Plus j’ai pédalé, plus j’ai eu mal au cul, mais je me soigne. Je vais vous raconter comment, par tâtonnements, j’ai choisi des selles de moins en moins pires pour moi. Peut-être que mon histoire vous aidera dans votre propre quête de la selle idéale et en retour participera à la suite de ma propre quête.
Au commencement
Je ne me souviens pas d’avoir eu mal aux fesses à vélo quand j’étais gamin. Je passais mes journées à pédaler, sans jamais me plaindre alors que je portais des jeans ou des shorts.
J’étais peut-être plus résistant, ou moins chochotte qu’aujourd’hui, ou nous avions des selles en cuir plus confortables. Je n’en sais rien. Je me souviens toutefois que pour les longues sorties route en club, souvent pour plus de cent bornes, je portais un chamois. Déjà, un vulgaire short était inadapté, ou alors je voulais imiter les pros. Je ne sais vraiment pas. Tout cela est loin. C’était l’époque des pédales à sangle et des vitesses sur le cadre.
Plus tard, chaque fois que j’ai arrêté le vélo pour quelques mois, quand je travaillais trop ou pensais à autre chose, j’avais mal aux fesses lors de mon retour en selle, puis je n’y pensais plus, pour la simple raison que je ne roulais pas assez pour que des douleurs récurrentes s’installent. Tout s’est compliqué quand j’ai repris le vélo de manière plus intense.
J’ai alors constaté que je n’étais pas le seul à me plaindre. Même des cyclistes beaucoup plus chevronnés que moi pouvaient souffrir de belles irritations lors des longues sorties VTT, surtout quand elles s’enchaînaient sur plusieurs jours. J’ai commencé à penser étude posturale, et d’abord j’ai fait mesurer la distance entre mes ischions dans une boutique Specialized : 113 mm séparaient mes deux os en appui sur la selle. Le vendeur en a conclu qu’une selle Specialized Power de 143 mm serait bien plus adaptée que mon ancienne Phenom (qui elle aussi mesurait 143 mm). Sans trop chercher à comprendre, j’ai fait confiance aveuglément au vendeur, tout en achetant un cuissard Assos T.Equipe EVO.
Ma vie en a été changée jusqu’à ce que j’arrive en Floride en 2018. D’une part, je me suis mis au gravel, multipliant les sorties de plus de cent kilomètres, d’autre part, j’ai participé à mes premières épreuves VTT en bikepacking. C’est ainsi que j’ai découvert les limites de la Power. Quand j’enchaînais avec elle les longues sorties, elle me blessait au niveau du pli de la fesse gauche. Je n’avais jamais mal aux ischions, mais un frottement m’abrasait progressivement le haut de la cuisse, la peau devenant fragile et hypersensible à force d’être stimulée. J’étais prompt aux inflammations, voire aux infections.
Ma selle était-elle trop haute, trop basse, trop en arrière, trop en avant, trop ou pas assez inclinée ? Je jouais sur tous les paramètres sans jamais réussir à faire disparaître cette satanée inflammation. La seule médication était le repos et ne sortir qu’un jour sur deux. Je me suis alors payé une étude posturale qui a réglé avec succès une douleur aux genoux, mais qui s’est avérée peu satisfaisante côté selle, la Power étant apparue comme la selle qui me convenait le mieux parmi toutes celles que possédait la boutique de bike fitting. J’y étais parfaitement positionné et aucun des capteurs de pression n’a été capable de voir où je frottais. J’ai pris mon mal en patience.
En me tartinant de crème Assos Chamois (et désormais de Cicalfate plus pratique, j’évite le Cetavlon qui est un antiseptique et détruit la flore cutané si utilisé trop souvent), en me désinfectant scrupuleusement, je réussissais à tenir une semaine de bikepacking VTT, mais je terminais les épreuves en chantant, et je constatais que de nombreux concurrents abandonnaient à cause du mal aux fesses. Je n’ai jamais fini avec le cul en sang, simplement j’étais rappé, brûlé, à vif, ce qui était moins douloureux, mais peu agréable.
Une fois de retour en France durant l’été 2019, j’ai acheté une Power Arc, conçue par Specialized pour régler le problème de frottement dont je n’étais pas le seul à souffrir apparemment. La Power Arc n’a apporté qu’un léger mieux. Après huit jours de bikepacking, j’ai une fois de plus terminé avec une inflammation douloureuse, alors même que j’avais opté pour le plus haut de gamme des cuissards d’endurance Assos.
