au moins vers Jim qui était son surnom de guerre en Algérie. Ce n’est plus mon père le tueur, mais Jim, son double. En même temps que Jim s’imposait à moi, des souvenirs enterrés dans les profon-deurs de ma mémoire ont émergé.
Je devais avoir quinze ans. C’était l’été 1978, la canicule. Ma mère hurlait contre ma grand-mère paternelle, la mère de Jim, sénile, qui mangeait ses excréments et que nous confinions dans une chambre à la porte verrouillée. Elle souffrait peut-être d’un Alzheimer, même si je n’ai jamais entendu ce diagnostic. Ma mère ne supportait plus de devoir la nourrir à la becquée, de devoir la laver, l’habiller, changer ses draps. Aucune femme de ménage n’acceptait longtemps de nous aider, tant l’odeur était âcre. Le calvaire durait depuis des années. Nous devions nous résoudre à demander une assistance médicale, mais Jim refusait de faire interner sa mère. Sans pour autant s’en occuper, il voulait qu’elle termine sa vie chez nous.
Ma mère menaçait de le quitter. Elle faisait grève. Puis Jim réussissait à la retourner, avec fleurs, cadeaux, papouilles et promesses. La fois suivante, la crise était plus violente. Je me taisais, incapable de prendre parti comme de formuler le moindre jugement. Je tentais de me rendre invisible pendant que les insultes fusaient au-dessus de moi.
Ma mère montait seule au front, s’attaquant du haut de son mètre soixante à Jim, un colosse, un grand blond aux yeux bleus, larges épaules, immenses mains ; un Suédois né par erreur dans le midi de la France, fils unique de parents eux-mêmes méridionaux, qui l’avaient vénéré et lui avaient passé tous ses caprices, au point de le transformer en une divinité toute-puissante.
– Je pars ! lui a lancé ma mère pour la centième fois.
Tremblant de rage, il s’est levé, il a couru vers le garage, où il rangeait alors ses armes, avant de revenir avec son cinq coups.
– Si c’est comme ça, je vous flingue tous.
Je n’ai pas réfléchi, j’ai bondi, foncé dans le jardin. Plutôt que de me diriger vers le portail d’entrée, j’ai escaladé le mur des voisins, traversé leur terrain, franchi un autre mur et rejoint la rue. J’ai atterri au café de ma grand-tante, la sœur encore vaillante de ma grand-mère. Elle m’a fait boire un verre d’eau, j’ai mis longtemps à me calmer.
Pendant qu’elle envoyait quelqu’un voir mes parents, je restai prostré. Je pensais à un de mes copains, assassiné par son père. Un mercredi matin, pendant les vacances scolaires, l’enragé avait déboulé chez lui, un pistolet au poing. Mon ami avait tendu devant lui une chaise pour se protéger. Les balles l’avaient cueilli à travers. Sa mère et sa sœur avaient été abattues à l’étage, dans la salle de bains. L’assassin s’était ensuite donné la mort. Une histoire de dettes. Une affaire d’amour-propre.
Je m’étais souvent répété que le même drame pouvait frapper ma famille. Jim aussi avait de l’amour-propre, doublé d’un sens moral paradoxal puisqu’il n’avait foi qu’en lui-même. Que sa femme le quitte, il ne l’aurait jamais accepté. J’en étais sûr. Il aurait pu nous flinguer pour ne pas avoir à subir la honte. Le regard des autres comptait pour lui. Il lui fallait la plus belle bagnole, le plus impressionnant tableau de chasse, les amis les plus fortunés. Il en rajoutait, il se vantait. Un divorce aurait gâché le portrait supposé idyllique que ses admirateurs se faisaient de lui. À croire qu’il ne vivait que pour eux.
Avant cette énième crise entre mes parents, j’avais souvent pensé à mon ami, dissimulé derrière sa chaise, suppliant son père, l’implorant, paralysé par la surprise et l’incompréhension. Je ne voulais pas finir comme lui, sans la moindre chance de m’en tirer. J’imaginais Jim avec son fusil pointé sur moi, je vivais et revivais cette situation, de mon point de vue aussi bien que de celui de Jim, variant les scénarios à l’infini. Je calculais comment m’en sortir, choisissant toujours de m’enfuir par le jardin plutôt que par l’entrée principale. Et tout s’était passé comme je l’avais pressenti. Je n’avais pas de don de voyance, simplement depuis des années je vivais sous tension, anticipant le pire. Il m’est difficile de mesurer combien cette pression qui a longtemps pesé sur moi m’a façonné. Je reste encore souvent sur la défensive, méfiant, sur le qui-vive, surtout quand je suis au milieu d’une foule. Ce n’est que seul, dans la nature, que je me sens libre, soulagé, protégé.
