Le nom résume l’idée : il s’agit de partir en groupe sur une trace, donc à une date fixe, par opposition à partir seul ou avec quelques copains en mode ITT (Individual Time Trial). Si l’ITT n’implique aucune contrainte puisqu’on choisit son moment et ses compagnons, j’aime particulièrement les Grands Départs, voilà pourquoi j’en organise deux chaque année sur les 727.
Dans mon esprit, les Grands Départs participent aux charmes du bikepacking. Ils ne se résument pas à partir en groupe un bon matin, mais d’abord à se retrouver la veille au soir pour une veillée d’armes avant de s’élancer le lendemain. Ils impliquent une forme de ritualisation que j’apprécie de plus en plus. On commence à pédaler avant même de pédaler. On s’échauffe à l’idée de l’évènement tout proche. On retisse des liens distendus ou en noue de nouveaux. Une alchimie positive se met souvent en place.
Un Grand Départ, c’est idéal pour débuter
Quand on hésite à se lancer en bikepacking, quand on a quelques appréhensions, un Grand Départ est l’occasion de retrouver presque toujours d’autres débutants ainsi que des bikepackers expérimentés, tout comme des compagnons avec un rythme comparable. C’est souvent la garantie de ne pas rouler seul, ce qui est sans doute préférable quand on débute. J’ai moi-même osé me lancer en bikepacking grâce à plusieurs Grands Départs (en plus d’être aux USA, je n’avais aucun ami pour rouler avec moi).
Un Grand Départ, c’est se préparer
Qui dit Grand Départ, dit souvent groupe WhatsApp ou Telegram pour échanger entre les participants. C’est l’occasion de mieux choisir son matériel et de l’adapter à la trace. Comme tout le monde part avec le même objectif, comme tout le monde est amené à se croiser, l’ambiance sur ces groupes est moins nocive que sur les groupes de discussion plus ouverts, où le relatif anonymat permet quelques laisser-aller.
Un Grand Départ, c’est se donner un objectif
Une fois inscrit, parfois sur un coup de tête, il n’est plus question de renoncer. J’aime avoir quelques Grands Départs sur le calendrier de l’année à venir. Je sais que j’y retrouverai des copains, des connaissances virtuelles, des inconnus qui deviendront de futurs compagnons d’aventure. Je sais aussi que je dois m’entraîner pour encaisser le choc de longues journées de pédalage. C’est une motivation supplémentaire.
Un Grand Départ, c’est se rencontrer
Si grâce aux groupes de discussion, on a découvert les noms des participants, on peut enfin leur associer des visages. Le pot ou le repas lors de la veillée d’armes permet de mieux se connaître. De déjà s’imaginer avec qui rouler. De partager sa philosophie du bikepacking. Plutôt resto ou épicerie. Plutôt bivouac sauvage ou camping, voire gîte ou même hôtel. Qui roule la nuit ou qui s’arrête au soleil couchant ? Qui foncent ou qui s’attardent en terrasse de café ?
Un Grand Départ, c’est célébrer le bikepacking
Dès qu’on se retrouve, on ne parle plus que de bikepacking. On anticipe l’aventure à venir, en raconte d’autres. On se lève soudain pour inspecter un vélo, étudier une configuration, prendre note pour la suite. Partager notre passion nous a rapprochés avant même que nous nous rencontrions. Nous nous découvrons souvent en phase, même si par ailleurs tout nous oppose dans la vie. Les appréhensions des uns ou des autres se dissolvent, même si la nuit d’avant départ est souvent agitée avec l’excitation qui enfle.
Un Grand Départ, c’est s’informer
L’organisateur en profite pour distiller les derniers conseils, évoquer l’état de la trace en fonction de la météo des jours passés et de celle annoncée. Il est souvent question de quand et où se ravitailler, surtout dans les secteurs peu urbanisés, comme sur les 727.
Un Grand Départ, c’est humaniser la trace
Après une veillée d’armes, même quand on se retrouve seul sur la trace, on n’est jamais tout à fait seul. D’autres roulent devant, d’autres derrière. La notion de lanterne rouge n’a pas beaucoup de sens. S’être rencontré permet de se regrouper, de s’épauler. Et puis on s’arrête, se retrouve, se dépasse, se redépasse, mange ensemble, bivouaque ensemble. Le Grand Départ fraternise la trace, du moins pour ceux qui ne font pas la course.
Un Grand Départ, c’est payant
Si les traces ITT sont généralement gratuites, du moins les 727 le sont, les Grands Départs impliquent une inscription dûment formalisée et trébuchante. L’organisateur se retrouve mécaniquement responsable de l’évènement, même lors d’aventures informelles.
En cas d’accident, l’assurance de l’accidenté peut se retourner contre l’organisateur qui, s’il n’est pas assuré, peut être poursuivi lourdement. En conséquence, qui dit Grand Départ, dit participation. Mais rien n’oblige à facturer des sommes mirobolantes. Ceux qui prétendent le contraire n’ont qu’à s’adosser à un club associé à une fédération et implantée dans une commune qui apportera son soutien.
Sur les 727, pour 35 €, on offre un pot, un hébergement la veille du départ, un petit déjeuner au départ, un pot ainsi que des douches chaudes à l’arrivée. On ne fait l’économie que des goodies (non qu’ils reviennent cher, mais parce que leur impact écologique n’a aucun sens).
Puisqu’il n’est pas question de chercher la rentabilité, et encore moins de faire des bénéfices, rien n’impose la course au marketing et d’engager des frais promotionnels qui se répercuteront sur les participants. On me dit toujours que si je faisais payer 200 € un 727, j’aurais davantage de participants. Je n’en doute pas.
Le cyclisme est devenu le nouveau golf. Il y est pour beaucoup important d’afficher un statut social. Quand certains payent plus cher pour un évènement, ils croient acheter quelque chose de qualité, et croient en même temps que leur performance n’en aura que plus de prestige à leurs yeux et ceux de leurs followers.
Je connais cette musique. Plus un évènement fait parler de lui, tout simplement parce qu’il investit en publicité, plus il donne l’impression d’être prestigieux et de qualité, et plus des zozos s’arrachent les places, pour une prestation au final moyenne, des traces souvent peu ancrées dans les territoires, imaginées sans amour à seule fin de faire mal aux jambes. Mais qui paye pour le prestige se sent souvent obligé de dire du bien pour ne pas nuire au prestige qui nuirait à l’importance de l’exploit.
Je refuse d’entrer dans cette logique (déjà parce que les chemins ne m’appartiennent pas et que je n’ai aucun droit d’y facturer un droit de passage). Je préfère garder un tarif plancher qui, je crois, participe aux charmes des 727. Les Grands Départs n’en sont que plus confraternels.
Essayez donc de rouler avec nous en mai sur le i727 ou en septembre sur le g727.
PS : Mon marketing se résume à quelques articles où je glisse les noms des 727 et tente de défendre ma philosophie du bikepacking.