Pour manifester, ils sont tous devant, pour faire grève et annuler des trains, ils ne manquent pas à l’appel, pour être à notre écoute, il faut repasser. J’en suis furieux aux larmes.
Mon beau-père est mort mercredi. Ma femme est montée à Nancy pour s’occuper de sa mère, de sa famille et des obsèques. J’étais à Paris pour soutenir mon fils aîné qui entame une prépa intense, pendant que mon fils de 15 ans restait chez nous avec sa grand-mère.
Aujourd’hui, lundi 3 octobre, il prend le bus pour Sète, arrive à la gare à 9h05, mais rate le TER de 9h24 pour Montpellier, où à 10h20 il a un Ouigo pour Paris où je dois le récupérer. Il rate ce TER parce qu’il est bousculé par la mort de son grand-père, parce qu’il n’a jamais pris le train seul, parce qu’on lui demande de grandir à toute vitesse.
Il m’appelle, je lui dis de prendre le prochain train. C’est un TGV à 9h40 en direction de Lyon. Mon fils n’est pas arrivé à Montpelier que le contrôleur AS163 lui colle 170 € d’amende. « Ça t’apprendra », voilà son commentaire. Mon fils a beau s’effondrer, lui parler de son grand-père, lui montrer son billet pour Paris, le contrôleur ne veut rien entendre. Il ne trouve même pas étrange que ce gamin à destination de Paris soit dans un TGV qui s’arrête à Lyon.
L’agent AS163 l’éjecte à Montpellier. Sauf que ce n’est pas en gare de Saint-Roch, mais en gare TGV perdue dans la pampa. Mon fils est paumé. Je dois gérer du mieux que je peux à distance, avec la culpabilité d’avoir fait monter mon fils dans un train qui n’allait pas à la bonne gare. Nous apprenons à ce moment que le Ouigo pour Paris aura 1h30 de retard, que par cascade derrière nous manquerons notre train pour Nancy.
Mais purée qui était ce contrôleur AS163 ? Le même qui évite de regarder les petits truands qui voyagent sans payer en toute impunité ? Le même qui interdit aux cyclistes d’embarquer ? N’aurait-il pas pu montrer un peu de compassion ? N’est-ce pas cela qui est attendu d’agents prompts à réclamer leurs droits et plus de justice sociale ?
Mais pas un geste, sinon une amende, qui vient s’ajouter à tous les billets perdus. Il n’aurait pas été plus simple, plus constructif, de conseiller à mon fils de rester dans ce train jusqu’à Lyon, puis de lui indiquer le bon TGV pour Paris. Non, le contrôleur a laissé mon fils à lui-même, à sa panique, à sa tristesse, et lui a lancé « Ça t’apprendra ». Oui, à ne jamais plus faire confiance à un agent de la SNCF. Voilà ce que ce contrôleur a gagné.
J’ai la rage et la tristesse dans tout le corps. Parce qu’aujourd’hui mon fils aurait pu voir un étranger lui venir en aide et éprouver de la reconnaissance dans son cœur. Il aurait pu apprendre le vivre ensemble. Peut-être ce beau geste aurait pu éveiller en lui un désir de servir les autres ou de les soigner. Mais il n’a reçu que mépris et froideur aveugle. Il a été traité comme un voleur et non comme un petit-fils en deuil.
J’écris ce texte, parce que je suis triste et impuissant. Je publie parce que je suis faible, parce qu’aujourd’hui je ne peux pas le garder pour moi. Je suis désolé pour tous les agents de la SNCF qui auraient agi autrement, mais qu’ils sachent qu’il y a des malfrats parmi eux.