Ma grand-tante a fini par me renvoyer chez mes parents. La nuit tombait, Jim pleurait, ma mère le serrait dans ses bras. Il s’est excusé. Il m’a demandé pardon. Il nous a juré de ne jamais nous faire du mal. Il a esquissé un geste vers moi, j’ai refusé qu’il me touche. Je n’ai rien dit, je me suis réfugié dans ma chambre. Les heures ont passé, je ne trouvais pas le sommeil, j’étais sur mes gardes, prêt à me défendre, prêt à décamper. Je me racontais des histoires, simulais dans ma tête des scénarios d’évasion, tous susceptibles de sauver ma peau. Quand je n’ai plus eu la force de tenir éveillé, j’ai coincé une chaise derrière la porte, le dossier sous la poignée. Si Jim surgissait, le bruit me réveillerait, je roulerais hors de mon lit, ouvrirais la porte-fenêtre, m’échapperais par le jardin.
J’ai gardé cette habitude de me protéger d’une chaise contre la porte aussi longtemps que j’ai dormi chez mes parents ; durant mes études, et même plus tard quand je suis devenu journaliste et que je revenais de Paris pour les vacances. J’ai toujours eu peur de Jim. Je savais qu’il avait déjà tué au cours de la guerre d’Algérie. J’étais persuadé qu’il pouvait recommencer. Dès qu’il y avait des problèmes dans le monde, il prétendait que la violence pouvait les régler. Massacrer était une solution radicale. Une possibilité simplificatrice à laquelle les militaires l’avaient initié. Quand il nous a dit « si c’est comme ça, je vous flingue tous », je l’ai pris au sérieux.
Souvent, Jim rentrait à la maison avec le coffre de la voiture rempli de canards, de lièvres, de bestioles sanguinolentes qu’il étalait devant le garage. J’en avais la gerbe. Il s’agenouillait derrière ses proies et je devais le photographier. La photo finissait encadrée, affichée au-dessus de son bureau, un musée de nécrophile, avec des vitrines bourrées d’oiseaux empaillés.
Ils provenaient de l’étang autour de chez nous, de Camargue, d’Espagne, du Maroc, du Sénégal, d’Argentine ou d’Uruguay. Jim chassait partout, dans l’hémisphère sud quand la chasse était fermée en Europe. Il partait en bande avec ses amis chirurgiens, notaires, architectes. Il accompagnait à l’affût Gaston Defferre, alors ministre de l’Intérieur, pas très bon tireur, à qui il donnait quelques pièces pour que le grand homme ne paraisse pas ridicule à son retour au rendez-vous de chasse.
Jim n’avait pas fait d’études, mais ses copains, oui. Il éveilLait leur admiration. Lui qui était un calculateur spontané, capable d’effectuer à une vitesse record des opérations sur de grands nombres, avait préféré vivre dans la nature plutôt que dans une salle de classe, puis un bureau. Ce surdoué avait un crâne de savant si imposant que, quand il a été incorporé dans la marine, le fourrier a dû lui commander un béret à pompon et un casque sur mesure.
Il n’était pas hydrocéphale. Ses proportions étaient parfaites. Il avait fait des ravages chez les filles dans sa jeunesse. Ses compagnons de chasse tombaient sous son charme, oubliant que ses neurones surpuissants s’étaient spécialisés dans le meurtre. Jim ne tuait pas pour nous nourrir. Il se livrait à des massacres, pouvant abattre des centaines de canards en une nuit. Il les tirait toujours en vol, parce que c’était plus difficile, aussi pour leur donner une chance. Il les considérait comme des adversaires qu’il se devait de respecter. Il croyait à cette fable. Même les cerveaux les plus doués ont le don de s’illusionner, et le sien plus que tous les autres.
Jim racontait des histoires extravagantes, exagérées, impossibles. Quand il montait à Paris en voiture, c’était à la vitesse d’un TGV. Quand il évoquait ses revenus, il les multipliait par dix, quitte à attirer l’attention du fisc. Quand j’ai construit ma maison, il disait à tout le village que les gendarmes la photographiaient, sous prétexte que son architecture choquait par rapport à celLe des maisons du voisinage. Très tôt, j’ai douté de la réalité de ses amis, de ses exploits, jusqu’aux éléments les plus anecdotiques de sa vie, mais il était lui-même si convaincu que mon incrédulité ne pesait guère.