Quelques jours plus tard, je me cassais le col du fémur et me retrouvais privé de vélo. Pendant que je rongeais mon frein, je décidais de m’attaquer sérieusement à mon problème de selle.
La théorie
Sur le site de SQLab, j’ai découvert un graphique pour pondérer la distance entre mes ischions en fonction de ma position sur le vélo.
Comme je suis moyennement penché, j’ai ajouté 20 mm à ma distance entre ischions pour aboutir à ma largeur de selle idéale, soit 133 mm. Avec ses 143 mm, il était logique que la Power me blesse.
Dans le monde bikepacking, beaucoup ne jurent que par Brooks. Je me suis remis à pédaler avec une C17 Cuved, la plus étroite de la gamme Brooks. Très vite j’ai constaté que ce genre de selle hyperlongue (280 mm contre 240 mm pour la Power) ne me convenait pas du tout. La C17, en plus d’abraser les cuissards, me tapait dans les couilles à la moindre secousse (la B17 narrow ne valait guère mieux pour moi, testé avec ou sans cuissard).
J’ai alors pris conscience d’un étrange phénomène. Avant ma fracture du col du fémur, il n’était pas rare que je me lève deux ou trois par nuit pour aller pisser. Habitude perdue durant ma convalescence et qui revenait depuis mon retour sur le vélo. J’ai compris que les selles ne faisaient pas du bien à ma prostate de quinquagénaire. J’ai cru avoir trouvé la selle parfaite avec la hideuse ISM PL1.1. J’avais l’impression de rouler les couilles à l’air. Terminé les multiples réveils nocturnes. J’en ai déduit que ma selle idéale devait être ouverte, ou du moins creusée.
J’ai survécu avec l’ISM jusqu’à ma GTMC 2021, où malgré un tout nouveau cuissard Assos endurance, elle a fini par me brûler l’aine à tel point que j’ai terminé le parcours en danseuse. J’en étais revenu à mon point de départ dans ma quête de la selle idéale, mais, plutôt que de continuer des essais hasardeux, j’ai eu l’idée de superposer les selles sur Photoshop à la recherche de celles qui seraient évasées à la hauteur de mon point de frottement. J’ai ainsi découvert une première candidate : la Selle Italia Novus Boost Superflow S (135 mm).
J’ai commencé à rouler avec, constatant en effet que l’aine était bien mieux protégée, même si pas totalement épargnée. En revanche, cette selle avait tendance à me provoquer des fourmis dans les fesses, ce qui était nouveau pour moi. Après une cinquantaine de kilomètres, j’avais systématiquement des douleurs dans les ischions et j’étais obligé de me mettre de plus en plus souvent en danseuse.
J’ai troqué cette selle pour sa version Gravel Heritage, un poil plus rembourrée, qui s’est avérée plus confortable, sans que je retrouve l’assise impeccable d’une Power. J’ai bien essayé la Power Mirror, pour immédiatement être blessé à l’aine après quarante kilomètres. Décidément, mon séant n’est pas compatible avec les selles Specialized.
J’ai multiplié les essaie : Fizic, SQLab, Selle Italia, Ergon… jusqu’à tester la SMP Glider. J’étais quelque peu réservé sur sa forme en vague, mais à l’usage elle s’est avérée confortable pour mes ischions tout en limitant la friction à la hauteur de l’aine. Est-ce que j’en étais au bout de mon périple ? Malheureusement pas.
Assos en question
J’ai à ce moment entrepris un nouveau chantier. J’en avais assez des bretelles, qui passaient juste sur mes tétons pour les abraser, et peu pratiques en bikepacking quand il faut se dessaper dans la nature. J’en avais aussi assez des cuissards typés route. Je voulais des tenues plus décontractées et moins fragiles. J’avais aussi l’espoir d’aboutir à des tenues plus modulaires, donc plus économiques : un sous-short que je pourrais porter été comme en hiver avec au-dessus des shorts ou des pantalons plus ou moins chauds, plus ou moins imperméables.
J’ai commencé par acheter un sous-short Gore à 35 €. Il était bien moins confort que les cuissards Assos côté ischions, mais j’éprouvais beaucoup moins d’irritation du côté de l’aine. J’ai commencé à me poser des questions. Est-ce que depuis des années je n’avais pas un problème avec les cuissards Assos ? J’incriminais les selles sans questionner les cuissards, puisque j’achetais ce qui se faisait de mieux sur le marché, en théorie.