Quand Jim ne chassait pas, il pêchait. Il avait appris le métier avec son père, lui-même avec son père et ainsi de suite. Pas plus que la chaleur, le froid ne le décourageait de prendre le large avec sa barque. Un hiver durant lequel les rives de notre étang étaient gelées, Jim relevait ses filets lorsqu’il a deviné à quelques encablures trois points sombres à la surface de l’eau. Il ne pouvait s’agir de nageurs en cette saison. Il s’est approché à la rame, en silence, identifiant bientôt une laie suivie de deux marcassins qui traversaient une anse pour alLer grignoter les chênes verts au pied des falaises.
Jim n’avait pas son fusil avec lui. Mais pas question qu’il laisse échapper les sangliers. Il a commencé par taper sur la tête de la laie à coups de rame. Elle vagissait, braillait, gargouillait, coulait et remontait pour respirer, ses pattes battant désespérément l’eau, pendant que ses petits s’enfuyaient. Jim frappait plus fort. Le sang aveuglait la laie, qui peu à peu manquait de force. Jim lui a passé une corde au cou et l’a attachée à un des tangons de la barque. Il a démarré son moteur, traînant sa prise derrière lui tout en poursuivant les deux marcassins. Il les a assommés avec la même fureur, les décapitant à moitié, puis, fier de sa victoire, il les a remorqués au port du village, accrochés à la suite de leur mère. Tout le monde le regardait. Il pavoisait. Durant des années, les témoins ont raconté son massacre : « Si nécessaire, il les aurait étranglés à mains nues. »
Quand il est arrivé à la maison avec les cadavres, j’étais épouvanté. Il m’a dévisagé, défié du regard, ivre de sang.
Jamais il n’a compris pourquoi je n’aimais pas la chasse. Pourtant il a tout tenté. Il m’a mis une carabine entre les mains avant que je sache marcher. J’avais cinq ans quand j’ai tué ma première et dernière tourterelle. Je n’étais pas fait pour ça, ou j’étais en train de me faire contre lui, ou contre ce que la vie avait fait de lui.
J’ai toujours senti en lui la violence. Elle exerçait sur moi une forme de répulsion, souvent nauséeuse. Il s’en est aperçu, si bien que, quand je faisais des bêtises, il me punissait en m’emmenant à la chasse ou à la pêche, pour me rendre complice de ses plaisirs criminels. En hiver, j’ai traversé les marais de Camargue par des nuits glaciales. En été, j’ai levé les filets sous le soleil mordant. J’ai eu froid et j’ai eu chaud, me réfugiant en moi-même, rêvant de liberté et d’aventures exotiques.
J’ai fui ma réalité pour la supporter. J’ai lu et, plus les livres m’envoyaient loin, plus je les aimais, plus j’étais heureux, plus je niais le trou noir autour duquel je m’enroulais. Je suis devenu écrivain après une véritable invagination. Je me suis d’abord entraîné dans ma tête, en inventant des scénarios de survie. D’ailLeurs, j’ai commencé à tenir un journal intime peu après la menace de mort de Jim, peu après qu’une chaise bloque toutes les nuits la porte de ma chambre, peu après que la violence larvée se fut incarnée. Les mots m’ont servi de ballon d’air chaud. Ils m’ont aidé à léviter au-dessus du précipice que ma vie tentait d’enjamber.
Quand je replonge dans mes premières notes, je ne retrouve aucune mention de ces évènements douloureux, seulement mes espoirs pour une humanité radieuse. De Jim, il n’est jamais question. Tout au plus si j’ai relaté ce que je croyais avoir été mon unique crise d’adolescence : un soir, Jim m’avait interdit de regarder un film de science-fiction à la télévision, « une débilité », et je m’étais mis à dévorer des romans de science-fiction par vengeance. Au fil du temps, j’avais fait de cette passion l’acte fondateur de mon identité. Avec sa mort, Jim m’a donné le droit de me souvenir.
Je repense à cette journée caniculaire de l’été 1978 quand j’ai fui chez ma grand-tante, quand j’ai fui la violence de ma maison pour la paix d’une autre, où sans que je le sache un enfer couvait, qui n’allait pas tarder à exploser. J’adorais le fils de ma grand-tante, un fêtard qui roulait en Porsche, sortait avec des filles sublimes, voyageait aux quatre coins du monde. Sauf qu’il vivait au-dessus de ses moyens, buvait plus que de raison, sniffait de la coke. Alors qu’il avait dix ans de moins que Jim, il en paraissait vingt de plus. Un jour qu’il manquait d’argent, il a demandé à ma grand-tante de lui en prêter. Devant son insistance, elLe a pris peur, elle s’est enfuie, glissant dans les escaliers, dévalant au bas des marches, se brisant le corps et le crâne. Elle est morte deux nuits plus tard, son fils ne lui a pas survécu longtemps, bientôt rongé par un cancer, par les remords.