Mais ce n’était pas aussi simple. J’avais passé l’hiver avec mes Assos long sans réel problème de cul et dès l’arrivée des beaux jours ils réapparaissaient. Je ne pouvais pas encore invoquer les fortes chaleurs pour expliquer la différence. J’ai alors comparé mes Assos. Mes modèles hiver/automne avaient des mousses de 8 mm environ, mais les cuissards été, surtout les endurances que je portais en bikepacking, étaient beaucoup plus épais (et beaucoup plus chers).
Quand je roulais avec mon dorénavant vieux Assos T.Equipe EVO sur ma SMP Glider, lui aussi avec une mousse de 8 mm, je n’avais pas de problème. En revanche, à la moindre sortie avec un endurance, je revenais avec une irritation. Elle survenait à la limite du pad, là où la cuisse passe de protégée à pas protégée, une partie non en appui sur la selle, mais qui vient au contact de son flanc lorsque les jambes tournent. J’ai alors compris que cette jonction me blessait. Et mon vieux cuissard m’allait mieux que les nouveaux parce que son rembourrage était beaucoup plus mince.
Je commençais à y voir clair. Il me fallait une selle de 135 mm de large pour supporter mes ischions, avec un canal central ouvert jusqu’au bout pour protéger ma prostate, avec des flancs rentrant très vite pour éviter les frottements. Mais cette selle ne convenait qu’associée à un cuissard qui n’ajoutait pas une surépaisseur entre le haut de ma cuisse et les flancs de la selle, et dont le pad s’évasait en douceur. En juillet 2022, j’ai effectué en dix jours 1 200 km à VTT à travers la France avec la SMP Glider combinée à mon T.Equipe EVO en fin de vie, sans avoir de problème. Preuve qu’une solution existe pour moi.
Pour le moment, je n’ai pas encore trouvé le sous-short parfait. Le Gore ne me blesse pas, mais il soumet mes ischions à trop rude épreuve pour les sorties de plus de cinquante kilomètres. Je roule parfois avec un 7mesh qui mériterait d’être rembourré côté ischions tout en tenant mieux au corps. Mon meilleur choix à ce jour reste l’Assos Trail Liner Short, mais dont le pad me paraît moins confortable que mon vieux T.Equipe EVO (me reste à tester le modèle 2023). Une chose est sûre, il est hors de question pour moi de rouler avec les cuissards Equipe à près de 300 €, dont le pad énorme ne m’inspire rien de bon.
C’est un peu comme si Assos cherchait à proposer une solution universelle, alors que cette solution dépend aussi de la selle. Quand on approche de sa selle idéale, on n’a pas besoin de basculer vers des cuissard hors de prix, qui n’ont pour but de compenser un défaut d’assise. À quand des combos selle/cuissard ? Des systèmes pensés l’un pour l’autre. En ce moment, on assiste à deux courses parallèles vers le confort, mais qui ne jouent pas main dans la main et finissent par provoquer plus d’inconfort qu’autre chose.
Je n’en ai donc pas terminé avec mon parcours du combattant, mais au fil du temps j’apprends à mieux me connaître et à mieux connaître les différentes options à ma disposition. Une chose est sûre : comme je ne reviendrai jamais aux pédales automatiques, je ne reviendrai jamais aux cuissards. Je me sens tellement mieux avec un sous short et un pantalon VTT. J’adore les Rapha, mais j’ai un petit faible pour le 7mesh Glidepath d’une légèreté extraordinaire. Le rêve : ce pantalon avec des zips sur les jambes pour le transformer en sa version short. Ça serait tout simplement un must pour le bikepacking.
PS1 : Il est désormais possible de se faire confectionner des selles sur mesure, mais je suis sceptique. Beaucoup de selles du commerce m’accueillent à la perfection, mais leur inconfort ne survient qu’après de longues distances. C’est un peu comme si mon cul se déformait avec les kilomètres. Donc prendre une empreinte à un moment donné ne règlera pas nécessairement mes difficultés à un autre moment.
PS2 : En 2023, j’ai testé la SMP Stratos, trop étroite pour moi, et la SMP F20C SI (largeur parfaite mais me provoque des fourmillements quel que soit l’angle).