La violence est-elle chez nous congénitale ?
Même sur ces vieux jours, Jim ne cessait de nous menacer. Ma mère continuait de vivre avec la peur. Accompagné de mes enfants, j’allais tous les après-midi chez eux pour essayer d’adoucir leur vieillesse, et j’avais peur. J’ai caché ses cartouches. Il s’est moqué de moi, il en avait d’autres, partout. Il pouvait tenir un siège, il pouvait nous tuer, se tuer, et nous étions impuissants.
Jim est tombé en dépression, il s’est gavé de médicaments pour oublier les horreurs de sa jeunesse, dont malgré tout il nous parlait de plus en plus fréquemment, sans doute pour les exorciser. En guise de thérapie narrative, il a résumé son enfance et sa guerre d’Algérie en une vingtaine de pages manuscrites sur un bloc de correspondance. Ses premiers mots, placés en exergue : « Je n’ai raconté que les moments les plus terribles de mon séjour à Gabriel, trente et unième compagnie de la DBFM. J’ai eu de la chance d’en revenir VIVANT. »
Quand Jim m’a donné à lire sa courte autobiographie, je lui ai demandé pourquoi il s’était arrêté à la guerre. Il a haussé les épaules, me disant qu’il était fatigué. Je n’ai jamais accepté cette explication lapidaire. Depuis sa mort, j’ai lu et relu ses notes jusqu’à me persuader que la suite de sa vie n’était pas digne d’être racontée, comme si ma mère et moi avions moins compté que ce qui avait précédé.
Pourquoi n’ai-je pas coupé les ponts, déjà quand j’étais adolescent, quand je dormais derrière la protection dérisoire d’une chaise ? Peut-être par faiblesse, parce que j’étais attaché à mon confort. Jim me gâtait, m’aidant à réparer mes vélos, me portant sur ses épaules jusqu’au sommet du Ventoux pour suivre le Tour de France, m’achetant des trains électriques, des machines à calculer programmables, des ordinateurs, des romans, des BD, des vinyles, des motos, des voitures. J’ai même réussi à lui faire repeindre ma chambre avec des losanges colorés, lui imposant de longues heures de labeur. Il n’a jamais compté son temps pour me conduire au collège et au lycée, enchaînant les allers-retours entre midi et deux, parce que je n’aimais pas manger à la cantine. Il ne m’a jamais privé que de vacances. Lui, il partait à la chasse et il nous abandonnait à la maison, ma mère et moi. Ce n’était pas discutable et je ne m’en plaignais pas. J’avais notre presqu’île et notre étang comme terrain de jeu. Je n’ai pas souffert d’être cloîtré dans ces paysages. Je n’ai compris qu’a posteriori que Jim était égoïste, que ses plaisirs passaient avant les nôtres.
J’ai du mal à reconnaître que j’avais bien moins d’amour-propre que lui. J’étais prêt à subir quelques violences en échange de ma tranquillité. J’étais un esclave oublieux de son assujettissement. J’admirais mon maître, sa force, sa blondeur sauvage, sa stature, son intelligence, ses histoires, sa générosité, je l’aimais, et il m’aimait comme il aimait ma mère. Même si en lui quelque chose était cassé, il faisait tout pour nous rendre heureux. Il y réussissait le plus souvent. Hors de ses crises, aussi paradoxal que cela puisse paraître, nous avons vécu en harmonie, bien qu’au prix d’une lourde amnésie.
Aujourd’hui, alors que la mémoire se réédifie, je reste incapable d’ouvrir la lettre de Jim. Quoi qu’elle contienne, je devrais pourtant l’accepter, et pour cela, je dois l’accepter lui, je dois enfin le comprendre, parce qu’il n’est pas né tel que je l’ai connu, le monde l’a façonné, et ce monde m’a façonné également : coléreux, explosif, intolérant. Si je n’y prends pas garde, cette violence à travers Jim, à travers moi, pourrait modeler mes enfants dans le même sens pas très glorieux. Je dois casser l’hérédité familiale. Reconstruire. Et d’abord, je dois entrer en Jim, me mettre à sa place comme je le ferais avec un personnage de roman.
Mon père, ce tueur est disponible chez les libraires indépendants ainsi que chez les grandes enseignes physiques ou en ligne. Si vous aimez ce texte, parlez-en à vos amis, sur les réseaux sociaux, chez les libraires numériques, sur Babelio, un site vital pour la promotion de la littérature contemporaine.